mercredi 28 novembre 2007

Présentation du roman "L'étrange don d'Anaïs C.", paru aux éditions Osmondes en 2006. Un surprenant récit où se mêlent fantastique, amour et guerre...



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Résumé : Architecte divorcée, Anaïs C., après une tentative de suicide, rencontre Vladimir Kovacic, séduisant médecin anesthésiste au CHU de sa ville ; ce dernier arrive des Balkans en tant que réfugié politique, ayant fui la guerre du Kosovo après y avoir perdu femme et enfant. Ils vont vivre tous deux un véritable coup de foudre. Ce, malgré le drame récent de Vladimir et malgré le don bizarre qui vient d'échoir à Anaïs après son suicide...

Extrait du chapitre II

Plus l’heure passait et plus Anaïs C. était troublée… Elle se rendait compte combien elle était tombée totalement sous le charme de cet inconnu, ce qui augmentait un peu plus son émoi… Envolées pour la soirée, ses étranges visions ! Elle ne voyait plus rien, sinon Vladimir… Vladimir, qui la dévorait souvent des yeux, justement parce que ses yeux, à elle, étaient encore plus beaux, plus clairs et lumineux, dans la lumière toute en douceur des bougies. Et, parfois, dans l’émotion vertigineuse qui la saisissait, elle ne savait plus où les poser…
De temps à autre, Alexandra Kovacic, mi-amusée, mi-attendrie, les observait discrètement, leur lançant de furtifs regards. Anaïs s’en aperçut, malgré ce trouble délicieux qui continuait à l’envahir chaque minute un peu plus. C’est que Vladimir, qui avait comme tout le monde un peu bu, s’enhardissait… À sa plus grande joie, il lui faisait carrément un brin de cour…
À la fin du repas, Christian se leva de table pour mettre quelques CD dans la minichaîne Sony, pendant qu’Anne, aidée d’Alexandra et d’Anaïs, finissait de débarrasser. On repoussa table et chaises, et les deux couples commencèrent à danser. Alexandra Kovacic y trouva prétexte pour prendre congé ; elle souhaita le bonsoir à tout le monde et embrassa chaleureusement Anaïs, lui confiant qu’elle souhaiterait vivement la revoir.
Madame Kovacic à peine partie, les quatre amis reprirent leurs danses. Pleins d’entrain et d’enthousiasme, Anaïs et Vladimir se dépensèrent avec leurs hôtes sur quelques rocks and roll bien rythmés ; histoire de se mettre dans l’ambiance, de perdre un peu de leur trouble et d’être plus détendus… Ils profitèrent ensuite de ce qu’Anne et Christian se soient rendus dans la cuisine chercher quelques rafraîchissements pour s’asseoir et pouvoir enfin bavarder un peu. Pendant l’apéritif et le dîner, ils n’avaient pas vraiment pu faire connaissance. Ils avaient hâte de se découvrir…
« – Ainsi, vous êtes une amie de notre chère voisine Anne ? Anne et Christian sont les seuls que nous connaissions dans cet immeuble. Les seuls à nous avoir aussi bien acceptés et accueillis… Je ne savais pas qu’Anne avait une amie aussi charmante et sympathique. Et surtout, aussi ravissante ! déclara Vladimir, très enthousiaste.
– Merci ! répondit Anaïs, ravie et troublée. Oui, nous nous connaissons en effet depuis longtemps, Anne et moi… À vrai dire, depuis l’adolescence. Nous nous sommes connues aux Beaux-Arts et nous étions perdues de vue depuis des années. Anne avait choisi de partir vivre à Paris… Nous venons juste de nous retrouver.
– Eh bien, la chance est avec moi, puisque vous vous êtes retrouvées,ce qui me permet d’avoir le plaisir de faire votre connaissance…
– Mais, c’est réciproque… J’en suis très heureuse également ! Et c’est vrai que le hasard parfois fait bien les choses… Je suis vraiment contente de vous connaître…, affirma avec conviction Anaïs, de plus en plus émue, qui enchaîna : alors… d’après ce qu’Anne m’a confié, vous arrivez du Kosovo… Vous êtes donc à la fois Kosovar et Yougoslave, je suppose. Mais, êtes-vous originaire de Serbie ou bien d’Albanie ? Ou encore, êtes-vous Tzigane ?… D’après votre physique, je vous verrais plutôt Serbe ou Tzigane… Je me trompe ?…
– Oui, un tout petit peu… Parce que si je suis bien Yougoslave, – enfin, d’ex Yougoslavie – je ne suis cependant ni Kosovar, ni Serbe, ni Albanais, ni Tzigane… Car je viens de Bosnie. Je suis donc aussi Bosniaque… Mais comme la Bosnie est constituée de gens venant de Serbie, de Croatie et même de Turquie, et que toute ma famille et moi-même sommes originaires de Croatie, je suis également Croate… Pour résumer, je suis avant tout un Croate de Bosnie, puisque avant de partir pour le Kosovo, – où m’attendait un poste d’anesthésiste à l’hôpital de Pristina – j’habitais à Sarajevo, donc en Bosnie… Et si mon physique vous intrigue, c’est qu’il est métissé. Parce que, comme dans tout pays aux nombreux brassages, il y a eu pas mal de mélanges… Ce qui a été aussi le cas il y a bien longtemps de cela en Dalmatie, province croate de mes ancêtres. Parmi ceux-ci on trouve, paraît-il, une Italienne et une Autrichienne… Qui seraient apparues du temps où la Croatie avait d’abord été occupée par les Vénitiens, et ensuite été attribuée à l’Autriche…
La Dalmatie !… Ah, si vous saviez… la Dalmatie aux douces collines rocheuses… Le charme tranquille de ses villages, où le temps s’est arrêté… Ses magnifiques maisons de pierres blanches… L’adriatique aux eaux si limpides… C’est si beau ! Un jour, j’aimerais vous y emmener pour vous la faire connaître… Enfin, si vous acceptez mon amitié. Mais, je m’égare… Pour en revenir à ce que je disais précédemment, toutes ces précisions ont leur importance…, ajouta Vladimir, revenu à des réalités moins poétiques. Parce qu’il vous faut savoir également, si vous ne le savez déjà, que les Serbes sont pour la plupart de religion orthodoxe, et les Croates plutôt catholiques… Tout comme les Tziganes, d’ailleurs, qui viennent de Hongrie (dont une minorité est protestante). Tandis que les Turcs sont complètement musulmans, tout comme les Albanais, islamisés par ceux-ci… C’est bien compliqué, n’est-ce pas ? Mais c’est ça, les Balkans : une vraie mosaïque ! D’où leurs difficultés…
– Certes, pour nous, c’est très compliqué ! », répondit Anaïs. Elle connaissait un peu par Anne le passé douloureux de Vladimir, et, par délicatesse, hésitait à poursuivre. Ce fut Vladimir qui continua :
« – Je dois vous avouer que ma vie passée est plutôt tragique… Et ce soir, je ne désire pas en parler… Ce soir, c’est fête, je ne veux pas le gâcher en remuant d’affreux souvenirs. L’heure est à la détente, aux choses gaies, aux amitiés qui se nouent… J’espère bien qu’on se reverra par la suite, j’aurai ainsi l’occasion de vous expliquer en détail tous les évènements graves et dramatiques qui m’ont conduit à quitter mon pays. Mais vous savez sans doute déjà que je suis anesthésiste au C.H.U. de la ville ? Que je suis veuf et vis depuis quelques mois chez ma tante, qui a eu la bonté de m’accueillir chez elle ? Parce que, si j’ai préféré partir définitivement de l’ex Yougoslavie, quitter le Kosovo et ne pas retourner en Bosnie, c’est que plus rien ni personne ne m’y retenait. Je n’avais plus que ma tante… Et puis, je pense que c’est ce que j’avais de mieux à faire, vu le désordre, la pagaille, les règlements de compte et la panique qui y règnent depuis la fin de la guerre et encore maintenant… Vous ne l’ignorez sans doute pas, vous avez dû le voir aux informations télévisées. Ce ne sont que représailles incessantes, malgré l’US KFOR, ces militaires de l’OTAN toujours en faction au Kosovo avec les casques bleus… Et malgré la présence de Bernard Kouchner… Durant toutes ces épreuves, ma tante Alexandra, – c’est la sœur de mon père – n’arrêtait pas de m’écrire et de me téléphoner, me suppliant de venir en France… J’aurais bien dû l’écouter tout de suite… Si j’étais parti dès le début des émeutes avec ma femme et mon fils, tous les deux seraient peut-être encore vivants… Mais je ne pouvais quitter l’hôpital de Pristina, c’était impossible, on y avait trop besoin de moi… En dernier lieu, Alexandra a réussi à me convaincre et je suis parti… Elle avait peur pour ma vie, puisque je suis à peu près le seul survivant de la famille. Voici qui est fait, et j’ai obtenu très rapidement l’asile politique dans votre beau pays… Que je connaissais déjà et que j’adore… J’y ai fait mes études et y venais souvent en vacances, chez ma tante Alexandra. Elle vit en France depuis l’adolescence, elle est naturalisée française… C’est ce que je souhaite également obtenir bientôt. Puisqu’à présent, ma vie est ici… D’autant plus que j’ai eu la chance de trouver tout de suite ce poste d’anesthésiste aux urgences du C.H.U. Il faut dire qu’en France, on manque d’anesthésistes… C’est d’ailleurs pourquoi, dans vos hôpitaux, on trouve des infirmières pratiquant également cet exercice, sous contrôle de médecins. Voilà… À présent, je vous ai à peu près résumé l’essentiel de ma vie passée et actuelle… Et en conclusion, il ne me manquait plus que de rencontrer une femme comme vous… Ou plutôt, que de vous rencontrer, vous, pour être tout à fait comblé… précisa-t-il élégamment avec grand enthousiasme, ajoutant : mais… je suis inquiet… Vais-je vous plaire autant que vous me plaisez ?… ».
Anne et Christian étaient revenus depuis longtemps ; ils avaient disposés les différentes boissons sur la table. Parfaitement discrets, ils avaient respecté l’aparté de leurs invités… Anne, satisfaite d’être à l’origine de cette sorte de coup de foudre, aussi flagrant que réciproque entre son amie et le beau médecin slave, était allée discrètement mettre un CD de slows. Depuis, elle dansait avec Christian, et tous deux, également très amoureux, tournaient langoureusement, collés l’un à l’autre.
En pleine allégresse, un moment attristée et angoissée lorsque Vladimir avait abordé la perte de sa famille, Anaïs lui avait répondu qu’il lui plaisait aussi, sans lui avouer combien… Songeant malgré tout, avec gêne et répugnance, qu’il n’aurait pu être avec elle ce soir sans cette tragédie. Et elle lui avait alors révélé, ce qui semblait avoir transporté celui-ci d’étonnement et de joie, qu’elle l’avait remarqué plusieurs fois dans son quartier, tout en désespérant un jour de pouvoir le connaître… Vladimir lui avait alors pris la main et l’avait entraînée sur la piste de danse. Et il y eut bientôt deux couples d’amoureux tendrement enlacés, s’embrassant avec de plus en plus de passion...
Anaïs en oubliait son âge… Elle avait l’impression d’être à nouveau adolescente, d’avoir vingt ans, comme au temps où avec Anne, elles flirtaient toutes deux dans les discothèques et les soirées d’étudiants… La communion de leurs corps devenait si forte, si intense, qu’un vertige commun les envahissait progressivement avec plus de violence, rendant leur désir réciproque de plus en plus impérieux… Et dans ce tumulte des sens, prélude au tout premier acte sexuel de deux êtres qui se cherchent et n’en peuvent plus, Anaïs, à bout de nerfs et de résistance, murmura doucement à l’oreille de Vladimir :
« Il va être deux heures… Si nous partions ? Allons chez moi, voulez-vous ? ». Vladimir l’étreignant avec plus de force, répondit dans un souffle :
« Partons ! ».
Il n’était pas question pour eux de perdre de temps en fausses pudibonderies… Ils en avaient déjà assez perdu avec leur drame réciproque. Ils avaient passé l’âge…
Et c’est cette nuit-là, qu’Anaïs et Vladimir devinrent amants et décidèrent de ne plus se quitter ; puisque environ trois semaines plus tard, Anaïs proposa tout naturellement à Vladimir d’emménager chez elle. Ce qu’il fit sans se faire prier et avec beaucoup d’empressement, tellement il était fou amoureux.

mardi 30 octobre 2007

En écho à mon article "Humeurs littéraires", voici une nouvelle extraite de mon recueil déjà présenté, "Comme un noir soleil", paru en 2006.



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EDITEURS,JE VOUS HAIS ! PORTES REFERMEES ; VOUS AVEZ TUE MA MERE !

