Saint Denis, le 5 janvier 2005
Hier, j’ai pas écrit une ligne… Je suis rentré trop tard, je me suis couché tout de suite… En fait, j’étais rentré comme d’habitude, mais je suis ressorti presque aussitôt. Trop le cafard… Clémence ne m’appelle plus du tout. Elle ne répond pas non plus aux messages que je lui laisse sur sa boîte vocale… Pourtant, elle les trouve forcément… Pourquoi n’y donne-t-elle pas suite ? J’angoisse un maximum ! En y repensant plus à fond, je me souviens qu’avant son départ, je l’avais trouvée un peu bizarre, pas vraiment comme d’habitude… Je n’y avais pas trop prêté attention sur le coup, j’avais mis ça sur le compte de la fatigue. Mais maintenant, je me demande s’il n’y a pas autre chose… C’est pour ça que je suis ressorti, pour me changer les idées. Je suis allé retrouver un collègue redevenu célibataire, et qui dîne tous les soirs dans le même resto. On a mangé ensemble au Palais de l’Orient ; mon copain aime la bouffe asiatique et moi aussi de temps en temps. Ensuite, on a terminé la soirée sur le Barachois, dans le bistrot à la mode, « Le Roland Garros », face à l’océan indien. Bien sûr, on a pas mal bu… Lui, pour oublier que sa femme s’est barrée définitivement en France il y a six semaines, et moi, pour essayer de me rassurer en pensant que la mienne allait me revenir dans une quinzaine. Forcément, on s’est beaucoup faits draguer… Deux mecs seuls, « métros » ou « z’oreilles », ça se remarque ! Les Réunionnaises, surtout les créoles bronzées, nous apprécient tout particulièrement… Si on avait voulu… Mais on n’avait pas la tête à ça, vraiment pas !
Arnaud et moi, on a plutôt l’alcool triste. Il n’en finissait pas de me raconter pour la énième fois, l’histoire de son couple… C’est justement parce qu’il avait eu un soir une petite défaillance avec une jeune et belle cafrine, que son épouse l’ayant appris avait fait immédiatement sa valise sans attendre d’explications. Eméché, il ne cessait de me répéter, me montrant la table d’en face où jacassaient en riant trois jolies filles métissées qui nous lorgnaient effrontément, l’œil brillant de convoitise : « Tu les vois, ces trois-là, hein ? Ces petites salopes n’ont pas froid aux yeux, elles nous draguent carrément ! C’est exactement comme ça que ça m’est arrivé… Moi, j’ai rien fait. Tu le sais bien, toi, Alexandre, que je suis pas un homme à femmes… C’est elle qui s’est jetée dans mes bras ! Je comprenais pas du tout ce qui m’arrivait… Sauf qu’une vraie bombe de bimbo exotique s’offrait tout à coup à moi… J’ai perdu la tête… T’aurais pu résister, toi ? Moi, j’ai pas pu ! Je suis sûr que peu de mecs auraient pu… J’ai eu beau essayer d’expliquer la chose à Marine, elle a rien voulu savoir ! Et pour une connerie passagère, me voilà maintenant comme un con ! Tu me diras qu’à présent, j’ai le champ libre… D’ailleurs, si Marine ne revient pas, c’est peut-être ce que je finirai par faire… Mais pour l’instant, ça m’en a coupé l’envie… ». Comme il commençait à avoir la larme à l’œil j’essayais de le consoler, lui affirmant que venir sur les îles tropicales représentait justement un danger de ce côté-là pour beaucoup de couples ; et qu’on en voyait d’ailleurs pas mal qui se brisaient, parce que le mari, tout comme lui, Arnaud, n’avait pu résister à l’appel de trop belles sirènes bien bronzées. Mais j’étais mauvais dans le rôle, j’étais moi-même trop soucieux… Et puis, je me rendais compte également que je commençais à avoir des difficultés à parler. Il était temps que je rentre, si je ne voulais pas ensuite me heurter à tout ce que je rencontrerais sur le trottoir… J’ai donc entraîné mon copain dans le même état que moi, et nous sommes sortis assez dignement, sous le regard extrêmement déçu et frustré des demoiselles créoles. Après une accolade, Arnaud et moi sommes partis chacun de son côté. Heureusement qu’on était à pied et qu’on n’habitait pas trop loin du bistrot ! C’est bien d’ailleurs pourquoi on se permettait de boire autant…
A suivre...
