mardi 30 octobre 2007

En écho à mon article "Humeurs littéraires", voici une nouvelle extraite de mon recueil déjà présenté, "Comme un noir soleil", paru en 2006.



Entrez dans le Promoblogs et votre blog au super top votez pour ce blog!!!


EDITEURS,JE VOUS HAIS ! PORTES REFERMEES ; VOUS AVEZ TUE MA MERE !

Je m’appelle Eléonore et je viens d’avoir dix-huit ans. Pas de fête pour mon anniversaire, aucune joie. Seulement un trop plein de haine… Une haine tenace. Je hais les éditeurs ! Il n’y a personne que je ne déteste plus ! Ma mère est morte à cause d’eux… Elle s’est tiré une balle dans la tête, un jour de grosse déprime. Mon père l’avait quittée il y a environ un an, elle avait eu du mal à s’en remettre ; naïvement, elle pensait qu’il lui était tellement attaché qu’il ne partirait jamais. Depuis, elle supportait encore moins qu’on lui refuse à chaque fois son manuscrit. Toute réponse négative la plongeait aussitôt dans un désespoir profond qui durait des mois.
Déjà, je l’avais vue petit à petit s’user moralement d’années en années, quand elle envoyait par la poste des ouvrages dont personne ne voulait. Et pour lesquels elle guettait ensuite avec anxiété la moindre lettre. Une attente qui durait une éternité, souvent plusieurs mois. Ce qui ajoutait encore à son supplice.

Oh, oui ! Je les hais profondément, ces affreux éditeurs ! Comment ne le pourrais-je ? Après ce drame, je ne peux bien sûr que les haïr !
Et en premier, tous ceux qui ne pensent qu’à faire du chiffre, au détriment des vrais talents littéraires. Ceux-là ne sont plus que des marchands de soupe pour la plupart, que d’ignobles mercantiles ! Ils prétendent qu’ils ne peuvent agir autrement… que le monde de l’édition est en crise… Qu’ils ont trop de charges. Mon œil ! C’est surtout qu’ils ne veulent plus se battre pour faire connaître de talentueux inconnus, oui ! Ils préfèrent l’argent facile, ce qui va leur rapporter gros sans trop se bouger le cul… Des histoires sans intérêt, mais bien croustillantes ! Du genre petits potins des gens du show-biz ou assimilés… C’est trop injuste, à la fin ! Et s’il y a des lecteurs pour acheter ce genre de bouquins, c’est qu’ils n’en sont pas vraiment… Pour moi, ce ne sont que des voyeuristes déguisés ! Les lecteurs d’aujourd’hui ne sauraient-ils plus lire ?... Ne rechercheraient-ils plus avant tout que la facilité, eux aussi ? S’il en est ainsi, c’est désastreux et écœurant ! Là encore, je suis tout à fait d’accord avec ma chère maman… Parce que c’est ce qu’elle m’affirmait souvent.

Depuis toute petite, j’ai le souvenir de ma mère travaillant le soir dans son bureau, aussitôt le repas terminé. Elle s’y enfermait après un rapide bonsoir à mon père, mon frère et moi-même. Sous aucun prétexte, nous ne devions la déranger. Elle écrivait toute la nuit, et ne se couchait que vers les deux ou trois heures du matin. Elle disait que sa meilleure inspiration lui venait le soir, qu’elle était plus tranquille… Je me souviens qu’au début, – je devais avoir dans les dix ans – j’entendais mon père sortir de sa chambre et redescendre pour la supplier de monter se coucher. Je le sais, parce que c’est vers cet âge-là que j’avais pris l’habitude de lire au lit avant de dormir ; et, bien sûr, je ne savais pas m’arrêter… Mais mon père, par la suite, ne redescendait jamais plus. Il a dû se lasser et y renoncer, à force de toujours remonter seul…
Alors, à la longue, – je l’ai compris depuis – c’est sans doute ainsi que mes parents ont perdu toute intimité. La passion que ma mère, du moins je le suppose, devait avoir éprouvée pour mon père, s’était transformée en une autre beaucoup plus abstraite, celle de l’écriture… Une passion dévorante, si envahissante, que plus rien d’autre ne semblait vraiment compter pour elle ; nous tous, passions bien après… Mais je pense quand même que si maman n’avait pas dû tant galérer pour tenter de se faire publier, elle aurait été plus cool avec tout le monde. Et avec mon père en particulier, ce qui aurait empêché leur couple de se détruire.