Je m’appelle Eléonore et je viens d’avoir dix-huit ans. Pas de fête pour mon anniversaire, aucune joie. Seulement un trop plein de haine… Une haine tenace. Je hais les éditeurs ! Il n’y a personne que je ne déteste plus ! Ma mère est morte à cause d’eux… Elle s’est tiré une balle dans la tête, un jour de grosse déprime. Mon père l’avait quittée il y a environ un an, elle avait eu du mal à s’en remettre ; naïvement, elle pensait qu’il lui était tellement attaché qu’il ne partirait jamais. Depuis, elle supportait encore moins qu’on lui refuse à chaque fois son manuscrit. Toute réponse négative la plongeait aussitôt dans un désespoir profond qui durait des mois.
Déjà, je l’avais vue petit à petit s’user moralement d’années en années, quand elle envoyait par la poste des ouvrages dont personne ne voulait. Et pour lesquels elle guettait ensuite avec anxiété la moindre lettre. Une attente qui durait une éternité, souvent plusieurs mois. Ce qui ajoutait encore à son supplice.

Oh, oui ! Je les hais profondément, ces affreux éditeurs ! Comment ne le pourrais-je ? Après ce drame, je ne peux bien sûr que les haïr !
Et en premier, tous ceux qui ne pensent qu’à faire du chiffre, au détriment des vrais talents littéraires. Ceux-là ne sont plus que des marchands de soupe pour la plupart, que d’ignobles mercantiles ! Ils prétendent qu’ils ne peuvent agir autrement… que le monde de l’édition est en crise… Qu’ils ont trop de charges. Mon œil ! C’est surtout qu’ils ne veulent plus se battre pour faire connaître de talentueux inconnus, oui ! Ils préfèrent l’argent facile, ce qui va leur rapporter gros sans trop se bouger le cul… Des histoires sans intérêt, mais bien croustillantes ! Du genre petits potins des gens du show-biz ou assimilés… C’est trop injuste, à la fin ! Et s’il y a des lecteurs pour acheter ce genre de bouquins, c’est qu’ils n’en sont pas vraiment… Pour moi, ce ne sont que des voyeuristes déguisés ! Les lecteurs d’aujourd’hui ne sauraient-ils plus lire ?... Ne rechercheraient-ils plus avant tout que la facilité, eux aussi ? S’il en est ainsi, c’est désastreux et écœurant ! Là encore, je suis tout à fait d’accord avec ma chère maman… Parce que c’est ce qu’elle m’affirmait souvent.

Depuis toute petite, j’ai le souvenir de ma mère travaillant le soir dans son bureau, aussitôt le repas terminé. Elle s’y enfermait après un rapide bonsoir à mon père, mon frère et moi-même. Sous aucun prétexte, nous ne devions la déranger. Elle écrivait toute la nuit, et ne se couchait que vers les deux ou trois heures du matin. Elle disait que sa meilleure inspiration lui venait le soir, qu’elle était plus tranquille… Je me souviens qu’au début, – je devais avoir dans les dix ans – j’entendais mon père sortir de sa chambre et redescendre pour la supplier de monter se coucher. Je le sais, parce que c’est vers cet âge-là que j’avais pris l’habitude de lire au lit avant de dormir ; et, bien sûr, je ne savais pas m’arrêter… Mais mon père, par la suite, ne redescendait jamais plus. Il a dû se lasser et y renoncer, à force de toujours remonter seul…
Alors, à la longue, – je l’ai compris depuis – c’est sans doute ainsi que mes parents ont perdu toute intimité. La passion que ma mère, du moins je le suppose, devait avoir éprouvée pour mon père, s’était transformée en une autre beaucoup plus abstraite, celle de l’écriture… Une passion dévorante, si envahissante, que plus rien d’autre ne semblait vraiment compter pour elle ; nous tous, passions bien après… Mais je pense quand même que si maman n’avait pas dû tant galérer pour tenter de se faire publier, elle aurait été plus cool avec tout le monde. Et avec mon père en particulier, ce qui aurait empêché leur couple de se détruire.

Mon frère et moi n’en souffrions pas trop ; elle nous donnait malgré tout l’affection dont nous avions besoin. Disons, pour être tout à fait honnête, que nous en recevions la qualité, plus que la quantité, mais que nous n’en ressentions pas de réelle frustration. C’est plutôt notre père, qui en souffrait terriblement. Même s’il n’en disait rien, ça se voyait à son air, à ses attitudes… Lui qui était d’un naturel plutôt enjoué, est devenu triste et taciturne. On voyait bien qu’il n’était pas heureux. Il a quand même supporté comme il a pu très longtemps. Il devait toujours espérer… Et puis, il y a environ un an, peu avant mes dix-sept ans, il a fini par claquer la porte. Façon de parler, d’ailleurs, parce qu’il s’est plutôt retiré sur la pointe des pieds… Depuis des années, il avait dû par force s’y habituer, pendant que maman frappait avec frénésie sur son clavier… Toute la maisonnée avait pour consigne le silence, lorsqu’elle se trouvait dans son bureau… Et cette fois-là, il s’est retiré pour de bon, définitivement.
Même si à présent je comprends encore mieux ma mère, j’estime que mon père a eu malgré tout beaucoup de patience. Je reconnais que cette situation n’était vraiment pas évidente à supporter pour un mari. D’ailleurs, si mon petit ami se comportait comme maman, c’est une chose que je ne pourrais absolument pas accepter. Mais comme je vois que tout change avec les années qui passent, moi-même je ne suis peut-être pas au bout de mes peines de ce côté-là…

Toujours est-il que dans le cas présent, c’est bien à cause de tout ça, de cet abominable gâchis dans nos vies, si je hais autant les éditeurs ! Et doublement ! Parce que maintenant, voilà qu’ils se réveillent enfin ! Quand c’est trop tard ! Je les tiens pour responsables… C’est quand même de leur faute, si je viens de perdre ma mère. C’était déjà quasiment à cause d’eux, si mon père était parti… Par leur faute, la vie de ma famille a été fichue en l’air ! J’ai dix-huit ans, et voici que je me retrouve seule avec mon frère âgé de treize ans… Quel beau départ dans la vie, pour lui et moi ! Nous partirons bientôt vivre chez notre père. Mais rien ne sera plus pareil, notre mère est irremplaçable…
Nous sommes brisés tous les deux, mon frère pleure sans arrêt, et moi presque autant. On a déjà l’impression que notre vie est foutue, avant même qu’elle ne commence… Et pourquoi ? Parce qu’aucun de ces messieurs-dames des maisons où maman s’était adressée, n’avait alors daigné prendre le temps de s’intéresser à ses textes… Et pourtant, ils auraient pu le faire avant, puisqu’ils l’ont bien fait depuis ! Il suffisait qu’ils le fassent, et nous n’en serions pas là aujourd’hui… C’est horrible ! Je leur en veux à mort !

Parfois, dans les réponses négatives que ma mère recevait, on lui mettait des annotations qui lui faisaient mal : « Narration trop classique », « Style trop traditionnel », formulaient certains, tandis que d’autres lui assuraient que ses histoires étaient intéressantes, originales et bien écrites, mais qu’ils étaient plutôt à la recherche d’une forme d’écriture particulière. Elle ne comprenait pas. Elle me disait : « Mais qu’est-ce qu’ils veulent donc ?... Peut-être que si j’écrivais mes phrases à l’envers, en commençant par la fin, ça leur conviendrait ? Là, ce serait vraiment particulier ! Et si j’écrivais des mots à la suite, sans point, sans virgule, d’une seule traite ? Et pourquoi pas des textes du genre rébus ?... Ce qu’ils veulent, c’est peut-être un style qui innove, même s’il est incohérent ou hermétique ? N’importe quoi, en fait, même si c’est merdique ? Eh bien, non ! Je refuse toute innovation de ce genre ! Faire original à tout prix, dans le but de ne pas écrire comme tout le monde… et surtout, pour qu’il en soit parlé le plus possible, est uniquement une technique de vente, un coup de marketing ! C’est malhonnête pour le lecteur, à qui l’on se doit de remettre un ouvrage qui lui apportera quelque chose, dont il restera quelque chose en refermant le livre… A moi, ce qui me paraît le plus judicieux, le plus motivant pour le lecteur, c’est déjà de trouver un sujet intéressant ; et d’écrire dessus, de la façon la plus passionnante, la plus agréable possible… Concocter une histoire qui en soit vraiment une, et non un assemblage de mots, de lignes, qui forment des paragraphes énoncés tout exprès de façon inhabituelle afin de surprendre et de choquer.
Vian, Queneau ou Céline ont innové en leur temps… Ils ont même choqué parfois. Mais dans le bon sens : ils furent les premiers à introduire le langage écrit sous une forme parlée, ce qui renforçait leurs textes en les rendant plus vivants. Et ce qui n’exclut pas pour autant que ce qu’ils racontaient se tenait, était de vraies histoires. On pourrait se poser la question suivante : quel est le plus important, l’écriture elle-même, ou le thème choisi ? Pour moi, l’un ne va pas sans l’autre. Un beau sujet qui est mal traité, ou une superbe écriture sur une histoire sans intérêt, ne valent rien dans un cas comme dans l’autre… Est-ce que, Effroyables jardins, pour ne citer que celui-là, n’est pas un texte superbe et magnifiquement écrit, par hasard ? Heureusement qu’on en trouve parfois… Voilà le genre de récit qui me va droit au cœur ! Une écriture d’une grande pureté… Directe, concise, sans fioriture, sans maniérisme… Michel Quint à eu la chance de trouver une éditrice aimant un certain classicisme. Et quand je repense aux livres de Bazin, Mauriac ou Camus, par exemple… C’est bien de la narration classique, là encore. Mais quel plaisir de les lire ! « C’est daté », disent certains… Ils ont tout faux ! Des sujets tels que, par exemple, Vipère au point, Thérèse Desqueyroux, L’étranger et La peste, seront toujours d’actualité ; ils sont indémodables ! Pour ma part, c’est vrai, je revendique nos racines latines… Le bon français se perd, celui des origines. Du reste, on le voit tous les jours… Tu l’as bien vu au lycée, Eléonore… En sixième, tu étais parmi les meilleures en français et il y en avait peu. Il faut voir le nombre d’élèves qui ne maîtrisent pas leur propre langue, arrivés à ce stade… Vois-tu, j’aimerais me situer comme l’une des gardiennes de l’héritage littéraire de nos ancêtres les plus célèbres. J’ai une telle admiration pour eux… Personne n’a jamais fait mieux jusqu’à présent. Je suis une fervente adepte de Jean d’Ormesson et de ces quelques autres, qui tirent la sonnette d’alarme pour dénoncer que notre belle langue tend à perdre ses lettres de noblesse. Déjà, je suis atterrée à chaque fois, lorsque je lis les courriers que nous envoie Lucia, ta cousine. Cousus de fautes… Elle vient pourtant d’entrer à hypokhâgne… ».

Mon Dieu ! Quand je me souviens de tout ce qu’elle me disait, ma mère, j’en ai immédiatement les larmes aux yeux… Et je jure bien que si ce n’était pour elle, par respect pour sa mémoire, j’irais les trouver, moi, ces crétins d’odieux éditeurs ! Pour leur dire ce que je pense ! Je prendrais avec moi leur maudite réponse, et je la déchirerais devant eux, cette lettre qui a tant fait souffrir maman ! Même celle que je viens de recevoir du dernier éditeur, à qui elle avait sans y croire et dans un ultime sursaut adressé ses manuscrits… Et sur laquelle brillent enfin ces mots qui auraient été magiques pour elle, et qu’elle ne pourra jamais lire, malheureusement : « Nous avons le plaisir de vous informer que vos manuscrits ont été retenus pour publication… ». Et je leur en jetterais avec force tous les morceaux au visage, en crachant dessus !

