Résumé : Architecte divorcée, Anaïs C., après une tentative de suicide, rencontre Vladimir Kovacic, séduisant médecin anesthésiste au CHU de sa ville ; ce dernier arrive des Balkans en tant que réfugié politique, ayant fui la guerre du Kosovo après y avoir perdu femme et enfant. Ils vont vivre tous deux un véritable coup de foudre. Ce, malgré le drame récent de Vladimir et malgré le don bizarre qui vient d'échoir à Anaïs après son suicide...
Extrait du chapitre II
Plus l’heure passait et plus Anaïs C. était troublée… Elle se rendait compte combien elle était tombée totalement sous le charme de cet inconnu, ce qui augmentait un peu plus son émoi… Envolées pour la soirée, ses étranges visions ! Elle ne voyait plus rien, sinon Vladimir… Vladimir, qui la dévorait souvent des yeux, justement parce que ses yeux, à elle, étaient encore plus beaux, plus clairs et lumineux, dans la lumière toute en douceur des bougies. Et, parfois, dans l’émotion vertigineuse qui la saisissait, elle ne savait plus où les poser…
De temps à autre, Alexandra Kovacic, mi-amusée, mi-attendrie, les observait discrètement, leur lançant de furtifs regards. Anaïs s’en aperçut, malgré ce trouble délicieux qui continuait à l’envahir chaque minute un peu plus. C’est que Vladimir, qui avait comme tout le monde un peu bu, s’enhardissait… À sa plus grande joie, il lui faisait carrément un brin de cour…
À la fin du repas, Christian se leva de table pour mettre quelques CD dans la minichaîne Sony, pendant qu’Anne, aidée d’Alexandra et d’Anaïs, finissait de débarrasser. On repoussa table et chaises, et les deux couples commencèrent à danser. Alexandra Kovacic y trouva prétexte pour prendre congé ; elle souhaita le bonsoir à tout le monde et embrassa chaleureusement Anaïs, lui confiant qu’elle souhaiterait vivement la revoir.
Madame Kovacic à peine partie, les quatre amis reprirent leurs danses. Pleins d’entrain et d’enthousiasme, Anaïs et Vladimir se dépensèrent avec leurs hôtes sur quelques rocks and roll bien rythmés ; histoire de se mettre dans l’ambiance, de perdre un peu de leur trouble et d’être plus détendus… Ils profitèrent ensuite de ce qu’Anne et Christian se soient rendus dans la cuisine chercher quelques rafraîchissements pour s’asseoir et pouvoir enfin bavarder un peu. Pendant l’apéritif et le dîner, ils n’avaient pas vraiment pu faire connaissance. Ils avaient hâte de se découvrir…
« – Ainsi, vous êtes une amie de notre chère voisine Anne ? Anne et Christian sont les seuls que nous connaissions dans cet immeuble. Les seuls à nous avoir aussi bien acceptés et accueillis… Je ne savais pas qu’Anne avait une amie aussi charmante et sympathique. Et surtout, aussi ravissante ! déclara Vladimir, très enthousiaste.
– Merci ! répondit Anaïs, ravie et troublée. Oui, nous nous connaissons en effet depuis longtemps, Anne et moi… À vrai dire, depuis l’adolescence. Nous nous sommes connues aux Beaux-Arts et nous étions perdues de vue depuis des années. Anne avait choisi de partir vivre à Paris… Nous venons juste de nous retrouver.