jeudi 30 août 2007
Journal d'un ancien globe-trotter - Suite 4
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Justine Mérieau
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8/30/2007 11:22:00 PM
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mercredi 29 août 2007
Journal d'un ancien globe-trotter - Suite 3
Donc, en 86, c’était l’époque où Dutronc chantait « Merde in France », celle ou Coluche avait créé les Restos du cœur... On dit que ça va mal maintenant en France, mais à cette époque-là aussi. Sans doute que c’était le début, et que ça n’a fait que continuer… Sans Coluche, malheureusement, pour trouver les bonnes solutions tout en nous faisant momentanément oublier, par sa gouaille ironique, la grisaille ambiante. Puisqu’il devait, comme on le sait, se tuer à moto… Chômage et compagnie sévissaient, moi-même j’avais été touché ; et en plus, après deux ans d’un fulgurant mariage, je venais de divorcer… A part ma famille qui se souciait fort peu de ma personne, je ne laissais derrière moi que quelques braves potes, partis eux aussi ailleurs depuis longtemps. Ibiza, Formentera, le Népal, le plus souvent… « Peace and love », « Make love and not wear », l’époque hippie perdurait encore… C’est alors que je décidai moi-même de tout larguer, et un beau jour j’ai pris la route, direction Ceylan devenu depuis Sri Lanka… Façon de parler, d’ailleurs, parce que j’ai d’abord pris un avion à Orly, avec le peu d’argent que j’avais pu récolter de la vente de mes quelques affaires. Plus exactement un charter, pour l’économie… Un avion russe, un vieux coucou de Tupolev, qui, avant que j’en reprenne un autre pour Colombo en passant d’abord par Bombay, m’emmenait directement à Moscou. Epique, le voyage ! Mais un bon souvenir tout de même… J’avais vingt-six ans, et l’aventure, quelle qu’elle soit, me remplissait à chaque fois d’un fougueux enthousiasme. Aller à la découverte d’un ailleurs, m’a toujours paru une perspective autrement intéressante que de stagner des années au même endroit. Mais c’est surtout l’envie des grands espaces, ceux des terres chaudes gorgées de soleil, qui m’attirait.
Dans l’avion, les sièges étaient étroits, inconfortables et usagés. Ce Tupolev était vraisemblablement un vieil engin datant de Mathusalem ! Au moment de la distribution des maigres et insipides repas, deux hôtesses en blouse nylon bleue s’affairaient derrière leur chariot ; elles étaient presque aussi larges que celui-ci, et ressemblaient davantage à des filles de ferme qu’à des hôtesses… Ou encore, à des femmes de ménage, puisqu’elles opéraient avec ces sortes de blouses de travail dépourvues de toute élégance. Tâchant de réprimer rires ou sourires trop flagrants, durant le voyage je m’étais amusé à lorgner leur énorme popotin, leurs hanches trop épanouies et leur imposante poitrine, que l’immense blouse avait bien du mal à contenir ! Mais le plus drôle demeurait leur visage trop fardé, qui les faisait ressembler à quelque « Poupée russe », tant il paraissait figé et coloré, enduit comme il l’était d’un copieux et outrancier maquillage… Un maquillage qui détonnait, par son contraste effarant avec l’accoutrement vestimentaire. Même maintenant, je m’en souviens encore… Sur un teint blanc rosé, deux énormes taches rondes d’un pourpre violent avaient été plaquées sur chaque joue, formant deux marques trop voyantes qu’on avait immédiatement envie d’estomper ; les lèvres étaient recouvertes d’un rouge agressif qui débordait de tout côté, tandis que les yeux, petits et bleus, montraient surtout d’eux une pâte épaisse et disgracieuse du même ton, étalée en une large couche sur toute la paupière ; ce qui leur conférait un regard de clown inexpressif… Les contempler était à la fois triste et amusant, tellement c’était ridicule et grotesque. Je me souviens aussi que durant le vol, il y avait eu de nombreux trous d’air, surtout un peu avant l’arrivée à Moscou ; où une température de moins vingt degrés venait d’être annoncée… Il faut dire que j’avais choisi le mois de décembre pour partir…
Une mauvaise surprise m’attendait à l’aéroport : cinq heures d’attente, avant de repartir sur Bombay ! Et il était deux heures du matin… Mais une autre surprise, très bonne celle-ci, me permit de patienter sans trop souffrir : malgré mon appréhension concernant le froid ambiant, il régnait dans l’aéroport une chaleur surprenante, une très bonne chaleur… C’était même extraordinairement surchauffé, et j’avais dû retirer mon manteau pour ne pas étouffer. Finalement, je m’étais allongé sur un banc et j’avais réussi à roupiller…
Bon, pour ce soir ça suffit, j’arrête là ma prose… Je suis déçu, Clémence ne m’a pas appelé… Une fois de plus ! Et il est trop tard maintenant pour que je l’appelle… Tant pis ! J’’ai envie de dormir, je pars me coucher.