Parce que moi, je me suis toujours intéressée à ce qu’elle écrivait, ma mère. Et pas seulement parce que je suis sa fille. Forcément, quand on aime lire autant que moi…
D’ailleurs, j’ai toujours été sa première lectrice. Elle me faisait lire tous ses chapitres, dès qu’ils étaient achevés… Et elle attendait ensuite mon verdict. Bien sûr, pas tout de suite, seulement quand j’ai eu douze ans. Et dès quinze ou seize ans, mon jugement se faisait de plus en plus objectif… Je n’hésitais pas à donner mon point de vue sur ce que je jugeais être les points forts et les points faibles de ses textes. C’est d’ailleurs ce qu’elle voulait, maman. Elle m’affirmait que je lui étais d’autant plus précieuse, et que c’était lui rendre service. J’étais devenue très critique… Je pense même que c’est ce qui m’a donné l’idée de mon futur métier. Critique littéraire… Comme ça, je pourrais écrire de nombreux articles sur les livres de maman, et aider des auteurs dans son cas. En quelque sorte, la venger plus tard…

Donc, ma mère m’écoutait souvent et réécrivait certains passages. C’est fou, ce qu’elle a pu peaufiner ses textes ! Elle les reprenait sans cesse. Elle n’était jamais satisfaite. Une de ses formules préférées, pendant qu’elle travaillait : « La perfection n’est pas de ce monde, et c’est parfois aussi bien. Mais quand on pratique un art, on doit être perfectionniste, ou alors s’abstenir. L’art est égoïste, il demande beaucoup… Il faut tout lui donner. C’est la seule façon d’en obtenir satisfaction en retour. C’est d’ailleurs à ça, qu’on reconnaît le véritable artiste… ».
Une chose qui lui plaisait aussi énormément, c’est que je donne ses récits terminés à lire à mes amis du lycée. J’emmenais ensuite ceux-ci à la maison, pour qu’ils lui fassent leurs commentaires. Nous passions ainsi tous ensemble des après-midis entiers à commenter ses romans, à les analyser. C’était passionnant, nous étions tous épris de littérature. Durant ces moments-là, maman revivait, exultait, oubliant pour un temps ses tracas d’auteur non reconnu. D’autant que mes amis appréciaient totalement ce qu’elle écrivait et lui assuraient qu’elle serait un jour connue. Certains d’entre eux étaient également ses élèves, puisqu’elle était prof de dessin dans mon lycée. C’est, du reste, grâce à sa profession, si elle avait beaucoup de temps libre pour écrire.
Maman me disait souvent : « Tu vois, Eléonore, les jeunes aiment ce que je ponds… La plupart des moins jeunes aussi, d’ailleurs. Tu sais que je donne mes textes à lire à certains de mes collègues… Je suis donc certaine que mes romans plairaient aux ados et aux adultes. Mes livres se vendraient forcément bien… Et dire qu’aucun éditeur ne veut me publier ! ». En général, ça, c’était les jours de désespoir, quand elle venait encore de recevoir une réponse négative…

Et pourtant, oui, c’est vraiment bien, ce qu’elle a écrit, ma mère ! J’ai été sa première admiratrice. Son imagination féconde et étrange, sa façon de raconter, me surprenaient toujours. J’aimerais pouvoir écrire comme elle… Evidemment, j’ai mes préférences. Certains de ses textes me parlent plus que d’autres, certains me laissent perplexe, ou encore me touchent beaucoup moins. Mais ça, c’est normal, c’est toujours ce que je ressens dans n’importe laquelle de mes lectures, auteur connu ou non… N’empêche que j’estime que ma mère a beaucoup de talent ! Un réel talent d’écrivain… Pas comme certains, qui se prennent pour tels, simplement parce qu’ils jouent du stylo ou du clavier, et qu’ils sortent un nombre impressionnant de feuilles de leur imprimante. Aligner des mots, ça, tout le monde peut le faire ! C’est la première chose qu’on nous apprend à l’école… Je n’ai peut-être pas vraiment la qualité pour en juger, et sans doute pas assez de pratique, mais vu que la matière où je suis la plus forte, c’est justement la littérature, et que je lis énormément, il m’est donc possible de comparer, d’analyser, tout en demeurant objective…
D’autant plus qu’il y a une chose qui s’avère absolument certaine : maintenant, je peux être sûre de ne pas m’être trompée, puisque ceux qui ont pendant si longtemps ignoré maman veulent à présent lui publier tous ses textes ! Ça, c’est bien une preuve irréfutable !

Elle qui était constamment en quête de reconnaissance, me confiait souvent avec un extrême désarroi : « Malheureusement, ma petite fille, un auteur n’existe, ne prend sa vraie dimension, que lorsqu’un éditeur lui donne droit de parole… C’est la seule façon qu’il a de devenir crédible. Sans l’éditeur, l’auteur n’est rien. Et puis, à quoi sert-il d’écrire, si personne ne vous lit ? Alors, tu comprends, Eléonore, pour l’instant, c’est comme si mes textes n’existaient pas. Je suis un fantôme qui tente vainement de se matérialiser… ».
Ô, tous ces souvenirs qui font mal… toutes ces paroles de ma mère, qui résonnent à présent dans ma tête… Bande de salauds d’éditeurs ! Vous ne pouviez pas vous décider avant ? Honte sur vous, qui l’avez fait mourir à petit feu, qui l’avez amenée à se suicider par désespoir !…
Oui, je vous hais de toutes mes forces ! Je vous haïrai jusqu’à la fin de ma vie ! Et encore davantage, ceux qui lui avaient fait miroiter une publication… Ceux qui devaient lui adresser un contrat qui n’est jamais arrivé… Ceux qui lui en ont pourtant signé un, mais qui n’ont finalement jamais sorti son ouvrage… C’est ceux-là, les pires ! Parce qu’à chaque fois, maman reprenait espoir, elle pensait voir la fin du calvaire, la reconnaissance de son travail. Et tout s’écroulait, tout était à recommencer !

Par exemple, il y en avait eu un qui lui avait envoyé un e-mail lui annonçant qu’il voulait publier son avant-dernier roman… Qu’il allait lui adresser le contrat s’y rapportant. Mais le contrat ne lui a finalement jamais été envoyé, tout simplement parce que ma mère, qui a bien eu raison, ne voulait pas que ce soit la femme de l’éditeur qui réécrive tout un chapitre à sa place…
Et quand je pense à cette garce d’éditrice, surtout… La présidente des éditions du Manoir.… Celle avec qui maman travaillait en dernier. La pire, celle-là… Espagnole d’origine… Ferra, qu’elle s’appelait. Une vraie folle ! Une fieffée menteuse, et malhonnête, en plus… Faut voir comme elle a fait marcher maman. Un an et demi, qu’elle l’a menée en bateau… Et que je t’appelle, en flattant ma mère… En lui disant qu’elle aimait tout ce qu’elle avait écrit. Ses trois derniers romans, qu’elle lui avait retenus… Maman était enfin tranquille, à ce moment-là. Elle avait reçu les trois contrats, elle voyait enfin le bout du tunnel… Et pourtant, parallèlement, déjà, elle commençait à douter de la Ferra… Parce qu’il avait fallu les lui réclamer plusieurs fois, les contrats promis !
Ensuite, ça avait continué à être désastreux… Les corrections expédiées par la poste, ou par e-mails et télécopies, posaient toujours problème. Où elles n’arrivaient pas, et il fallait faire des relances incessantes, où lorsqu’elles finissaient par arriver, ce n’étaient pas les bons textes et ils étaient incomplets… Plusieurs fois, la Ferra fit le coup d’affirmer avoir fait l’envoi, mais c’était du pipeau. Elle prétendait ensuite que ce devait être de la faute de la poste… Ma mère s’arrachait les cheveux, elle en était malade ! En fin de compte, elle n’a jamais reçu le dernier bon à tirer, le BAT, comme on dit, celui qu’elle venait de finir de corriger et qui aurait dû être donné à imprimer. Mais c’était fait exprès… L’éditrice faisait tout trainer sciemment. Elle n’était plus en mesure de sortir le moindre ouvrage, elle devait de l’argent à tous les imprimeurs… Aucun ne voulait plus travailler pour elle. Maman l’a su après. Des auteurs déçus lui avaient écrit pour la mettre en garde… Certains se trouvaient dans le même cas qu’elle, d’autres, qui avaient pourtant été publiés, n’avaient jamais reçu aucun droit d’auteur, tandis que d’autres encore se plaignaient d’avoir participé financièrement pour rien. Aux abois, l’éditrice allait jusqu’à recruter des auteurs payants… En dernier lieu, une plainte avait même été déposée contre elle et la police venait de lui saisir son matériel. A ce stade, les éditions du Manoir n’existaient quasiment plus… Nul doute que cette dernière expérience encore plus malheureuse, n’ait achevé ma pauvre maman, la poussant au suicide !

Ainsi donc, un mauvais sort en a décidé, ma mère sera publiée à titre posthume… De toute manière, en France il faut souvent être mort pour être reconnu. À se demander si on ne la publie pas maintenant que parce qu’elle s’est… Alors, ma vie durant, je m’emploierais à faire honorer sa mémoire. J’essaierai d’être pour elle, ce que Max Brode a été pour Kafka…
Et quand je pense que c’est ce qu’elle me confiait souvent, en riant d’un rire amer et désabusé, ma pauvre chère maman… Elle me disait : « Tu sais, Eléonore, j’aurais peut-être la chance, moi aussi, d’être publiée à titre posthume, après tout ! Ce sera toujours mieux que rien ! Remarque, ça me fera une belle jambe, une fois que je serai là-haut ! ».
Elle ne croyait, hélas, pas si bien dire, la malheureuse femme… Le destin est parfois si cruel, il est là où on ne l’attend pas. Maintenant, je le sais, et l’avenir me fait peur…

lundi 15 octobre 2007

Aujourd'hui, je bloggue pour l'environnement ! On se doit de respecter son environnement, surtout par ces temps incertains...


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Mon propos sera le respect de la vie animale, quelle que soit son espèce. Maltraiter, faire souffrir inutilement, ou tuer un être vivant, juste pour satisfaire les passions humaines, relève d'un égoïsme forcené et cruel qui n'a plus rien d'humain. C'est pure barbarie, chose inconcevable à notre époque !
En premier, j'ai donc choisi de parler de l'atrocité foncière que représente le spectacle des corridas. Pour cela, on peut se reporter à mon article du 18 août 2007, où je les dénonce au travers d'une nouvelle faisant partie de mon livre paru en 2006, "Comme un noir soleil"... Cela donnera une idée à ceux qui l'ignoreraient encore, de ce que représente réellement un tel genre de spectacle ! Et s'il reste malgré tout des personnes totalement insensibles à la souffrance animale, je doute fort qu'elles le soient pour autrui... Pour illustrer ce sujet, lire ci-dessous un texte transmis par l'Alliance anticorrida.
En second, je propose l'une de mes nouvelles inédites, écrite il y a plusieurs années, sorte de conte, d'utopie pour un monde meilleur : "Métamorphose collective"...

Associations artistes et politiques unis pour dénoncer la corrida !
La conférence de presse organisée par la SPA à Paris le 25 septembre 2007 fut l’un des événements visant à réitérer face aux médias l’une des demandes des associations au président de la République : l’interdiction de l’accès aux arènes pour les mineurs de moins de 16 ans.


Par Alliance Anticorrida
jeudi 27 septembre 2007
Modification : 27 septembre 2007
http://www.anticorrida.org

Avaient répondu présents : Surya Bonaly Raphaël Mezrahi Muriel Marland-Millitello députée des Alpes-Maritimes Yann Wehrling porte-parole national des Verts Jean-Marc Roubaud député du Gard Jean-Paul Richier psychiatre et Yves Cochet député Vert de Paris.

« Qu’ils soient UMP PS ou Verts les politiques sont à nos côtés pour mener ce combat important contre la corrida. Nous observons désormais une évolution de ce dossier : il n’y a plus de couleur politique mais une politique citoyenne. C’est un fait rare et nous nous en félicitons ! » déclare en préambule Caroline Lanty présidente de la SPA avant de donner la parole à Jean-Marc Roubaud particulièrement concerné par la question : « élu d’un département où la tauromachie est présente, je tiens à vous confirmer qu’elle ne concerne que peu d’habitants. Ces spectacles qui se veulent rattachés à une tradition séculaire ne constituent qu’une particularité régionale exogène contre lesquels de plus en plus de voix s’élèvent. »
De son côté Muriel Marland-Millitello a assuré déposer le jour même sa proposition de loi rectifiée visible sur http://petition-anticorrida.com/ ajoutant : « la volonté de combattre les violences et les souffrances qui découlent de la corrida reflète une des avancées de nos sociétés contemporaines »
Le point de vue de Jean-Paul Richier psychiatre vient ensuite justifier la pertinence de la demande de protection de la jeunesse avec la présentation d’une motion qui met en exergue les conséquences de la corrida sur un public jeune : « Le moment est venu de prendre en compte l’impact de ce spectacle sur les enfants et les adolescents. Il existe en effet dans la corrida une violence centrale et une souffrance imposées dans le cadre d’un rapport radicalement inégal ». À son tour Surya Bonaly très émue a assuré que la tauromachie n’est qu’« une banalisation de la violence une torture en musique qui va à l’encontre du respect du vivant et conditionne les enfants pour en faire de futurs aficionados ».