– Eh bien, la chance est avec moi, puisque vous vous êtes retrouvées,ce qui me permet d’avoir le plaisir de faire votre connaissance…
– Mais, c’est réciproque… J’en suis très heureuse également ! Et c’est vrai que le hasard parfois fait bien les choses… Je suis vraiment contente de vous connaître…, affirma avec conviction Anaïs, de plus en plus émue, qui enchaîna : alors… d’après ce qu’Anne m’a confié, vous arrivez du Kosovo… Vous êtes donc à la fois Kosovar et Yougoslave, je suppose. Mais, êtes-vous originaire de Serbie ou bien d’Albanie ? Ou encore, êtes-vous Tzigane ?… D’après votre physique, je vous verrais plutôt Serbe ou Tzigane… Je me trompe ?…
– Oui, un tout petit peu… Parce que si je suis bien Yougoslave, – enfin, d’ex Yougoslavie – je ne suis cependant ni Kosovar, ni Serbe, ni Albanais, ni Tzigane… Car je viens de Bosnie. Je suis donc aussi Bosniaque… Mais comme la Bosnie est constituée de gens venant de Serbie, de Croatie et même de Turquie, et que toute ma famille et moi-même sommes originaires de Croatie, je suis également Croate… Pour résumer, je suis avant tout un Croate de Bosnie, puisque avant de partir pour le Kosovo, – où m’attendait un poste d’anesthésiste à l’hôpital de Pristina – j’habitais à Sarajevo, donc en Bosnie… Et si mon physique vous intrigue, c’est qu’il est métissé. Parce que, comme dans tout pays aux nombreux brassages, il y a eu pas mal de mélanges… Ce qui a été aussi le cas il y a bien longtemps de cela en Dalmatie, province croate de mes ancêtres. Parmi ceux-ci on trouve, paraît-il, une Italienne et une Autrichienne… Qui seraient apparues du temps où la Croatie avait d’abord été occupée par les Vénitiens, et ensuite été attribuée à l’Autriche…
La Dalmatie !… Ah, si vous saviez… la Dalmatie aux douces collines rocheuses… Le charme tranquille de ses villages, où le temps s’est arrêté… Ses magnifiques maisons de pierres blanches… L’adriatique aux eaux si limpides… C’est si beau ! Un jour, j’aimerais vous y emmener pour vous la faire connaître… Enfin, si vous acceptez mon amitié. Mais, je m’égare… Pour en revenir à ce que je disais précédemment, toutes ces précisions ont leur importance…, ajouta Vladimir, revenu à des réalités moins poétiques. Parce qu’il vous faut savoir également, si vous ne le savez déjà, que les Serbes sont pour la plupart de religion orthodoxe, et les Croates plutôt catholiques… Tout comme les Tziganes, d’ailleurs, qui viennent de Hongrie (dont une minorité est protestante). Tandis que les Turcs sont complètement musulmans, tout comme les Albanais, islamisés par ceux-ci… C’est bien compliqué, n’est-ce pas ? Mais c’est ça, les Balkans : une vraie mosaïque ! D’où leurs difficultés…
– Certes, pour nous, c’est très compliqué ! », répondit Anaïs. Elle connaissait un peu par Anne le passé douloureux de Vladimir, et, par délicatesse, hésitait à poursuivre. Ce fut Vladimir qui continua :
« – Je dois vous avouer que ma vie passée est plutôt tragique… Et ce soir, je ne désire pas en parler… Ce soir, c’est fête, je ne veux pas le gâcher en remuant d’affreux souvenirs. L’heure est à la détente, aux choses gaies, aux amitiés qui se nouent… J’espère bien qu’on se reverra par la suite, j’aurai ainsi l’occasion de vous expliquer en détail tous les évènements graves et dramatiques qui m’ont conduit à quitter mon pays. Mais vous savez sans doute déjà que je suis anesthésiste au C.H.U. de la ville ? Que je suis veuf et vis depuis quelques mois chez ma tante, qui a eu la bonté de m’accueillir chez elle ? Parce que, si j’ai préféré partir définitivement de l’ex Yougoslavie, quitter le Kosovo et ne pas retourner en Bosnie, c’est que plus rien ni personne ne m’y retenait. Je n’avais plus que ma tante… Et puis, je pense que c’est ce que j’avais de mieux à faire, vu le désordre, la pagaille, les règlements de compte et la panique qui y règnent depuis la fin de la guerre et encore maintenant… Vous ne l’ignorez sans doute pas, vous avez dû le voir aux informations télévisées. Ce ne sont que représailles incessantes, malgré l’US KFOR, ces militaires de l’OTAN toujours en faction au Kosovo avec les casques bleus… Et malgré la présence de Bernard Kouchner… Durant toutes ces épreuves, ma tante Alexandra, – c’est la sœur de mon père – n’arrêtait pas de m’écrire et de me téléphoner, me suppliant de venir en France… J’aurais bien dû l’écouter tout de suite… Si j’étais parti dès le début des émeutes avec ma femme et mon fils, tous les deux seraient peut-être encore vivants… Mais je ne pouvais quitter l’hôpital de Pristina, c’était impossible, on y avait trop besoin de moi… En dernier lieu, Alexandra a réussi à me convaincre et je suis parti… Elle avait peur pour ma vie, puisque je suis à peu près le seul survivant de la famille. Voici qui est fait, et j’ai obtenu très rapidement l’asile politique dans votre beau pays… Que je connaissais déjà et que j’adore… J’y ai fait mes études et y venais souvent en vacances, chez ma tante Alexandra. Elle vit en France depuis l’adolescence, elle est naturalisée française… C’est ce que je souhaite également obtenir bientôt. Puisqu’à présent, ma vie est ici… D’autant plus que j’ai eu la chance de trouver tout de suite ce poste d’anesthésiste aux urgences du C.H.U. Il faut dire qu’en France, on manque d’anesthésistes… C’est d’ailleurs pourquoi, dans vos hôpitaux, on trouve des infirmières pratiquant également cet exercice, sous contrôle de médecins. Voilà… À présent, je vous ai à peu près résumé l’essentiel de ma vie passée et actuelle… Et en conclusion, il ne me manquait plus que de rencontrer une femme comme vous… Ou plutôt, que de vous rencontrer, vous, pour être tout à fait comblé… précisa-t-il élégamment avec grand enthousiasme, ajoutant : mais… je suis inquiet… Vais-je vous plaire autant que vous me plaisez ?… ».