A suivre...
Publié par
Justine Mérieau
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8/29/2007 02:35:00 AM
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Libellés : amour, journal, La Réunion, vie, voyage
mardi 21 août 2007
Vous ne connaissez pas l'île de La Réunion ? Lisez ma dernière nouvelle inédite ! Amour, intrigue et mystère sont au rendez-vous !
JOURNAL D'UN ANCIEN GLOBE-TROTTER
Il vient de m’arriver une chose assez insolite…
En poste sur l’île de La Réunion depuis quelques mois, comme c’était le week-end, j’avais décidé ce jour-là d’aller à Saint-Denis, la capitale. Visiter le Muséum d’Histoire Naturelle, qui se trouve en centre ville, dans un vaste et beau parc dénommé Jardin de l’État…
De prime abord, ce musée n’a pas l’air d’en être un, installé comme il l’est à l’intérieur d’une superbe case créole du plus pur style colonial : immense corps de bâtiment rectangulaire, flanqué en façade de quatre très hautes colonnes soutenant un chapiteau triangulaire. Le tout d’une blancheur éblouissante, au milieu de cet écrin de verdure baigné presque en permanence d’une intense luminosité.
Après m’être parfois étonnée, parfois émerveillée devant le patrimoine biologique de la faune et de la flore réunionnaises, dont certaines espèces endémiques disparues depuis, mais regroupées ici sous différents aspects tels que croquis, aquarelles, herbiers, oiseaux empaillés, sculptures diverses et squelettes d’animaux, je sortis du musée un peu plus instruite qu’auparavant sur mon nouveau pays. Notamment sur les dodos, dont j’avais souvent entendu parler sans savoir qu’il s’agissait de sortes d’énormes dindes sauvages, tellement chassées autrefois pour leur chair malgré l’odeur épouvantable que, paraît-il, elles dégageaient, (peut-être aussi pour cela ?) qu’elles avaient très vite disparu ; de même que toute espèce de singes et de perroquets, d’ailleurs… Et redoutant davantage à présent, je dois dire, de trouver dans mon habitation quelque scolopendre ou scorpion, eux, toujours bien présents… Même si leur piqûre n’est, semble-t-il, pas aussi dangereuse ni douloureuse que dans d’autres pays tropicaux ou équatoriaux. Mais plutôt heureuse maintenant, de pouvoir enfin donner un nom à ces fines silhouettes, si particulièrement blanches et gracieuses, que j’avais déjà souvent remarquées planant dans l’azur du ciel… ou encore, tournoyant au-dessus de l’océan pour y plonger soudain parfois, à l’affût de quelque pitance. Ce sont les fameux Paille-en-queue, ces oiseaux mythiques de l’île par excellence… J’étais quand même un peu triste d’avoir appris qu’en quatre siècles, l’homme avait fini par éliminer vingt-cinq espèces d’oiseaux, une vingtaine de plantes, et quatre-vingt pour cent de forêt… Dieu merci, je fus rassurée de savoir que, malgré tout, les botanistes du monde entier s’accordaient à reconnaître La Réunion comme unique en son genre, parce qu’étant la seule à posséder autant de plantes endémiques et exotiques, et autant d’espèces de bois de couleurs (cent cinquante-trois exactement) sur une surface aussi restreinte. N’empêche que je regrettais beaucoup qu’il n’y ait plus d’oiseaux-mouches, de calaos, de perroquets et de singes ! L’homme, toujours lui, (surtout les premiers débarqués sur l’île) avait encore perpétré ses dégâts…