Mon frère et moi n’en souffrions pas trop ; elle nous donnait malgré tout l’affection dont nous avions besoin. Disons, pour être tout à fait honnête, que nous en recevions la qualité, plus que la quantité, mais que nous n’en ressentions pas de réelle frustration. C’est plutôt notre père, qui en souffrait terriblement. Même s’il n’en disait rien, ça se voyait à son air, à ses attitudes… Lui qui était d’un naturel plutôt enjoué, est devenu triste et taciturne. On voyait bien qu’il n’était pas heureux. Il a quand même supporté comme il a pu très longtemps. Il devait toujours espérer… Et puis, il y a environ un an, peu avant mes dix-sept ans, il a fini par claquer la porte. Façon de parler, d’ailleurs, parce qu’il s’est plutôt retiré sur la pointe des pieds… Depuis des années, il avait dû par force s’y habituer, pendant que maman frappait avec frénésie sur son clavier… Toute la maisonnée avait pour consigne le silence, lorsqu’elle se trouvait dans son bureau… Et cette fois-là, il s’est retiré pour de bon, définitivement.
Même si à présent je comprends encore mieux ma mère, j’estime que mon père a eu malgré tout beaucoup de patience. Je reconnais que cette situation n’était vraiment pas évidente à supporter pour un mari. D’ailleurs, si mon petit ami se comportait comme maman, c’est une chose que je ne pourrais absolument pas accepter. Mais comme je vois que tout change avec les années qui passent, moi-même je ne suis peut-être pas au bout de mes peines de ce côté-là…

Toujours est-il que dans le cas présent, c’est bien à cause de tout ça, de cet abominable gâchis dans nos vies, si je hais autant les éditeurs ! Et doublement ! Parce que maintenant, voilà qu’ils se réveillent enfin ! Quand c’est trop tard ! Je les tiens pour responsables… C’est quand même de leur faute, si je viens de perdre ma mère. C’était déjà quasiment à cause d’eux, si mon père était parti… Par leur faute, la vie de ma famille a été fichue en l’air ! J’ai dix-huit ans, et voici que je me retrouve seule avec mon frère âgé de treize ans… Quel beau départ dans la vie, pour lui et moi ! Nous partirons bientôt vivre chez notre père. Mais rien ne sera plus pareil, notre mère est irremplaçable…
Nous sommes brisés tous les deux, mon frère pleure sans arrêt, et moi presque autant. On a déjà l’impression que notre vie est foutue, avant même qu’elle ne commence… Et pourquoi ? Parce qu’aucun de ces messieurs-dames des maisons où maman s’était adressée, n’avait alors daigné prendre le temps de s’intéresser à ses textes… Et pourtant, ils auraient pu le faire avant, puisqu’ils l’ont bien fait depuis ! Il suffisait qu’ils le fassent, et nous n’en serions pas là aujourd’hui… C’est horrible ! Je leur en veux à mort !