Claire Starozinski présidente de l’Alliance Anticorrida a pour sa part dressé un état des lieux de la problématique en mettant l’accent sur son vécu en tant que Nîmoise : « Maman d’une adolescente de 16 ans et professeur depuis trente-quatre ansje ne peux que m’élever contre le prosélytisme honteux réalisé dans les établissements scolaires dans lesquels les toreros sont invités à donner aux enfants des leçons de tauromachie ! » En concluant ainsi : « Au-delà de la mort d’un animal donnée en spectaclela corrida est hautement condamnable puisqu’elle encourage une pulsion morbide que nous avons en chacun de nous. »
A l’aide d’une vidéo insoutenable les représentants des autres associations ont insisté sur la nocivité des écoles taurines tandis que Yves Cochet et Yann Wehrling réaffirmaient la position très claire des Verts depuis 2006 déclarant de concert : « La mort de l’animal est au service du tiroir caisse la corrida n’étant que le marketing de la souffrance. L’esthétique et le beau ne doivent pas masquer l’horreur. »
Absent Julien Dray député PS avait néanmoins tenu à faire passer ce message : « En tant qu’homme de gauche je défends une certaine idée de l’humanisme qui reconnaît comme valeurs cardinales le respect d’autrui et le refus de toute barbarie. Je ne peux donc souscrire au principe de la corrida et je soutiens résolument votre engagement et la noble cause que vous défendez »
Dès le lendemain fidèle à sa promesse le président de la République recevait Surya Bonaly accompagnée de Caroline Lanty pour un entretien au cours duquel il a fait savoir se référant à une mesure similaire prise en Catalogne (Espagne) qu’il n’était pas opposé à une interdiction des arènes aux mineurs de moins de 16 ans.

Dans un courrier daté du 11 mars 2007 adressé à l’Alliance Anticorrida Nicolas Sarkozy alors candidat à la présidence avait évoqué l’idée d’une « possible évolution de ferias sans corrida » exprimant par-là même le souhait de toutes celles et ceux qui combattent ce spectacle d’un autre âge tout en aimant les traditions pacifiques.Une idée qui semble faire son chemin...

ALLIANCE ANTICORRIDA
http://www.anticorrida.org



Métamorphose collective

C’est ce jour-là, le 2 janvier 2058 exactement, que la chose, cette sorte de métamorphose, s’accomplit…
Dans la petite ville de Circé-sur-Loire, plusieurs évènements bizarres, troublants, se succédèrent en effet ce jour-là.
Ce fut le début de toute une série de faits qui continuèrent par la suite et devaient changer pour toujours le mode de vie des habitants. Mais pas seulement ceux de Circé, ceux de la planète entière…
Car, curieusement, la métamorphose se perpétra un peu partout dans le monde, et pratiquement au même moment ; elle devait également se perpétuer…

Toute la journée, à l’hôtel de ville du centre, le maire s’était vu rapporter tous ces évènements, qui l’avaient stupéfait.
Tout d’abord, ce fut un appel téléphonique du directeur de l’abattoir municipal. Il venait dire au maire que ses employés avaient décrété qu’ils ne voulaient plus abattre un seul animal… Mais qu’ils continueraient à venir travailler chaque jour afin de s’occuper d’eux, jusqu’à ce qu’une solution soit trouvée sur leur sort. Ils disaient tous qu’ils ne supportaient plus le regard des animaux sur eux juste avant d’être abattus. Et leurs cris surtout, pour les fois où ça se passait mal… Que depuis des années, ils en faisaient des cauchemars. Et que leurs déprimes, souvent incompréhensibles, venaient sûrement de là. Ils n’en pouvaient plus… La plupart d’entre eux voulaient fonder ensemble une association et créer plusieurs refuges pour animaux ; ils avaient l’intention de se brancher avec la très ancienne fondation Bardot qui existait depuis de nombreuses décennies, et d’œuvrer dans le même sens. Leurs premiers pensionnaires seraient les animaux ayant échappé aux abattages. Et en attendant, ceux qui habitaient à la campagne ou qui avaient un grand jardin avaient même proposé de prendre en pension, qui un mouton ou un porc, qui un agneau ou un veau, qui un cheval ou un bœuf…
Et curieusement, lui le directeur, en avait été comme apaisé. Il faut dire que depuis plus de dix ans, il n’en pouvait plus également de cette odeur de mort, de ces effluves de sang qu’il respirait chaque jour… Il l’avait supporté jusque-là parce qu’il ne pouvait faire autrement. Il fallait bien gagner sa vie… Mais à présent que ses employés avaient pris cette décision, il suivait avec joie le mouvement. Il était loin de la retraite, mais depuis longtemps avait envie de faire autre chose ; il n’avait rien tenté par négligence, par paresse. Il en trouvait là l’occasion… Et comme eux, décrétait qu’il ne mangerait plus jamais de viande.
Après, ce fut le tour du garde-champêtre accompagné du garde forestier, qui vint le prévenir qu’en cette période de chasse, l’un des chasseurs était venu lui annoncer, au nom de tous les autres, que plus aucun d’entre eux ne voulait chasser à partir de maintenant ; qu’il y avait donc lieu de clôturer la chasse pour toujours… Et le garde-champêtre avait ajouté qu’il s’en trouvait fort bien, car il n’avait jamais apprécié toutes ces cruautés. Propos repris et corroborés par le garde forestier…
Ensuite, on lui avait appris que toutes les boucheries et charcuteries avaient apposé un panneau en devanture indiquant aux gens qu’il n’y aurait bientôt plus jamais aucune viande de vendue dans le magasin ; et que ce qui s’y trouvait était donc la toute dernière… Il y avait aussi le seul magasin de fourrures et peaux de la ville qui en avait fait tout autant. Il liquidait son stock…
« Mais… que vont donc faire ensuite tous ces commerçants ?… s’était étonné le maire.
– Oh, ça ne semble pas être un problème pour eux, avait répondu l’employé municipal qui était venu le trouver pour le lui dire. Certains, près de la retraite vont s’y mettre maintenant, d’autres retournent à la ferme familiale, d’autres encore ont déjà trouvé une place en tant que salarié. Tous ont dit qu’ils ne supportaient plus la vue des têtes de veaux et cochons, pas plus que les carcasses des animaux habituels sur leurs étals. Ils en ont assez jusqu’à l’écœurement… Et le fourreur, quant à lui, va se reconvertir dans le simili… Il est plutôt content : il ne supportait pas lui non plus l’odeur fétide des peaux ».
Le plus étonnant fut lorsque le maire indiqua à l’employé que, de toute façon, les bouchers et les charcutiers ne risquaient plus de vendre de viande, puisque à partir d’aujourd’hui, l’abattoir municipal venait de fermer ses portes définitivement ; et que les chasseurs avaient arrêté de chasser une fois pour toute… L’employé lui répondit alors que les commerçants n’en étaient pas au courant et que lui-même venait de l’apprendre. Et il ajouta que ça le rendait très heureux. Ce qui rendit le maire encore plus perplexe. D’autant que lui aussi se surprenait à jubiler au fur et à mesure qu’il prenait connaissance de tous ces faits. Une jubilation à laquelle il pouvait donner libre cours à présent, puisqu’il était écolo jusqu’au bout des ongles, mangeait végétarien et prônait depuis toujours l’abolition de pratiques qu’il jugeait barbares. Dont celle de la chasse et des abattoirs. Sans parler des corridas, qui le révulsaient ; mais, heureusement, cette pratique n’était pas de mise dans sa région… Il avait, du reste, réussi à faire voter plusieurs fois certains arrêtés municipaux. Contre certaines pratiques de chasse, notamment ; et certaines interdictions en avaient découlé, qui avaient alors provoqué un tollé général parmi les chasseurs.
Et voilà qu’à présent ils ne voulaient plus chasser !… C’était merveilleux ! Seulement, à présent, au vu de tous ces évènements extraordinaires, c’était à lui, en tant que maire de la ville, de prendre certaines dispositions… Parce que tout ce qui venait de se produire représentait un véritable chamboulement de l’ordre social. Il devait réunir rapidement son conseil d’administration. La ville devrait se réorganiser…

Vers les treize heures, le maire partit déjeuner comme de coutume dans son bistrot favori, un restaurant végétarien. Il était vieux garçon et retrouvait souvent là de vieilles connaissances, plus ou moins célibataires comme lui et ayant des goûts similaires.
Ce jour-là, dans le café-restaurant, tous les gens avaient un air inhabituel… C’est ce que constata avec surprise le maire, qui ne se rendait pas compte que lui-même avait un air différent. En fait, ils avaient tous, pour une fois, le même air d’heureuse insouciance, de sympathie spontanée… Tout le monde discutait sec et joyeux. Et tous sur le même sujet… Le maire fut très étonné en entendant les conversations. Il n’y était question que de ce que lui-même venait d’apprendre... Ils étaient tous déjà au courant ! Il s’installa à sa table habituelle et surprit des choses encore plus invraisemblables… Une dame disait à sa voisine :
« Si, si, je t’assure !… C’est ma sœur qui me l’a dit ce matin… Le laboratoire de recherches pharmaceutiques vient de cesser toute vivisection. Les biologistes ne veulent plus entendre parler d’expérience sur des animaux… D’ailleurs, presque tous les ont emmenés à leur domicile ou donnés à leurs enfants, famille ou amis… Ma sœur, qui est copine avec une biologiste, a ainsi récupéré un magnifique chat noir et un petit chien blanc et roux. Et moi, je vais sans doute prendre aussi un chat, depuis le temps que mes enfants m’en réclament un. Si tu veux un animal, fais-moi signe… Mais presse-toi, il n’en reste plus beaucoup ! À moins que tu ne veuilles une souris blanche ?… Il en reste pas mal. Ah, oui, et aussi des lapins… ».
La voisine répondit que ce ne serait pas de refus. Depuis longtemps elle voulait un deuxième chien, pour tenir compagnie au sien qui avait l’air de s’ennuyer.
Plus loin, un monsieur disait à un autre homme :
« Puisque je vous le dis ! Avec ma parabole, je capte des chaînes partout dans le monde… Eh bien, malgré que je ne comprenne ni l’allemand, ni l’anglais, ni l’italien ni les autres langues, j’ai fort bien compris d’après les images, qu’il se passait la même chose qu’ici !… Apparemment, plus personne, nulle part, ne veut plus tuer la moindre bête… Et ne veut plus en manger, du reste ! Moi, je trouve tout ça fantastique ! Depuis plusieurs années déjà, j’avais banni toute viande de mon menu. D’abord, ce n’est pas si bon que ça pour la santé. Ça été reconnu… Et puis, a-t-on idée d’être carnivore, lorsqu’on est civilisé ? Tous ces gens hypocrites – dont j’ai fait partie – qui clamaient souvent : « Moi, je ne pourrais pour rien au monde faire de mal aux bêtes… Je les aime tant ! ». Et qui se précipitaient au restaurant manger des entrecôtes, du couscous mouton, du gigot d’agneau, des escalopes de veau !… Des prédateurs, oui !… Des prédateurs, nous étions ! Et les pires ! Parce que, si les animaux, eux, se mangent entre eux, c’est normal, c’est par nécessité… C’est la nature qui le veut, ils ne peuvent faire autrement. Mais nous, non ! De foutus prédateurs nous étions, et c’est tout !
– Certes ! » avait juste répondu l’autre homme, qui semblait aux anges en entendant ces paroles. Et il avait ensuite lui-même continué la conversation en soutenant cette thèse ; il expliquait qu’il mangeait de temps à autre de la viande pour faire plaisir à sa femme, mais qu’à partir d’aujourd’hui, il en ressentait un dégoût si profond, qu’il ne pourrait plus jamais en manger de sa vie. Et il ajouta :
« D’ailleurs, vous vous souvenez de ce qui s’est passé au début des années 2000 ? Oui, évidemment… vous n’étiez pas encore né… Mais vous en avez entendu parler ? La « vache folle » et la « tremblante » du mouton ? C’est par troupeaux entiers, qu’il avait fallu exterminer les pauvres bêtes, pour endiguer la maladie transmissible à l’homme… Ensuite, il y a eu également – c’était en 2003, si mes souvenirs sont exacts – une autre terrible maladie venant d’Asie ; il s’agissait de la « pneumopathie atypique », qui a fait des centaines de morts, principalement en Chine et à Hong-Kong, où les gens ne sortaient plus alors de chez eux sans un masque médical de protection, car c’était extrêmement contagieux… Malgré tous leurs efforts, les médecins chinois ne parvenaient pas à trouver d’antidote. Et comme les gens voyageaient déjà beaucoup, il y a eu contamination… Cette saloperie s’est alors propagée dans certains pays d’Europe et au Canada ; fort peu, heureusement, et sans trop de cas mortels ; ce qui fait qu’à part en Asie, elle a vite été enrayée… Mais, malgré tout, une véritable psychose régnait à ce moment-là en Europe, où l’on croyait voir cette maladie partout. Eh bien, savez-vous quoi ? Il a été dit à l’époque que l’origine de cette horreur provenait, à ce qu’il semblait, des marchés de Canton, où étaient également vendus comme vous le savez sans doute chats et chiens, tel du bétail à consommer… Jusqu’à hier, ces pauvres animaux l’étaient d’ailleurs toujours… Vous n’ignorez pas que là-bas ils les mangent ? Mon Dieu… j’en ai des frissons rien que d’y penser ! Moi qui ai tant d’affection pour ces petites bêtes… Heureusement qu’à partir de maintenant, ce sera enfin terminé ! Alors, paraît-il qu’en l’occurrence ce serait venu de la civette, qu’ils consommaient aussi autrefois… Vous vous rendez compte ! Ah, mais j’y pense également… C’est vrai qu’il y a eu encore autre chose ensuite… Toujours début 2000, et en Asie. La grippe aviaire… Le saviez-vous ? Là, c’étaient les poulets qui transmettaient la maladie… Comme pour nos moutons, ils ont dû tous les exterminer ! Je ne sais même pas si on en trouve encore chez eux, d’ailleurs… Alors ? Vous vous en souvenez, à présent ?… Oui ? Ah, bon ! Eh bien, tout de même, vous en conviendrez avec moi, c’était déjà un signe, tout ça ! Un bien mauvais signe… Comme un avertissement ! ».
Partout où le maire tendait l’oreille, c’était le même genre de conversation… Ce qui l’avait le plus étonné et réjoui, c’était d’apprendre que dans le monde entier les gens avaient réagi comme ici. Une véritable révolution, semblait-il ! Mais pacifique, celle-là… Une vraie métamorphose ! Presque comme un miracle… La face du monde allait en être changée ! Du moins, économiquement parlant… songeait le maire, tout de même un rien soucieux. Mais, puisque depuis des décennies, toutes les nations européennes du globe s’étaient réunifiées et que les autres continents suivaient, il n’y avait pas de soucis à se faire…