Anne et Christian étaient revenus depuis longtemps ; ils avaient disposés les différentes boissons sur la table. Parfaitement discrets, ils avaient respecté l’aparté de leurs invités… Anne, satisfaite d’être à l’origine de cette sorte de coup de foudre, aussi flagrant que réciproque entre son amie et le beau médecin slave, était allée discrètement mettre un CD de slows. Depuis, elle dansait avec Christian, et tous deux, également très amoureux, tournaient langoureusement, collés l’un à l’autre.
En pleine allégresse, un moment attristée et angoissée lorsque Vladimir avait abordé la perte de sa famille, Anaïs lui avait répondu qu’il lui plaisait aussi, sans lui avouer combien… Songeant malgré tout, avec gêne et répugnance, qu’il n’aurait pu être avec elle ce soir sans cette tragédie. Et elle lui avait alors révélé, ce qui semblait avoir transporté celui-ci d’étonnement et de joie, qu’elle l’avait remarqué plusieurs fois dans son quartier, tout en désespérant un jour de pouvoir le connaître… Vladimir lui avait alors pris la main et l’avait entraînée sur la piste de danse. Et il y eut bientôt deux couples d’amoureux tendrement enlacés, s’embrassant avec de plus en plus de passion...
Anaïs en oubliait son âge… Elle avait l’impression d’être à nouveau adolescente, d’avoir vingt ans, comme au temps où avec Anne, elles flirtaient toutes deux dans les discothèques et les soirées d’étudiants… La communion de leurs corps devenait si forte, si intense, qu’un vertige commun les envahissait progressivement avec plus de violence, rendant leur désir réciproque de plus en plus impérieux… Et dans ce tumulte des sens, prélude au tout premier acte sexuel de deux êtres qui se cherchent et n’en peuvent plus, Anaïs, à bout de nerfs et de résistance, murmura doucement à l’oreille de Vladimir :
« Il va être deux heures… Si nous partions ? Allons chez moi, voulez-vous ? ». Vladimir l’étreignant avec plus de force, répondit dans un souffle :
« Partons ! ».
Il n’était pas question pour eux de perdre de temps en fausses pudibonderies… Ils en avaient déjà assez perdu avec leur drame réciproque. Ils avaient passé l’âge…
Et c’est cette nuit-là, qu’Anaïs et Vladimir devinrent amants et décidèrent de ne plus se quitter ; puisque environ trois semaines plus tard, Anaïs proposa tout naturellement à Vladimir d’emménager chez elle. Ce qu’il fit sans se faire prier et avec beaucoup d’empressement, tellement il était fou amoureux.
mercredi 28 novembre 2007
Présentation du roman "L'étrange don d'Anaïs C.", paru aux éditions Osmondes en 2006. Un surprenant récit où se mêlent fantastique, amour et guerre...
Publié par Justine Mérieau à 11/28/2007 03:32:00 AM
Libellés : amour, balkans, couple, ex yougoslavie, kosovo
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JUSTINE MERIEAU - ECRIVAIN
Blog destiné à faire connaître mes livres, romans et nouvelles. J'y présente des extraits de ceux-ci, avec également quelques inédits. Mais on y trouvera aussi mes humeurs littéraires du moment...
Bienvenue aux amoureux de la littérature !
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Qui êtes-vous ?
- Justine Mérieau
- Saint-Joseph, 97480, Réunion
- Ecrivain nantais, je suis romancière et nouvelliste. Je demeure à La Réunion depuis 1987.
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