Parfois, dans les réponses négatives que ma mère recevait, on lui mettait des annotations qui lui faisaient mal : « Narration trop classique », « Style trop traditionnel », formulaient certains, tandis que d’autres lui assuraient que ses histoires étaient intéressantes, originales et bien écrites, mais qu’ils étaient plutôt à la recherche d’une forme d’écriture particulière. Elle ne comprenait pas. Elle me disait : « Mais qu’est-ce qu’ils veulent donc ?... Peut-être que si j’écrivais mes phrases à l’envers, en commençant par la fin, ça leur conviendrait ? Là, ce serait vraiment particulier ! Et si j’écrivais des mots à la suite, sans point, sans virgule, d’une seule traite ? Et pourquoi pas des textes du genre rébus ?... Ce qu’ils veulent, c’est peut-être un style qui innove, même s’il est incohérent ou hermétique ? N’importe quoi, en fait, même si c’est merdique ? Eh bien, non ! Je refuse toute innovation de ce genre ! Faire original à tout prix, dans le but de ne pas écrire comme tout le monde… et surtout, pour qu’il en soit parlé le plus possible, est uniquement une technique de vente, un coup de marketing ! C’est malhonnête pour le lecteur, à qui l’on se doit de remettre un ouvrage qui lui apportera quelque chose, dont il restera quelque chose en refermant le livre… A moi, ce qui me paraît le plus judicieux, le plus motivant pour le lecteur, c’est déjà de trouver un sujet intéressant ; et d’écrire dessus, de la façon la plus passionnante, la plus agréable possible… Concocter une histoire qui en soit vraiment une, et non un assemblage de mots, de lignes, qui forment des paragraphes énoncés tout exprès de façon inhabituelle afin de surprendre et de choquer.
Vian, Queneau ou Céline ont innové en leur temps… Ils ont même choqué parfois. Mais dans le bon sens : ils furent les premiers à introduire le langage écrit sous une forme parlée, ce qui renforçait leurs textes en les rendant plus vivants. Et ce qui n’exclut pas pour autant que ce qu’ils racontaient se tenait, était de vraies histoires. On pourrait se poser la question suivante : quel est le plus important, l’écriture elle-même, ou le thème choisi ? Pour moi, l’un ne va pas sans l’autre. Un beau sujet qui est mal traité, ou une superbe écriture sur une histoire sans intérêt, ne valent rien dans un cas comme dans l’autre… Est-ce que, Effroyables jardins, pour ne citer que celui-là, n’est pas un texte superbe et magnifiquement écrit, par hasard ? Heureusement qu’on en trouve parfois… Voilà le genre de récit qui me va droit au cœur ! Une écriture d’une grande pureté… Directe, concise, sans fioriture, sans maniérisme… Michel Quint à eu la chance de trouver une éditrice aimant un certain classicisme. Et quand je repense aux livres de Bazin, Mauriac ou Camus, par exemple… C’est bien de la narration classique, là encore. Mais quel plaisir de les lire ! « C’est daté », disent certains… Ils ont tout faux ! Des sujets tels que, par exemple, Vipère au point, Thérèse Desqueyroux, L’étranger et La peste, seront toujours d’actualité ; ils sont indémodables ! Pour ma part, c’est vrai, je revendique nos racines latines… Le bon français se perd, celui des origines. Du reste, on le voit tous les jours… Tu l’as bien vu au lycée, Eléonore… En sixième, tu étais parmi les meilleures en français et il y en avait peu. Il faut voir le nombre d’élèves qui ne maîtrisent pas leur propre langue, arrivés à ce stade… Vois-tu, j’aimerais me situer comme l’une des gardiennes de l’héritage littéraire de nos ancêtres les plus célèbres. J’ai une telle admiration pour eux… Personne n’a jamais fait mieux jusqu’à présent. Je suis une fervente adepte de Jean d’Ormesson et de ces quelques autres, qui tirent la sonnette d’alarme pour dénoncer que notre belle langue tend à perdre ses lettres de noblesse. Déjà, je suis atterrée à chaque fois, lorsque je lis les courriers que nous envoie Lucia, ta cousine. Cousus de fautes… Elle vient pourtant d’entrer à hypokhâgne… ».