Le lendemain, le maire tint son conseil avec ses administrés. Plusieurs fonctions de la ville furent revues de fond en comble et réorganisées.
Il fut décidé, entre autres, que les domaines forestiers ne seraient plus que des aires de promenades et pique- nique, qui se verraient prochainement dotées de kiosques avec tables et bancs. Et que l’abattoir municipal serait attribué aux vétérinaires de la ville, qui en feraient leur clinique.
Quant aux restaurants, le maire n’eut même pas à s’en inquiéter. D’office, tous les restaurateurs affichaient de nouveaux menus ne proposant plus que des recettes à base de légumes, œufs et poissons. On trouvait encore un peu de poulet, de dinde ou de canard, mais c’étaient les derniers volatiles. Quant à la viande rouge, tant que le stock ne serait pas terminé, il serait écoulé et non renouvelé ensuite, et pour cause… Mais présentement, les restaurateurs avaient plutôt peur que personne ne veuille plus en manger et qu’elle leur restât sur les bras.
Même les entreprises de volailles en gros étaient en train de se recycler… Sauf, celles s’occupant de la ponte des œufs des poules, qui allaient à présent s’intensifier, mais en prenant soin cette fois de veiller à ce que les volatiles soient bien traités. Les élevages de bétail divers avaient également suivi... Tous s’étaient regroupés en sociétés et projetaient de faire de la culture maraîchère intensive à la place.
Les canards resteraient dans les mares, les poulets, les dindes et les porcs dans les cours, les vaches, les bœufs, les moutons, les oies et les lapins dans les champs… Les prairies désertées depuis longtemps, redeviendraient enfin pleines de vie! On ne prendrait de tous ces animaux que ce qui était comestible, comme leurs œufs ou leur lait, sans pour autant les sacrifier comme auparavant.
Tout ceci prendrait certes un certain temps à réorganiser, car il faudrait aussi s’occuper de la prolifération de certaines espèces, mais peu importait… On trouverait bien un moyen pour savoir quoi en faire et pour limiter les naissances.
Parce que plus personne, on ne savait pourquoi, ne voulait maintenant s’en prendre aux bêtes, quelles qu’elles soient… D’un coup, tout le monde réalisait que les animaux n’étaient pas des objets, mais des êtres vivants capables de souffrances et qu’il fallait donc respecter comme tels et protéger… Dorénavant, sur la planète, plus de cruels combats de coqs ou de chiens, plus de corridas avec leur cortège de taureaux mutilés, sanguinolents et massacrés au final, et plus de montreurs d’ours – de ces pauvres ours aux dents limées, aux ongles arrachés, aux naseaux perforés pour les maintenir en laisse, et qu’on fait danser de façon grotesquement dramatique.
Même les ethnies restées les plus fidèles à leurs rituels religieux en matière de sacrifices d’animaux, comme, par exemple, les communautés musulmanes ou tamoules, cessèrent immédiatement de telles pratiques, les remplaçant aussitôt par d’autres, pacifiques et plus subtiles, comme celles de leurs frères chrétiens qui les avaient délaissées depuis des temps immémoriaux. Ne comprenant d’ailleurs plus comment ils avaient pu perpétrer aussi longtemps ce qui leur apparaissait à présent comme de la barbarie… C’est à partir de là, également, que personne sur cette terre, curieusement, n’abandonna jamais plus son animal domestique, qu’il traita avec le meilleur soin. Et qu’il n’y eût, comme par enchantement, plus une seule bête de tuée par un humain. Et puis, l’on avait enfin réalisé en même temps que certaines espèces endémiques avaient disparu, et qu’il fallait que cela cesse… Le monde entier ne pourrait certes jamais ressembler à ces îles Galápagos chères à Darwin et faire partie du patrimoine mondial de l’Unesco, mais ce serait tout de même un merveilleux exemple à suivre.
Depuis ce jour magnifique et béni où eut lieu cette métamorphose mondiale, seuls les détraqués, les dégénérés, continuèrent à maltraiter les animaux. Mais ce n’étaient jamais que des dégénérés…
Et la police avait l’œil, elle restait à l’affût, les traquant et sévissant durement lorsqu’elle leur mettait la main dessus. D’autant qu’une nouvelle loi concernant les droits des animaux avait définitivement été votée leur donnant encore plus de poids qu’auparavant ; une véritable authenticité… La police veillait donc fermement à ce qu’elle fût respectée.

Au cours des mois qui suivirent, à la radio, à la télévision, on ne parlait plus que de cela dans le monde entier… Ces évènements-là avaient supplanté tous les autres, qui avaient disparu. Plus d’infos annonçant terrorisme, meurtres et attentats…Toutes les villes de toute la planète s’étaient mises au même diapason : celui de la protection systématique de tout animal. Bien sûr, on prit grand soin également de lui respecter son environnement… On replanta, on reboisa, on arrêta de détruire la nature. La planète reprenait lentement l’équilibre biologique perdu au fil des ans… Même son réchauffement climatique, devenu beaucoup trop élevé, cessa brusquement, ce qui permit de retrouver des températures normales, bénéfiques à tout être vivant.

Et c’est depuis ce temps que le massacre des animaux ayant enfin cessé, il n’y eut plus une seule guerre dans le monde.
Les hommes, devenus impuissants à tuer la moindre bête, l’auraient encore été davantage envers un humain… En fait, ils ne supportaient plus la vue du moindre sang versé, en avaient le plus profond dégoût, la plus indicible allergie.
Une métamorphose mondiale tout à fait inexplicable avait eu lieu, scellant une paix durable, définitive, pour les siècles à venir et pour le bien de tous…

mercredi 10 octobre 2007

Journal d'un ancien globe-trotter - Suite et fin


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J’y suis allée… Hier soir. J’avais d’abord dîné dans un petit resto où je me rends quelquefois. Et vers les vingt-et-une heures passées, je me suis retrouvée assise sur l’une des banquettes du Roland Garros… Une heure après, je commençais à trouver le temps long ; rien ne se passait d’intéressant concernant ce qui m’amenait là… Je baillais comme une carpe, l’envie de dormir me gagnait. J’étais prête à lever le camp, lorsqu’une idée me vint… Je fis signe au barman. Je le connaissais un peu, j’étais déjà venue dans le bistrot plusieurs fois avec des amis. Il s’avança à ma table avec un grand sourire. J’entrais dans le vif du sujet :
« – Bonsoir… Je suis venue là, pensant y trouver Arnaud ou Alexandre… Ce sont des habitués, je pense que vous les connaissez ?...
– Un peu seulement… Et comme je viens juste de rentrer de congés, je sais pas s’ils viennent toujours ici… Mais si vous voulez, vous pouvez aller demander à l’un de leurs amis… Celui qui se trouve là-bas, à la table près de la fenêtre… ».
Trop contente, après avoir remercié, je filai tout droit voir l’ami en question. Assez gênée quand même, ne sachant comment m’y prendre, ni par où commencer… Finalement, c’est le plus simplement du monde que j’ai menti avec aplomb. Affirmant qu’Arnaud et Alexandre faisaient partie de mes connaissances, et que je m’étonnais de ne plus avoir de leurs nouvelles… Prêcher le faux pour savoir le vrai, s’est toujours révélé être une bonne pratique !
« – Eh bien, chère demoiselle, sachez que nos deux oiseaux se sont envolés à jamais ! L’un a fini par aller rejoindre en métropole sa chère dulcinée qui ne voulait plus revenir à La Réunion, et l’autre, dont la sienne l’avait laissé tomber, comme vous le savez peut-être, a tout largué sur un coup de tête… Il a pris l’avion, direction la Nouvelle-Calédonie. A l’heure actuelle, il doit s’y être installé… Eh oui ! Nos deux amis nous ont quittés, nous ne les reverrons plus ! Pas ici en tout cas, c’est fort probable… ».
Eh voilà… La boucle était bouclée ! Etre venue ici n’avait servi à rien… Du moins, pas pour ce que j’aurais voulu. Cependant, j’en savais maintenant un peu plus et c’était le principal.
Après avoir remercié mon interlocuteur de ses informations, je déclinais son invitation à boire un pot en sa compagnie. Je n’avais nulle envie de m’attarder. S’il m’avait posé davantage de questions sur mes soi-disant relations, j’aurais été mal… Et puis, ce gars ne m’intéressait nullement, ce n’était pas mon genre. Je tournais les talons, m’apprêtant à sortir du café, lorsqu’il me rappela pour me dire :
« – Au fait, vous êtes au courant, pour Clémence ?
Interdite, je revins sur mes pas et lui demandai :
– Non… Il lui est arrivé quelque chose ?
– Si on peut dire !... Elle est revenue… Vous saviez, je suppose, qu’elle avait quitté Alexandre et qu’elle était repartie en France ?… Eh bien, ça n’a pas gazé avec son nouveau copain… Alors, sa mère et elle ont débarqué à La Réunion il y a deux jours, pensant retrouver Alexandre chez qui elles se sont tout de suite rendues. Malheureusement pour elles, il n’était plus là, il avait déjà pris l’avion pour la Nouvelle-Calédonie… Elles ont dû se trouver bêtes, évidemment ! C’est certain qu’elles ne devaient pas s’y attendre… Mais après tout, à chacun son tour de se faire avoir ! Ce n’est que justice. Enfin, c’est ce que je pense personnellement… Alors, elles sont allées à l’hôtel… Elles y sont d’ailleurs toujours. Elles se sont octroyées deux semaines de vacances. Et d’après ce que j’ai cru comprendre, c’est la mère de Clémence qui offre le voyage. Elles repartent en fin de semaine prochaine… Sûr que Clémence doit l’avoir mauvaise ! Elle doit amèrement regretter son coup de tête. Ou plutôt, son coup de foudre ! Ah, ces coups de foudre… La plupart du temps, ce ne sont que des feux de paille !
Revenue de ma stupéfaction, je répondis :
– Eh bien dites donc, alors ! Quelle histoire… Je n’en reviens pas ! Elles sont à Saint-Denis ?
– Ah, non… Tant qu’à faire, elles ont préféré les plages… Elles ont choisi le Novotel de Saint-Gilles. D’ailleurs, j’y vais demain leur rendre une petite visite. Si vous voulez venir, je vous y emmène avec plaisir…
– Merci… C’est très gentil, mais demain c’est impossible. Je verrai ça un autre jour. Maintenant que je sais où elles se trouvent… ».
J’étais prête à m’en aller, cette fois pour de bon, lorsque l’idée, la bonne, la seule du reste à avoir dans mon cas, me fit lui lancer d’une traite :
– Sauf qu’en ce moment j’ai un boulot monstre, et que je ne crois pas que je pourrai me rendre à Saint-Gilles avant longtemps… Or, il se trouve que j’ai quelque chose à remettre à Clémence… Comme vous allez la voir demain, je souhaiterais que vous lui remettiez, si ça ne vous dérange pas… Je vous en remercie d’avance ! ». Et en même temps, je sortis rapidement le gros carnet de mon sac…
Pour éviter toute indiscrétion, j’avais pris soin de l’emballer et d’en faire un paquet. Je le déposai aussitôt sur la table de l’ami de ceux que je ne connaissais pas, sous son regard empli à la fois d’étonnement et de curiosité. Puis, comme j’avais peur qu’il n’ouvrit la bouche, je me suis sauvée vite fait ! Après tout de même, un au revoir enthousiaste, et de nouveaux remerciements… Suite à quoi je me suis sentie vraiment soulagée !
Et c’est donc de la sorte que je me suis débarrassée de souvenirs qui ne me concernaient pas… Tout était maintenant dans le bon ordre, ils allaient revenir à la vraie destinataire. A celle qui avait déclenché la rédaction de ce journal. J’imaginais sa tête en le recevant… Elle n’y comprendrait rien, et ne saurait sans doute jamais qui était la mystérieuse femme qui le lui avait fait parvenir… Et moi, je ne saurai sans doute jamais non plus ce qu’elle en ferait, ni ce qu’elle déciderait après l’avoir lu…
Souvent, lorsque je repense à cet épisode de mon existence, je ne peux m’empêcher de constater en grimaçant une sorte de sourire un peu amer, que c’est bien en effet une véritable « Comédie humaine » que l’on vit tous les jours ! Avec ses « Jeux de l’amour et du hasard »…
Mais que serait donc la vie sans cela ?