Je m’étais ensuite assise sur l’un des nombreux bancs du parc, sous les frais ombrages d’un Flamboyant apparemment centenaire ; subjuguée, j’admirais son opulente chevelure qui retombait en une profusion de grappes d’un rouge incandescent, pensant immédiatement que ce bel arbre ne pouvait pas mieux mériter son nom. Je me trouvais face au très imposant bassin qui occupe, sur presque toute sa longueur, la partie centrale de cette sorte de square géant que représente le Jardin de l’État. Occupée à contempler sa multitude de jets d’eau s’élevant à bonne hauteur, délassée et rafraîchie par le gracieux spectacle de la pluie irisée retombant avec légèreté dans l’éclatant soleil, je n’avais pas vu la jeune cafrine qui s’était avancée jusqu’à mon banc. Lorsqu’elle s’adressa à moi, je remarquai aussitôt la beauté un rien sauvage de la fillette, avec son métissage lui donnant un teint satiné couleur café au lait, ses yeux de lynx mi-bleus, mi-verts, sa chevelure brune aux reflets fauves, épaisse, abondante, qui lui descendait aux épaules en une cascade brillante de boucles détendues comme une myriade de petits ressorts ; sa silhouette féline, élancée et souple, se découpait, lumineuse, dans les rayons solaires. Elle me dit, avec ce parler créole si particulier, vif et chantant, si charmant parce que toujours chaleureux : « Mi lé v’nue dire à ou, qu’ou l’a fait tomber quéque chose sous vot’banc… Mi l’a vu… ». Puis, gracieuse et souriante, elle s’enfuit aussitôt en tournant les talons, virevoltant et sautillant comme une gazelle dans le soleil couchant.
Surprise, je me penchai et aperçus en effet quelque chose sous mon banc. J’attrapai l’objet et constatai, très étonnée, qu’il s’agissait d’une espèce de volumineux cahier noir, ou encore, d’une sorte d’énorme carnet. Qui ne m’appartenait bien sûr pas… Je l’ouvris, et pus y lire sur la première page, tout en haut : « Journal d’un ancien globe-trotter ». Avec un étonnement croissant, je feuilletai quelques pages au hasard, et ce que j’y lus attisa encore ma curiosité. Comment, et pourquoi, ce cahier avait-il atterri là ?... L’avait-on jeté exprès, ou l’avait-on perdu ? Il appartenait forcément à quelqu’un… Mais le jour commençait à décliner sérieusement, et je devais parcourir plusieurs kilomètres pour regagner mon domicile, situé à Saint-Paul. Intriguée, je rangeai donc le cahier dans mon sac, remettant à plus tard chez moi l’envie d’en connaître davantage sur les mémoires intimes de mon inconnu. Je montai dans ma voiture et traversai, pour une fois sans trop de difficultés, les rues menant au Barachois, quartier du front de mer où se trouve entre autre la Préfecture, passant devant les célèbres canons dirigés vers l’océan indien et qui gardaient, dans le temps lontan, l’entrée de l’ancien port dionysien. Puis, je m’engouffrai sous le tunnel de la non moins célèbre falaise de la capitale, creusé tout d’abord, en des siècles anciens, par les esclaves d’alors, dont beaucoup ont hélas laissé leur vie sous d’innombrables éboulements ; éboulements malheureusement toujours d’actualité et qui le resteront malgré les énormes travaux entrepris pour y remédier, tels que les filets d’acier tendus sur la roche, ou encore les effondrements volontaires provoqués par des tirs de mine… Passage à risques, sorte de roulette russe pour tout automobiliste, mais passage cependant obligé pour permettre aux autochtones de circuler librement sur leur île, sans être contraints de prendre la route de montagne ; celle des « hauts », comme on dit ici, accidentée, parsemée de virages souvent dangereux, et surtout beaucoup trop longue…
A suivre...
Publié par
Justine Mérieau
à
8/21/2007 04:45:00 AM
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JUSTINE MERIEAU - ECRIVAIN
Bienvenue aux amoureux de la littérature !
Qui êtes-vous ?

- Justine Mérieau
- Saint-Joseph, 97480, Réunion
- Ecrivain nantais, je suis romancière et nouvelliste. Je demeure à La Réunion depuis 1987.