Mon Dieu ! Quand je me souviens de tout ce qu’elle me disait, ma mère, j’en ai immédiatement les larmes aux yeux… Et je jure bien que si ce n’était pour elle, par respect pour sa mémoire, j’irais les trouver, moi, ces crétins d’odieux éditeurs ! Pour leur dire ce que je pense ! Je prendrais avec moi leur maudite réponse, et je la déchirerais devant eux, cette lettre qui a tant fait souffrir maman ! Même celle que je viens de recevoir du dernier éditeur, à qui elle avait sans y croire et dans un ultime sursaut adressé ses manuscrits… Et sur laquelle brillent enfin ces mots qui auraient été magiques pour elle, et qu’elle ne pourra jamais lire, malheureusement : « Nous avons le plaisir de vous informer que vos manuscrits ont été retenus pour publication… ». Et je leur en jetterais avec force tous les morceaux au visage, en crachant dessus !

Parce que moi, je me suis toujours intéressée à ce qu’elle écrivait, ma mère. Et pas seulement parce que je suis sa fille. Forcément, quand on aime lire autant que moi…
D’ailleurs, j’ai toujours été sa première lectrice. Elle me faisait lire tous ses chapitres, dès qu’ils étaient achevés… Et elle attendait ensuite mon verdict. Bien sûr, pas tout de suite, seulement quand j’ai eu douze ans. Et dès quinze ou seize ans, mon jugement se faisait de plus en plus objectif… Je n’hésitais pas à donner mon point de vue sur ce que je jugeais être les points forts et les points faibles de ses textes. C’est d’ailleurs ce qu’elle voulait, maman. Elle m’affirmait que je lui étais d’autant plus précieuse, et que c’était lui rendre service. J’étais devenue très critique… Je pense même que c’est ce qui m’a donné l’idée de mon futur métier. Critique littéraire… Comme ça, je pourrais écrire de nombreux articles sur les livres de maman, et aider des auteurs dans son cas. En quelque sorte, la venger plus tard…

Donc, ma mère m’écoutait souvent et réécrivait certains passages. C’est fou, ce qu’elle a pu peaufiner ses textes ! Elle les reprenait sans cesse. Elle n’était jamais satisfaite. Une de ses formules préférées, pendant qu’elle travaillait : « La perfection n’est pas de ce monde, et c’est parfois aussi bien. Mais quand on pratique un art, on doit être perfectionniste, ou alors s’abstenir. L’art est égoïste, il demande beaucoup… Il faut tout lui donner. C’est la seule façon d’en obtenir satisfaction en retour. C’est d’ailleurs à ça, qu’on reconnaît le véritable artiste… ».
Une chose qui lui plaisait aussi énormément, c’est que je donne ses récits terminés à lire à mes amis du lycée. J’emmenais ensuite ceux-ci à la maison, pour qu’ils lui fassent leurs commentaires. Nous passions ainsi tous ensemble des après-midis entiers à commenter ses romans, à les analyser. C’était passionnant, nous étions tous épris de littérature. Durant ces moments-là, maman revivait, exultait, oubliant pour un temps ses tracas d’auteur non reconnu. D’autant que mes amis appréciaient totalement ce qu’elle écrivait et lui assuraient qu’elle serait un jour connue. Certains d’entre eux étaient également ses élèves, puisqu’elle était prof de dessin dans mon lycée. C’est, du reste, grâce à sa profession, si elle avait beaucoup de temps libre pour écrire.
Maman me disait souvent : « Tu vois, Eléonore, les jeunes aiment ce que je ponds… La plupart des moins jeunes aussi, d’ailleurs. Tu sais que je donne mes textes à lire à certains de mes collègues… Je suis donc certaine que mes romans plairaient aux ados et aux adultes. Mes livres se vendraient forcément bien… Et dire qu’aucun éditeur ne veut me publier ! ». En général, ça, c’était les jours de désespoir, quand elle venait encore de recevoir une réponse négative…