mardi 9 octobre 2007

Journal d'un ancien globe-trotter - Suite 9

Il doit d’ailleurs être impossible de passer une vie sans souffrir à un moment ou un autre. Souffrance morale, à défaut de l’autre qui en frappe hélas aussi certains… Je tâchais de me consoler comme je pouvais… La méthode Coué, qui en vaut bien une autre ! Je ne devais pas me laisser aller, je devais réagir…
Oui, je dois réagir ! Mais que faire à présent ? Ma vie à La Réunion tournait autour de Clémence… Rester ici sans elle ne m’intéresse plus. D’ailleurs, cinq ans sur l’île, c’est suffisant… J’en ai fait le tour, j’ai vu tout ce qu’il y avait à voir plusieurs fois. Tous les endroits présentant le plus d’intérêt, tous les sites les plus grandioses… J’ai un album photos rempli de clichés de Cilaos, du Piton des Neiges, du volcan de la Fournaise, du Grand Bénaré, de la Plaine des sables, de Salazie et Hell-Bourg, des Trois Bassins, de la Plaine des palmistes, de Mafate, de la Plaine des Cafres, de Bassin la Paix… Pour ne citer que les plus connus…. J’ai même pris la peine de noter, parce que je les trouve vraiment sublimes, ces quelques vers de Leconte de Lisle, que l’illustre poète réunionnais écrivit à la gloire du Piton des Neiges :
« Jamais le pic glacé n’entend l’oiseau siffleur,
Ni le vent du matin empli d’odeurs divines
Qui rit dans les palmiers et les fraîches ravines,
Ni parmi le corail des antiques récifs,
Le murmure rêveur et lent des flots pensifs
Ni les vagues échos de la rumeur des hommes,
Il ignore la vie et le peu que nous sommes.
Et calme spectateur de l’éternel réveil,
Drapé de neige rose, il attend le soleil. »
Oui, je vais partir… Donner, moi aussi, ma démission… Reprendre la route. J’ai un copain qui vit en Nouvelle-Calédonie, ça fait longtemps qu’il me propose de venir m’y installer. C’est le moment où jamais ! Puisque cette occasion malheureuse m’en est donnée…
Allez, profitons-en pour mieux faire passer l’amère pilule, ce sera toujours ça de gagné ! Il faut bien trouver des solutions pour ne pas se laisser abattre… Et faire apparaître le côté positif sur ce qui nous arrive de catastrophique…
Ce soir, pour la dernière fois ici, je vais refermer ce carnet… Qui, avec mes vieux souvenirs de voyage, contient maintenant mon énorme déconvenue. Je l’emporterai bien sûr avec moi… A cause des souvenirs qui y sont consignés, mais également parce qu’il restera à jamais l’unique témoin de mon amour pour Clémence. Un amour bafoué, certes, mais un amour qui a réellement existé entre nous les premières années. Finalement, ce sera comme si j’emportais un peu d’elle avec moi…
Seulement, ce carnet, il ne faudra surtout pas que je le relise trop vite… Cela attiserait forcément ma souffrance, et je risquerais de le détruire sur un coup de tête !
Allez, adieu cher cahier, adieu ma vie ici ! Et vive l’aventure nouvelle !
Mieux vaut crâner que pleurer…


Et ainsi s’achevait le mystérieux carnet… Il n’avait à présent plus de secret pour moi.
J’étais entrée par hasard, et bien involontairement, dans la vie privée d’autrui. Je me fis soudain l’effet d’une voyeuse, et me sentis d’un coup légèrement mal à l’aise. Pénétrer aussi brutalement dans l’intimité de gens inconnus, surtout lorsque celle-ci dévoile une sorte de drame intime, représente quand même quelque chose d’assez délicat…
Un peu étourdie et bouleversée par cette lecture, je restais quelques minutes au fond de mon fauteuil à méditer sur cette malheureuse histoire. Je demeurais partagée… A la fois je comprenais la jeune fille, tout en me mettant également à la place de ce pauvre Alexandre. Des histoires d’amour qui finissent mal, ce n’était pas nouveau, ça n’avait rien d’extraordinaire, rien de surprenant. J’en savais hélas quelque chose… Non, ce qui était surprenant, c’était que je me retrouve avec un carnet qui ne m’appartenait pas. Que j’avais ramassé sous un banc, sans savoir ni pourquoi ni comment il avait pu atterrir là… Et je me posais des questions.
Le dénommé Alexandre écrivait dans ses dernières lignes, qu’il lui viendrait peut-être l’envie de détruire sa prose s’il la relisait trop vite… S’était-il tout de même relu, et avait-il jeté volontairement le témoin de son infortune ? Dans ce cas, s’il tenait vraiment à s’en séparer… Et cela aurait eu lieu au Jardin de l’Etat ?... Mais quand ? On était le dix-huit janvier 2005, et son journal indiquait le six janvier comme dernière date… Questions auxquelles il me sera à jamais impossible de répondre, j’en ai bien l’impression…
En attendant, c’était moi qui détenais ce carnet… Quoi en faire ? Le restituer, mais à qui ? Son auteur l’avait peut-être tout bonnement égaré ?… Il semblait coutumier du fait. Seulement, j’ignorais tout de lui et ne pouvais donc le lui remettre… D’ailleurs, s’il s’était finalement décidé à quitter l’île, ce n’était plus la peine que je cherche à le retrouver… Et quand bien même ? Je me verrais mal lui rendre un carnet intime, qui en plus dénonçait ses malheurs… Je me trouverais plutôt dans une sale position… Il se douterait forcément que j’ai tout lu… A moins que… A moins que je me rende un soir sur le Barachois, au Roland Garros… Je risquerais sans doute d’y glaner quelques infos sur ledit Alexandre ou encore sur son ami Arnaud par des connaissances à eux… Peut-être même d’y rencontrer cet Arnaud, puisque c’était un habitué des lieux… Et ainsi me débarrasser du carnet encombrant, en le remettant à quelqu’un…
Je ne vais quand même pas garder un morceau d’une vie qui ne m’appartient pas !

A suivre...

mercredi 26 septembre 2007

Journal d'un ancien globe-trotter - Suite 8

Une bonne heure passa…
Vers les vingt-deux heures, l’appareil s’agita, sa sonnerie m’indiquant que le SMS attendu venait d’arriver. Inquiet, j’appuyais sur la touche adéquate… Etonné, je vis apparaître le texte suivant, on ne peut plus laconique : « Je t’ai envoyé un message d’explications sur Internet ».
Désorienté, déçu, et encore davantage apeuré, je me suis précipité sur l’ordinateur… Elle savait que j’y allais rarement, elle avait préféré m’avertir… A part bon nombre de spams et publicités diverses, dans la boîte de réception de ma messagerie se trouvait bien, et uniquement, le message de Clémence…
Le cœur battant, j’ai donc ouvert celui-ci… Stupeur et indignation furent mes premiers ressentis.
En gros, ce qu’il en ressortait, c’est que j’étais devenu le cocu magnifique !… Sans jamais me douter de rien, en plus, ce qui accentuait la sourde colère qui couvait en moi, atténuant ma peine profonde.
Clémence m’expliquait sans grand ménagement, qu’elle avait rencontré quelqu’un sur son lieu de travail, que cela avait été le coup de foudre réciproque. Qu’elle n’aurait jamais pensé qu’une telle chose lui serait arrivée (merci pour moi !) parce que, ce qu’elle avait vécu avec moi, avait toujours été super (merci quand même !). Que le nouvel élu terminait sa période de quatre ans à La Réunion, et qu’elle avait donc décidé de donner sa démission au boulot pour pouvoir rentrer en métropole avec lui. Elle ajoutait qu’elle n’avait jamais réussi à s’intégrer totalement dans son emploi, où elle avait subi de nombreux problèmes que je n’ignorais d’ailleurs pas, et que l’occasion lui était offerte, en quelque sorte, de donner sa démission. Qu’elle s’était bien plue sur l’île, mais qu’elle n’y entrevoyait rien de positif pour elle sur le plan professionnel. Qu’on passe finalement plus de temps au boulot qu’à la maison, et que ne se sentant pas bien au travail, mal dans sa peau, inconsciemment ou non elle avait eu besoin d’y trouver réconfort. Ce qui s’était produit tout à fait fortuitement, avec quelqu’un dans le même cas qu’elle… Qu’ils s’étaient découverts tous les deux de nombreuses affinités, notamment par rapport à leur âge similaire (nous y voilà ! J’ai dix-huit ans de plus que Clémence…). Et pour terminer, elle se disait désolée qu’il en soit ainsi et me demandait de lui pardonner, espérant que je comprendrais. Venaient ensuite tout un tas d’éloges sur ma personne pour vanter mes nombreux mérites, qui, selon Clémence, devraient me faire rapidement retrouver l’âme sœur… Merci du peu !
Amen, la messe était dite… Ite missa est ! En pleine confusion, j’avais refermé le clavier de l’ordinateur. Glacé, le cœur en déroute, l’âme en détresse, empli cependant d’une colère interne qui me broyait les tripes… En fait, j’étais surtout malheureux comme les pierres, malgré mon désir de crâner !
Au salon, où je tentais de me réconforter en avalant coup sur coup trois où quatre whiskies, j’essayais de déblayer mes pensées confuses… Voilà ce que c’est, que de se laisser séduire par les petites jeunes filles ! Tôt ou tard, on doit peut-être s’attendre à ce qu’elles vous larguent pour des garçons de leur âge… J’en suis la triste preuve… Quand je l’ai connue, elle avait vingt-deux ans, elle en a maintenant bientôt vingt-sept. Et moi quarante-cinq…
En conclusion, je n’ai plus que mes yeux pour pleurer ! Pour employer ce lieu commun… Mais pleurer n’était pas trop mon truc… Même si j’avais très mal… Et Dieu sait que dans ma vie, j’ai eu très mal plus d’une fois ! Comme beaucoup finalement…


A suivre...

vendredi 21 septembre 2007

Journal d'un ancien globe-trotter - Suite 7

Saint Denis, le 6 janvier 2005

Je suis anéanti… dégoûté… écoeuré… Trahi, surtout ! Jamais je n’aurais pensé que Clémence m’aurait joué ce sale tour ! Je tombe des nues…
Ce soir en rentrant, j’ai de nouveau tenté de l’avoir au téléphone. Sans succès, comme d’habitude… Aucun message de sa part sur ma boîte vocale, malgré tous ceux que je lui ai laissés... Alors, très en colère, j’ai composé le numéro personnel de sa mère… Qui me répondit elle-même aussitôt.
Au ton de sa voix, je me rendis compte immédiatement qu’elle semblait très mal à l’aise… Elle savait quelque chose, bien sûr… Embarrassée, elle m’annonça en cherchant ses mots, elle qui parlait toujours très naturellement, avec une grande spontanéité, que sa fille était sortie et qu’elle ne savait pas quand elle rentrerait. Je lui posai plusieurs questions concernant Clémence, notamment sur son emploi du temps, et lui demandai par la même occasion si elle savait pourquoi sa fille s’obstinait à ne plus vouloir me donner de ses nouvelles. Autant de questions qui semblèrent la gêner horriblement. Au fur et à mesure, sa gêne ressortait davantage… Il était évident que tout ça n’augurait rien de bon pour moi, et même si je me doutais depuis longtemps de quelque chose, je commençais à envisager le pire, bien que me forçant à en repousser l’idée de toutes mes forces.
Pendant qu’on se parlait, j’entendis tout à coup des bruits de voix chez mon interlocutrice. Je lui en fis part … « Bon… écoutez… reprit-elle, personnellement, je trouve cette situation idiote, et je l’ai dit à ma fille… Elle doit vous parler… Je trouve ça inconscient de sa part, de pratiquer la politique de l’autruche… Elle vous doit la vérité, même si c’est difficile à dire et à entendre… ».
Là, j’avoue que j’ai tremblé intérieurement, et je savais d’ores et déjà que j’allais souffrir… La mère de Clémence continua : « C’est justement elle qui vient d’arriver… Ne quittez pas, je vais vous la passer… ». Anxieux, j’attendis plusieurs minutes, mais la voix qui se fit entendre n’était pas celle de Clémence : « Bon… désolée… J’ai insisté, mais ma fille ne désire pas vous parler. Je suis furieuse ! Pour moi, elle manque tout bonnement de courage, et ce qu’elle vous fait subir est lâche… Vous savez combien j’ai d’estime pour vous… Que je vous aime beaucoup… Tout ceci m’ennuie terriblement… Seulement, je ne peux malheureusement rien y faire, ça ne me regarde pas… Clémence m’a chargée de vous informer qu’elle vous adresserait un SMS dans la soirée… Je ne sais quoi vous dire de plus, sinon que vous êtes un mec bien et que les femmes sont parfois idiotes ! Je vous fais la bise et vous souhaite bonne chance pour tout. Allez, au revoir, Alexandre ! Et n’hésitez pas à me rendre visite, si un jour vous décidez de revenir en France… Ce sera avec le plus grand plaisir, et la porte vous sera toujours ouverte ». Puis elle raccrocha.
J’en demeurai pantois…
C’est vrai que dès que la mère de Clémence, - une divorcée jolie et pimpante de la cinquantaine - avait fait ma connaissance en venant passer un mois de vacances à La Réunion il y a deux ans, elle avait tout de suite semblé m’apprécier particulièrement. Et ce n’était pas que pour mes qualités d’esprit… Le reste semblait lui plaire encore davantage, ça sautait aux yeux !… D’ailleurs, Clémence l’avait assez taquinée là-dessus, pendant que moi, je bichais comme un petit coq, tout content d’être flatté par mère et fille ! Si j’avais su ce qui me pendait au bout du nez quelques années plus tard, j’aurais été moins fier… Et pour en revenir à Clémence, j’étais sidéré. La douche froide… Je n’aurais jamais cru ça d’elle, je la croyais plus franche. Parce qu’en plus, elle ne voulait pas me parler, même si j’appelais chez elle !
Terriblement angoissé, j’attendis donc son message, les yeux rivés sur mon téléphone mobile…


