Donc, en 86, c’était l’époque où Dutronc chantait « Merde in France », celle ou Coluche avait créé les Restos du cœur... On dit que ça va mal maintenant en France, mais à cette époque-là aussi. Sans doute que c’était le début, et que ça n’a fait que continuer… Sans Coluche, malheureusement, pour trouver les bonnes solutions tout en nous faisant momentanément oublier, par sa gouaille ironique, la grisaille ambiante. Puisqu’il devait, comme on le sait, se tuer à moto… Chômage et compagnie sévissaient, moi-même j’avais été touché ; et en plus, après deux ans d’un fulgurant mariage, je venais de divorcer… A part ma famille qui se souciait fort peu de ma personne, je ne laissais derrière moi que quelques braves potes, partis eux aussi ailleurs depuis longtemps. Ibiza, Formentera, le Népal, le plus souvent… « Peace and love », « Make love and not wear », l’époque hippie perdurait encore… C’est alors que je décidai moi-même de tout larguer, et un beau jour j’ai pris la route, direction Ceylan devenu depuis Sri Lanka… Façon de parler, d’ailleurs, parce que j’ai d’abord pris un avion à Orly, avec le peu d’argent que j’avais pu récolter de la vente de mes quelques affaires. Plus exactement un charter, pour l’économie… Un avion russe, un vieux coucou de Tupolev, qui, avant que j’en reprenne un autre pour Colombo en passant d’abord par Bombay, m’emmenait directement à Moscou. Epique, le voyage ! Mais un bon souvenir tout de même… J’avais vingt-six ans, et l’aventure, quelle qu’elle soit, me remplissait à chaque fois d’un fougueux enthousiasme. Aller à la découverte d’un ailleurs, m’a toujours paru une perspective autrement intéressante que de stagner des années au même endroit. Mais c’est surtout l’envie des grands espaces, ceux des terres chaudes gorgées de soleil, qui m’attirait.
Dans l’avion, les sièges étaient étroits, inconfortables et usagés. Ce Tupolev était vraisemblablement un vieil engin datant de Mathusalem ! Au moment de la distribution des maigres et insipides repas, deux hôtesses en blouse nylon bleue s’affairaient derrière leur chariot ; elles étaient presque aussi larges que celui-ci, et ressemblaient davantage à des filles de ferme qu’à des hôtesses… Ou encore, à des femmes de ménage, puisqu’elles opéraient avec ces sortes de blouses de travail dépourvues de toute élégance. Tâchant de réprimer rires ou sourires trop flagrants, durant le voyage je m’étais amusé à lorgner leur énorme popotin, leurs hanches trop épanouies et leur imposante poitrine, que l’immense blouse avait bien du mal à contenir ! Mais le plus drôle demeurait leur visage trop fardé, qui les faisait ressembler à quelque « Poupée russe », tant il paraissait figé et coloré, enduit comme il l’était d’un copieux et outrancier maquillage… Un maquillage qui détonnait, par son contraste effarant avec l’accoutrement vestimentaire. Même maintenant, je m’en souviens encore… Sur un teint blanc rosé, deux énormes taches rondes d’un pourpre violent avaient été plaquées sur chaque joue, formant deux marques trop voyantes qu’on avait immédiatement envie d’estomper ; les lèvres étaient recouvertes d’un rouge agressif qui débordait de tout côté, tandis que les yeux, petits et bleus, montraient surtout d’eux une pâte épaisse et disgracieuse du même ton, étalée en une large couche sur toute la paupière ; ce qui leur conférait un regard de clown inexpressif… Les contempler était à la fois triste et amusant, tellement c’était ridicule et grotesque. Je me souviens aussi que durant le vol, il y avait eu de nombreux trous d’air, surtout un peu avant l’arrivée à Moscou ; où une température de moins vingt degrés venait d’être annoncée… Il faut dire que j’avais choisi le mois de décembre pour partir…
Une mauvaise surprise m’attendait à l’aéroport : cinq heures d’attente, avant de repartir sur Bombay ! Et il était deux heures du matin… Mais une autre surprise, très bonne celle-ci, me permit de patienter sans trop souffrir : malgré mon appréhension concernant le froid ambiant, il régnait dans l’aéroport une chaleur surprenante, une très bonne chaleur… C’était même extraordinairement surchauffé, et j’avais dû retirer mon manteau pour ne pas étouffer. Finalement, je m’étais allongé sur un banc et j’avais réussi à roupiller…
Bon, pour ce soir ça suffit, j’arrête là ma prose… Je suis déçu, Clémence ne m’a pas appelé… Une fois de plus ! Et il est trop tard maintenant pour que je l’appelle… Tant pis ! J’’ai envie de dormir, je pars me coucher.
A suivre...
mercredi 29 août 2007
Journal d'un ancien globe-trotter - Suite 3
Publié par Justine Mérieau à 8/29/2007 02:35:00 AM
Libellés : amour, journal, La Réunion, vie, voyage
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JUSTINE MERIEAU - ECRIVAIN
Blog destiné à faire connaître mes livres, romans et nouvelles. J'y présente des extraits de ceux-ci, avec également quelques inédits. Mais on y trouvera aussi mes humeurs littéraires du moment...
Bienvenue aux amoureux de la littérature !
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Qui êtes-vous ?
- Justine Mérieau
- Saint-Joseph, 97480, Réunion
- Ecrivain nantais, je suis romancière et nouvelliste. Je demeure à La Réunion depuis 1987.
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