Et pourtant, oui, c’est vraiment bien, ce qu’elle a écrit, ma mère ! J’ai été sa première admiratrice. Son imagination féconde et étrange, sa façon de raconter, me surprenaient toujours. J’aimerais pouvoir écrire comme elle… Evidemment, j’ai mes préférences. Certains de ses textes me parlent plus que d’autres, certains me laissent perplexe, ou encore me touchent beaucoup moins. Mais ça, c’est normal, c’est toujours ce que je ressens dans n’importe laquelle de mes lectures, auteur connu ou non… N’empêche que j’estime que ma mère a beaucoup de talent ! Un réel talent d’écrivain… Pas comme certains, qui se prennent pour tels, simplement parce qu’ils jouent du stylo ou du clavier, et qu’ils sortent un nombre impressionnant de feuilles de leur imprimante. Aligner des mots, ça, tout le monde peut le faire ! C’est la première chose qu’on nous apprend à l’école… Je n’ai peut-être pas vraiment la qualité pour en juger, et sans doute pas assez de pratique, mais vu que la matière où je suis la plus forte, c’est justement la littérature, et que je lis énormément, il m’est donc possible de comparer, d’analyser, tout en demeurant objective…
D’autant plus qu’il y a une chose qui s’avère absolument certaine : maintenant, je peux être sûre de ne pas m’être trompée, puisque ceux qui ont pendant si longtemps ignoré maman veulent à présent lui publier tous ses textes ! Ça, c’est bien une preuve irréfutable !

Elle qui était constamment en quête de reconnaissance, me confiait souvent avec un extrême désarroi : « Malheureusement, ma petite fille, un auteur n’existe, ne prend sa vraie dimension, que lorsqu’un éditeur lui donne droit de parole… C’est la seule façon qu’il a de devenir crédible. Sans l’éditeur, l’auteur n’est rien. Et puis, à quoi sert-il d’écrire, si personne ne vous lit ? Alors, tu comprends, Eléonore, pour l’instant, c’est comme si mes textes n’existaient pas. Je suis un fantôme qui tente vainement de se matérialiser… ».
Ô, tous ces souvenirs qui font mal… toutes ces paroles de ma mère, qui résonnent à présent dans ma tête… Bande de salauds d’éditeurs ! Vous ne pouviez pas vous décider avant ? Honte sur vous, qui l’avez fait mourir à petit feu, qui l’avez amenée à se suicider par désespoir !…
Oui, je vous hais de toutes mes forces ! Je vous haïrai jusqu’à la fin de ma vie ! Et encore davantage, ceux qui lui avaient fait miroiter une publication… Ceux qui devaient lui adresser un contrat qui n’est jamais arrivé… Ceux qui lui en ont pourtant signé un, mais qui n’ont finalement jamais sorti son ouvrage… C’est ceux-là, les pires ! Parce qu’à chaque fois, maman reprenait espoir, elle pensait voir la fin du calvaire, la reconnaissance de son travail. Et tout s’écroulait, tout était à recommencer !