A suivre...

lundi 17 septembre 2007

Journal d'un ancien globe-trotter - Suite 6

Du côté opposé à la mer, nous traversions souvent des quartiers genre bidonvilles, et je me souviens qu’un peu déçu, je commençais à m’inquiéter, me demandant si toute l’île allait ressembler à ça. Parfois, on rencontrait des ronds-points gazonnés et fleuris, et je fus stupéfait d’y voir sécher du linge sur l’herbe, étalé aux quatre coins… « Drôle d’habitude ! , m’étais-je dit, que d’y mettre ses vêtements au soleil en pleine circulation, au milieu de la poussière et de la pollution ! Pas très hygiénique ! ». Apparemment c’était permis, la police laissait faire…
Après un parcours d’une vingtaine de minutes, on arrivait enfin dans le centre de la capitale. L’aspect de cette ville autrefois sous dominations différentes, dont anglaise en dernier, me sidéra. Comme dans tout pays ayant été colonisé, Colombo présentait un véritable paradoxe entre ce qu’il fut et ce qu’il était devenu… Toujours ceint par l’ancien fort édifié au 16è siècle par les Portugais, sur le front de mer subsistait le palais du gouverneur, imposant avec ses colonnades blanches ; les vastes pelouses du palais également, sauf qu’elles ne servaient plus à présent ni aux joueurs de cricket ni aux joueurs de polo, ces sports si chers aux anglais qui les avaient créées là tout exprès ; mal entretenues, elles n’étaient plus qu’un lieu de balade comme un autre. J’aimais faire ressurgir dans mon esprit les joueurs de polo sur leurs chevaux, casque colonial sur la tête et maillet à la main, galopant sur ce vaste espace vert pour attraper la balle au bond… On était bien loin d’un tel spectacle maintenant, les autochtones avaient depuis longtemps repris leurs coutumes ancestrales. On voyait surtout la misère et l’insalubrité qui régnaient en maîtresses incontestables des lieux… Les anciennes bâtisses imposantes et nettes des Portugais, Hollandais et Anglais se perdaient dans la masse de constructions inégales, sales et miséreuses. Les rues souvent inondées et pleines d’immondices sentaient l’urine. Une population la plupart du temps en haillons, grouillante, se pressait sur des trottoirs presque toujours défoncés. Ce qui frappait le plus dans cette marée humaine si dense, c’était le nombre de personnes handicapées… Je me souviens particulièrement d’une femme sans âge, qui pour se mouvoir ne marchait pas, mais parvenait tout de même à se traîner sur le trottoir en position allongée, s’aidant de ses deux mains valides : elle n’avait plus de jambes, son corps s’arrêtait au tronc… C’était à la fois poignant et lamentable, que de la voir ainsi se contorsionner à travers une foule indifférente, surtout lorsqu’elle entreprit de monter ensuite dans un bus à l’arrêt : son escalade sur le marchepied dura une éternité, et je fus surpris autant que scandalisé de constater que personne ne lui vienne en aide. Il me vint plus tard à l’esprit que cette femme devait peut-être faire partie de cette caste indienne, que l’on nomme « Les intouchables »…
La circulation dans la capitale semblait à chaque minute être un véritable défi à l’équilibre et à la sécurité… Les rickshaws, ces scooters arrangés à la façon asiatique avec leur trois roues ( une à l’avant, au-dessus de laquelle siégeait le chauffeur, et deux autres à l’arrière au-dessus desquelles s’installaient les clients) ainsi que leur toit bâché leur donnant des allures de mini voiture, fonçaient à une vitesse folle dans les rues, se faufilant partout entre automobiles, bus et minibus. J’eus la peur de ma vie, lorsqu’il me prit l’envie de monter dans l’un d’eux pour visiter la capitale…
J’avais prévu de partir excursionner sur la côte ouest le lendemain. Près de la gare routière où se trouvait également la gare ferroviaire, je prendrais le train qui m’emmènerait vers les trois stations balnéaires que j’avais choisies : Hikkaduwa, Mir Issa et Unawatuna… On y trouvait plein de Guest-houses et de bungalows bon marché, ce serait dans mes prix ! De plus, tout ça était situé en pleine jungle, au bord de magnifiques plages de sable blanc… un peu maculées, hélas, par les nombreuses bouses des vaches sacrées qui errent ici partout en liberté – religion oblige – mais, Dieu merci, foulées également par le pas colossal et majestueux du divin éléphant dirigé par son cornac…
Un magnifique séjour je fis là… Loin du tintouin de la capitale, régnait une ambiance particulière qu’on ne retrouvait nulle part ailleurs. Sauf bien sûr en Inde. C’était l’atmosphère d’India song, si bien dépeinte par Marguerite Duras… Une atmosphère indéfinissable, où l’on se sentait pris malgré soi de langueur, où une certaine torpeur bienfaisante vous envahissait, vous laissant dans un état second ; mais pour moi qui excursionnais, loin d’être ennuyeux cet état m’emplissait de sérénité. Il me semblait clair que tout ceci soit dû au climat chaud et humide, à la mousson ponctuelle qui arrête le temps, à la végétation aux subtilités variées, dont certains parfums, comme l’odeur des frangipaniers, vous prenaient aux narines, vous enivraient délicieusement ; mais surtout, surtout, à l’esprit zen des habitants si chaleureux, à leurs coutumes religieuses, notamment le bouddhisme, avec ses gracieux bonzes tout d’orange vêtus, et dont le visage reflétait en permanence bonté, paix et humanité… En bref, à leur façon de vivre, naturelle et un peu au ralenti.
Me remémorant tous ces souvenirs, je ne peux soudain m’empêcher de frémir d’horreur, lorsque je revois en pensée les images effroyables retransmises à la télévision en 2004, sur le tsunami qui a ravagé tous ces beaux endroits où j’ai vécu un temps… Je me verrais mal retourner là-bas à présent, ça m'attristerait trop. J’avais noué quelques amitiés ici et là, j’aurais trop peur de ne plus retrouver personne…
Bon… J’arrête. Ce sera tout pour ce soir… Avec ces souvenirs-ci, j’ai encore un peu plus le coup de blues ! Et puis, je n’y vois plus clair et ne fais que bailler. Demain sera un autre jour… Et comme je n’ai toujours pas reçu le coup de fil tant attendu, cette fois je suis bien décidé : je vais tout faire pour arriver à parler enfin à Clémence… Quitte pour cela à appeler ses parents ou quelqu’un de sa famille s’il le faut… Parce que ça ne peut plus durer !


A suivre...

jeudi 13 septembre 2007

Journal d'un ancien globe-trotter - Suite 5

En rentrant chez moi, je me suis donc couché directement, et pour une fois je n’ai plus pensé à rien d’autre qu’à dormir. Le lendemain matin, soit ce matin, j’avais une drôle de gueule de bois, qui a eu du mal à s’estomper au travail… Et ce soir, me revoici devant mon cahier en train de ressasser ma peine, continuant à me demander pourquoi Clémence observe à mon égard un tel silence… Y aurait-il eu des choses qui m’auraient échappé avant son départ ? Des attitudes différentes que je n’aurais su voir ? C’est vrai que depuis quelque temps elle me paraissait plus lointaine, moins amoureuse… Mais elle m’avait confié avoir quelques problèmes au boulot, et j’avais mis ça sur le compte du travail. Maintenant, je n’en suis plus certain du tout… C’est évident que je me dis de plus en plus maintenant qu’il se passe vraiment quelque chose, qu’une femme amoureuse ne se comporte pas de la sorte, en laissant son mec sans nouvelles aussi longtemps. Alors, en arrivant tout à l’heure à la maison, la première chose que j’ai faite, c’est de lui téléphoner… Mais comme toujours, personne au bout du fil ! Une fois encore, je lui ai laissé un nouveau message, mais là, pour lui dire ce que je pense et pour lui demander de m’appeler sans faute tout de suite… Seulement, il y a maintenant quatre heures de ça, et toujours rien ! Je ne suis pas idiot, ça sent mauvais pour moi, je le sens… Très mauvais, même ! En attendant, il faut que je continue d’écrire mes mémoires, sinon je pète un plomb !
Donc, j’en étais à Moscou… En quittant Moscou, mon charter s’envolait vers Colombo, mais avec une halte obligatoire en Inde auparavant. L’aéroport de Bombay croulait sous une chaleur d’enfer… Cela vous sautait à la figure dès le pied posé sur le tarmac. A l’intérieur de l’aéroport, en plus des odeurs d’urine et de transpiration, fouille obligatoire, y compris sous les vêtements… Pour cause de terrorisme et de bombes pouvant exploser n’importe où, n’importe quand… Pas très rassurant ni très agréable. D’autant que je fus fouillé par une grosse Hindoue très moche ! En plus, on me confisqua d’office mon fusil harpon, qu’on prit pour une arme dangereuse par méconnaissance de l’outil… Dans ma hâte à remonter dans l’avion trois quarts d’heures plus tard, j’oubliai de le récupérer… Ce qui devait m’empêcher par la suite de me livrer à l’un de mes sports favoris, celui de la pêche sous-marine…
Je me souviendrai toujours de mon arrivée à Colombo… En sortant de l’aéroport, un aéroport vétuste et insalubre, on tombait directement devant un grillage de plusieurs mètres de haut qui l’enserrait entièrement. Après un effet de surprise, les touristes comprenaient vite pourquoi : des grappes d’Indiens plus ou moins en haillons y étaient agrippées, criant sur les voyageurs pour leur réclamer toutes sortes de choses… Certains proposaient leur taxi, d’autres d’être des guides provisoires ou de vous mener dans quelque hôtel, d’autres encore, les plus nombreux, réclamaient argent, vêtements, cigarettes, etc.
Le spectacle était affligeant, et nul besoin de réfléchir plus longuement : on réalisait tout de suite qu’on se trouvait d’un coup aux antipodes de ce qu’on connaissait, qu’on venait de quitter un monde bien policé, pour entrer dans celui d’un paupérisme qui existait hélas toujours en certains endroits du globe. En montant dans un taxi pris au hasard tant il y avait de chauffeurs qui voulaient absolument que je monte dans le leur, je n’étais pas vraiment à l’aise… Dans un anglais à l’accent effroyable, comme s’il roulait des pierres dans sa bouche, le taximan indien me demanda quel genre d’hôtel me conviendrait. Je lui répondis que je souhaitais un hôtel bon marché, et il me gratifia aussitôt d’un sourire jusqu’aux gencives accompagné d’un OK enthousiaste. Je compris qu’il m’emmenait chez quelqu’un de sa famille… Nous avions quitté depuis longtemps l’aéroport et suivions la route du littoral. J’admirais à loisir le paysage côtier, très luxuriant, avec sa profusion de cocoteraies bordant l’océan indien. Une multitude de petites cases en torchis, tôles, et toits de paille coco (fibres de cocotiers tressées) apparaissaient en nombre au milieu de toute cette luxuriance. On voyait de suite qu’il s’agissait pour la plupart d’habitations de pêcheurs, plusieurs barques se trouvaient amarrées sur la plage, face à leurs maisons… Je pouvais même en apercevoir certaines sur l’eau et constatais avec surprise qu’elles étaient très particulières, sans doute typiques au pays : à l’avant, leur coque de bois s’élançait gracieusement en une proue très effilée, et toutes s’ornaient de balanciers, l’un à gauche, l’autre à droite ; ce qui me fit évidemment penser à nos catamarans, mais en version rustique et plutôt rudimentaire… Malgré tout, c’était mieux que de simples barcasses, d’autant qu’elles aussi arboraient de jolies voiles de couleur, même si ces dernières étaient petites.


A suivre...

jeudi 30 août 2007

Journal d'un ancien globe-trotter - Suite 4

Saint Denis, le 5 janvier 2005

Hier, j’ai pas écrit une ligne… Je suis rentré trop tard, je me suis couché tout de suite… En fait, j’étais rentré comme d’habitude, mais je suis ressorti presque aussitôt. Trop le cafard… Clémence ne m’appelle plus du tout. Elle ne répond pas non plus aux messages que je lui laisse sur sa boîte vocale… Pourtant, elle les trouve forcément… Pourquoi n’y donne-t-elle pas suite ? J’angoisse un maximum ! En y repensant plus à fond, je me souviens qu’avant son départ, je l’avais trouvée un peu bizarre, pas vraiment comme d’habitude… Je n’y avais pas trop prêté attention sur le coup, j’avais mis ça sur le compte de la fatigue. Mais maintenant, je me demande s’il n’y a pas autre chose… C’est pour ça que je suis ressorti, pour me changer les idées. Je suis allé retrouver un collègue redevenu célibataire, et qui dîne tous les soirs dans le même resto. On a mangé ensemble au Palais de l’Orient ; mon copain aime la bouffe asiatique et moi aussi de temps en temps. Ensuite, on a terminé la soirée sur le Barachois, dans le bistrot à la mode, « Le Roland Garros », face à l’océan indien. Bien sûr, on a pas mal bu… Lui, pour oublier que sa femme s’est barrée définitivement en France il y a six semaines, et moi, pour essayer de me rassurer en pensant que la mienne allait me revenir dans une quinzaine. Forcément, on s’est beaucoup faits draguer… Deux mecs seuls, « métros » ou « z’oreilles », ça se remarque ! Les Réunionnaises, surtout les créoles bronzées, nous apprécient tout particulièrement… Si on avait voulu… Mais on n’avait pas la tête à ça, vraiment pas !
Arnaud et moi, on a plutôt l’alcool triste. Il n’en finissait pas de me raconter pour la énième fois, l’histoire de son couple… C’est justement parce qu’il avait eu un soir une petite défaillance avec une jeune et belle cafrine, que son épouse l’ayant appris avait fait immédiatement sa valise sans attendre d’explications. Eméché, il ne cessait de me répéter, me montrant la table d’en face où jacassaient en riant trois jolies filles métissées qui nous lorgnaient effrontément, l’œil brillant de convoitise : « Tu les vois, ces trois-là, hein ? Ces petites salopes n’ont pas froid aux yeux, elles nous draguent carrément ! C’est exactement comme ça que ça m’est arrivé… Moi, j’ai rien fait. Tu le sais bien, toi, Alexandre, que je suis pas un homme à femmes… C’est elle qui s’est jetée dans mes bras ! Je comprenais pas du tout ce qui m’arrivait… Sauf qu’une vraie bombe de bimbo exotique s’offrait tout à coup à moi… J’ai perdu la tête… T’aurais pu résister, toi ? Moi, j’ai pas pu ! Je suis sûr que peu de mecs auraient pu… J’ai eu beau essayer d’expliquer la chose à Marine, elle a rien voulu savoir ! Et pour une connerie passagère, me voilà maintenant comme un con ! Tu me diras qu’à présent, j’ai le champ libre… D’ailleurs, si Marine ne revient pas, c’est peut-être ce que je finirai par faire… Mais pour l’instant, ça m’en a coupé l’envie… ». Comme il commençait à avoir la larme à l’œil j’essayais de le consoler, lui affirmant que venir sur les îles tropicales représentait justement un danger de ce côté-là pour beaucoup de couples ; et qu’on en voyait d’ailleurs pas mal qui se brisaient, parce que le mari, tout comme lui, Arnaud, n’avait pu résister à l’appel de trop belles sirènes bien bronzées. Mais j’étais mauvais dans le rôle, j’étais moi-même trop soucieux… Et puis, je me rendais compte également que je commençais à avoir des difficultés à parler. Il était temps que je rentre, si je ne voulais pas ensuite me heurter à tout ce que je rencontrerais sur le trottoir… J’ai donc entraîné mon copain dans le même état que moi, et nous sommes sortis assez dignement, sous le regard extrêmement déçu et frustré des demoiselles créoles. Après une accolade, Arnaud et moi sommes partis chacun de son côté. Heureusement qu’on était à pied et qu’on n’habitait pas trop loin du bistrot ! C’est bien d’ailleurs pourquoi on se permettait de boire autant…


A suivre...

mercredi 29 août 2007

Journal d'un ancien globe-trotter - Suite 3

Donc, en 86, c’était l’époque où Dutronc chantait « Merde in France », celle ou Coluche avait créé les Restos du cœur... On dit que ça va mal maintenant en France, mais à cette époque-là aussi. Sans doute que c’était le début, et que ça n’a fait que continuer… Sans Coluche, malheureusement, pour trouver les bonnes solutions tout en nous faisant momentanément oublier, par sa gouaille ironique, la grisaille ambiante. Puisqu’il devait, comme on le sait, se tuer à moto… Chômage et compagnie sévissaient, moi-même j’avais été touché ; et en plus, après deux ans d’un fulgurant mariage, je venais de divorcer… A part ma famille qui se souciait fort peu de ma personne, je ne laissais derrière moi que quelques braves potes, partis eux aussi ailleurs depuis longtemps. Ibiza, Formentera, le Népal, le plus souvent… « Peace and love », « Make love and not wear », l’époque hippie perdurait encore… C’est alors que je décidai moi-même de tout larguer, et un beau jour j’ai pris la route, direction Ceylan devenu depuis Sri Lanka… Façon de parler, d’ailleurs, parce que j’ai d’abord pris un avion à Orly, avec le peu d’argent que j’avais pu récolter de la vente de mes quelques affaires. Plus exactement un charter, pour l’économie… Un avion russe, un vieux coucou de Tupolev, qui, avant que j’en reprenne un autre pour Colombo en passant d’abord par Bombay, m’emmenait directement à Moscou. Epique, le voyage ! Mais un bon souvenir tout de même… J’avais vingt-six ans, et l’aventure, quelle qu’elle soit, me remplissait à chaque fois d’un fougueux enthousiasme. Aller à la découverte d’un ailleurs, m’a toujours paru une perspective autrement intéressante que de stagner des années au même endroit. Mais c’est surtout l’envie des grands espaces, ceux des terres chaudes gorgées de soleil, qui m’attirait.
Dans l’avion, les sièges étaient étroits, inconfortables et usagés. Ce Tupolev était vraisemblablement un vieil engin datant de Mathusalem ! Au moment de la distribution des maigres et insipides repas, deux hôtesses en blouse nylon bleue s’affairaient derrière leur chariot ; elles étaient presque aussi larges que celui-ci, et ressemblaient davantage à des filles de ferme qu’à des hôtesses… Ou encore, à des femmes de ménage, puisqu’elles opéraient avec ces sortes de blouses de travail dépourvues de toute élégance. Tâchant de réprimer rires ou sourires trop flagrants, durant le voyage je m’étais amusé à lorgner leur énorme popotin, leurs hanches trop épanouies et leur imposante poitrine, que l’immense blouse avait bien du mal à contenir ! Mais le plus drôle demeurait leur visage trop fardé, qui les faisait ressembler à quelque « Poupée russe », tant il paraissait figé et coloré, enduit comme il l’était d’un copieux et outrancier maquillage… Un maquillage qui détonnait, par son contraste effarant avec l’accoutrement vestimentaire. Même maintenant, je m’en souviens encore… Sur un teint blanc rosé, deux énormes taches rondes d’un pourpre violent avaient été plaquées sur chaque joue, formant deux marques trop voyantes qu’on avait immédiatement envie d’estomper ; les lèvres étaient recouvertes d’un rouge agressif qui débordait de tout côté, tandis que les yeux, petits et bleus, montraient surtout d’eux une pâte épaisse et disgracieuse du même ton, étalée en une large couche sur toute la paupière ; ce qui leur conférait un regard de clown inexpressif… Les contempler était à la fois triste et amusant, tellement c’était ridicule et grotesque. Je me souviens aussi que durant le vol, il y avait eu de nombreux trous d’air, surtout un peu avant l’arrivée à Moscou ; où une température de moins vingt degrés venait d’être annoncée… Il faut dire que j’avais choisi le mois de décembre pour partir…
Une mauvaise surprise m’attendait à l’aéroport : cinq heures d’attente, avant de repartir sur Bombay ! Et il était deux heures du matin… Mais une autre surprise, très bonne celle-ci, me permit de patienter sans trop souffrir : malgré mon appréhension concernant le froid ambiant, il régnait dans l’aéroport une chaleur surprenante, une très bonne chaleur… C’était même extraordinairement surchauffé, et j’avais dû retirer mon manteau pour ne pas étouffer. Finalement, je m’étais allongé sur un banc et j’avais réussi à roupiller…
Bon, pour ce soir ça suffit, j’arrête là ma prose… Je suis déçu, Clémence ne m’a pas appelé… Une fois de plus ! Et il est trop tard maintenant pour que je l’appelle… Tant pis ! J’’ai envie de dormir, je pars me coucher.


A suivre...

dimanche 26 août 2007

Journal d'un ancien globe-trotter - Suite 2

Donc, ce soir, au lieu de continuer à m’avachir dans mon fauteuil télé, j’ai filé dans mon bureau sitôt les infos terminées. Et, en attendant impatiemment un coup de fil de Clémence, j’ai sorti d’une vétuste cantine que je trimballe toujours partout avec moi, une sorte d’énorme cahier ; plutôt du genre gros carnet, avec son épaisse couverture cartonnée recouverte d’une légère fibre textile noire, comme on en utilisait autrefois pour la comptabilité… D’ailleurs, je pense que ce cahier me vient de mes grands-parents qui devaient y faire leurs comptes, puisqu’ils étaient commerçants… Toujours est-il que celui-ci était entièrement vierge et qu’il se prête assez bien à la calligraphie, malgré son quadrillage de légères lignes vertes. Et je viens d’y déposer sur la première de ses pages, tout ce qui précède… J’en écrirai un peu de temps en temps, chaque soir si je suis courageux. Comme ça, les nuits seront moins longues… Je peste de ne pas savoir me servir, comme Clémence, de mon clavier d’ordinateur. Elle, elle sait taper avec tous ses doigts ! Moi, avec deux seulement j’y renonce ! Je peine trop, je me trompe sans arrêt, ça n’avance pas assez vite. Retour aux vieilles méthodes… Epistolaires. Après tout, c’est plus romantique ! Sauf que j’écris comme un cochon… Faut que je fasse un effort, sinon, je pourrai même pas me relire !
Après ces considérations dépourvues d’un grand intérêt, il faut quand même que j’entre dans le vif du sujet… Parce que, si je me décide à écrire mes mémoires, ce sont celles d’un temps révolu, et non celles de maintenant. Celles de maintenant, en dehors du fait agréable qu’elles se passent sur une île plutôt attractive avec une compagne que j’adore, sont tout de même à classer dans la série « Métro, boulot, dodo »… Et d’ailleurs, ce ne sera en fait qu’une réécriture… Parce que tout ça, c’était déjà consigné dans une sorte de carnet de route, qu’un beau jour j’ai perdu. Je crois même savoir où… Dans l’avion de Paris qui m’amenait à La Réunion il y a près de cinq ans, où il sera sans doute tombé sous mon siège… C’était un peu avant que je rencontre Clémence. Alors, il faut vite, maintenant que j’en ai le temps, que je me remémore toute ma vie d’avant elle, du moins à partir de mon départ pour le Sri Lanka, fin 1986…
Ce retour au passé va me changer les idées, tout en faisant sûrement ressurgir des choses oubliées. Il est temps, à la quarantaine bien tassée… à l’approche des cinquante piges qui se précisent… Parce que je risquerais peut-être bien ensuite, de ne plus me souvenir de certains détails…


A suivre...

JUSTINE MERIEAU - ECRIVAIN

Blog destiné à faire connaître mes livres, romans et nouvelles. J'y présente des extraits de ceux-ci, avec également quelques inédits. Mais on y trouvera aussi mes humeurs littéraires du moment...
Bienvenue aux amoureux de la littérature !

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Saint-Joseph, 97480, Réunion
Ecrivain nantais, je suis romancière et nouvelliste. Je demeure à La Réunion depuis 1987.