Par exemple, il y en avait eu un qui lui avait envoyé un e-mail lui annonçant qu’il voulait publier son avant-dernier roman… Qu’il allait lui adresser le contrat s’y rapportant. Mais le contrat ne lui a finalement jamais été envoyé, tout simplement parce que ma mère, qui a bien eu raison, ne voulait pas que ce soit la femme de l’éditeur qui réécrive tout un chapitre à sa place…
Et quand je pense à cette garce d’éditrice, surtout… La présidente des éditions du Manoir.… Celle avec qui maman travaillait en dernier. La pire, celle-là… Espagnole d’origine… Ferra, qu’elle s’appelait. Une vraie folle ! Une fieffée menteuse, et malhonnête, en plus… Faut voir comme elle a fait marcher maman. Un an et demi, qu’elle l’a menée en bateau… Et que je t’appelle, en flattant ma mère… En lui disant qu’elle aimait tout ce qu’elle avait écrit. Ses trois derniers romans, qu’elle lui avait retenus… Maman était enfin tranquille, à ce moment-là. Elle avait reçu les trois contrats, elle voyait enfin le bout du tunnel… Et pourtant, parallèlement, déjà, elle commençait à douter de la Ferra… Parce qu’il avait fallu les lui réclamer plusieurs fois, les contrats promis !
Ensuite, ça avait continué à être désastreux… Les corrections expédiées par la poste, ou par e-mails et télécopies, posaient toujours problème. Où elles n’arrivaient pas, et il fallait faire des relances incessantes, où lorsqu’elles finissaient par arriver, ce n’étaient pas les bons textes et ils étaient incomplets… Plusieurs fois, la Ferra fit le coup d’affirmer avoir fait l’envoi, mais c’était du pipeau. Elle prétendait ensuite que ce devait être de la faute de la poste… Ma mère s’arrachait les cheveux, elle en était malade ! En fin de compte, elle n’a jamais reçu le dernier bon à tirer, le BAT, comme on dit, celui qu’elle venait de finir de corriger et qui aurait dû être donné à imprimer. Mais c’était fait exprès… L’éditrice faisait tout trainer sciemment. Elle n’était plus en mesure de sortir le moindre ouvrage, elle devait de l’argent à tous les imprimeurs… Aucun ne voulait plus travailler pour elle. Maman l’a su après. Des auteurs déçus lui avaient écrit pour la mettre en garde… Certains se trouvaient dans le même cas qu’elle, d’autres, qui avaient pourtant été publiés, n’avaient jamais reçu aucun droit d’auteur, tandis que d’autres encore se plaignaient d’avoir participé financièrement pour rien. Aux abois, l’éditrice allait jusqu’à recruter des auteurs payants… En dernier lieu, une plainte avait même été déposée contre elle et la police venait de lui saisir son matériel. A ce stade, les éditions du Manoir n’existaient quasiment plus… Nul doute que cette dernière expérience encore plus malheureuse, n’ait achevé ma pauvre maman, la poussant au suicide !

Ainsi donc, un mauvais sort en a décidé, ma mère sera publiée à titre posthume… De toute manière, en France il faut souvent être mort pour être reconnu. À se demander si on ne la publie pas maintenant que parce qu’elle s’est… Alors, ma vie durant, je m’emploierais à faire honorer sa mémoire. J’essaierai d’être pour elle, ce que Max Brode a été pour Kafka…
Et quand je pense que c’est ce qu’elle me confiait souvent, en riant d’un rire amer et désabusé, ma pauvre chère maman… Elle me disait : « Tu sais, Eléonore, j’aurais peut-être la chance, moi aussi, d’être publiée à titre posthume, après tout ! Ce sera toujours mieux que rien ! Remarque, ça me fera une belle jambe, une fois que je serai là-haut ! ».
Elle ne croyait, hélas, pas si bien dire, la malheureuse femme… Le destin est parfois si cruel, il est là où on ne l’attend pas. Maintenant, je le sais, et l’avenir me fait peur…

lundi 15 octobre 2007

Aujourd'hui, je bloggue pour l'environnement ! On se doit de respecter son environnement, surtout par ces temps incertains...


Entrez dans le Promoblogs et votre blog au super top votez pour ce blog!!!


Mon propos sera le respect de la vie animale, quelle que soit son espèce. Maltraiter, faire souffrir inutilement, ou tuer un être vivant, juste pour satisfaire les passions humaines, relève d'un égoïsme forcené et cruel qui n'a plus rien d'humain. C'est pure barbarie, chose inconcevable à notre époque !
En premier, j'ai donc choisi de parler de l'atrocité foncière que représente le spectacle des corridas. Pour cela, on peut se reporter à mon article du 18 août 2007, où je les dénonce au travers d'une nouvelle faisant partie de mon livre paru en 2006, "Comme un noir soleil"... Cela donnera une idée à ceux qui l'ignoreraient encore, de ce que représente réellement un tel genre de spectacle ! Et s'il reste malgré tout des personnes totalement insensibles à la souffrance animale, je doute fort qu'elles le soient pour autrui... Pour illustrer ce sujet, lire ci-dessous un texte transmis par l'Alliance anticorrida.
En second, je propose l'une de mes nouvelles inédites, écrite il y a plusieurs années, sorte de conte, d'utopie pour un monde meilleur : "Métamorphose collective"...

Associations artistes et politiques unis pour dénoncer la corrida !
La conférence de presse organisée par la SPA à Paris le 25 septembre 2007 fut l’un des événements visant à réitérer face aux médias l’une des demandes des associations au président de la République : l’interdiction de l’accès aux arènes pour les mineurs de moins de 16 ans.


Par Alliance Anticorrida
jeudi 27 septembre 2007
Modification : 27 septembre 2007
http://www.anticorrida.org

Avaient répondu présents : Surya Bonaly Raphaël Mezrahi Muriel Marland-Millitello députée des Alpes-Maritimes Yann Wehrling porte-parole national des Verts Jean-Marc Roubaud député du Gard Jean-Paul Richier psychiatre et Yves Cochet député Vert de Paris.

« Qu’ils soient UMP PS ou Verts les politiques sont à nos côtés pour mener ce combat important contre la corrida. Nous observons désormais une évolution de ce dossier : il n’y a plus de couleur politique mais une politique citoyenne. C’est un fait rare et nous nous en félicitons ! » déclare en préambule Caroline Lanty présidente de la SPA avant de donner la parole à Jean-Marc Roubaud particulièrement concerné par la question : « élu d’un département où la tauromachie est présente, je tiens à vous confirmer qu’elle ne concerne que peu d’habitants. Ces spectacles qui se veulent rattachés à une tradition séculaire ne constituent qu’une particularité régionale exogène contre lesquels de plus en plus de voix s’élèvent. »
De son côté Muriel Marland-Millitello a assuré déposer le jour même sa proposition de loi rectifiée visible sur http://petition-anticorrida.com/ ajoutant : « la volonté de combattre les violences et les souffrances qui découlent de la corrida reflète une des avancées de nos sociétés contemporaines »
Le point de vue de Jean-Paul Richier psychiatre vient ensuite justifier la pertinence de la demande de protection de la jeunesse avec la présentation d’une motion qui met en exergue les conséquences de la corrida sur un public jeune : « Le moment est venu de prendre en compte l’impact de ce spectacle sur les enfants et les adolescents. Il existe en effet dans la corrida une violence centrale et une souffrance imposées dans le cadre d’un rapport radicalement inégal ». À son tour Surya Bonaly très émue a assuré que la tauromachie n’est qu’« une banalisation de la violence une torture en musique qui va à l’encontre du respect du vivant et conditionne les enfants pour en faire de futurs aficionados ».

Claire Starozinski présidente de l’Alliance Anticorrida a pour sa part dressé un état des lieux de la problématique en mettant l’accent sur son vécu en tant que Nîmoise : « Maman d’une adolescente de 16 ans et professeur depuis trente-quatre ansje ne peux que m’élever contre le prosélytisme honteux réalisé dans les établissements scolaires dans lesquels les toreros sont invités à donner aux enfants des leçons de tauromachie ! » En concluant ainsi : « Au-delà de la mort d’un animal donnée en spectaclela corrida est hautement condamnable puisqu’elle encourage une pulsion morbide que nous avons en chacun de nous. »
A l’aide d’une vidéo insoutenable les représentants des autres associations ont insisté sur la nocivité des écoles taurines tandis que Yves Cochet et Yann Wehrling réaffirmaient la position très claire des Verts depuis 2006 déclarant de concert : « La mort de l’animal est au service du tiroir caisse la corrida n’étant que le marketing de la souffrance. L’esthétique et le beau ne doivent pas masquer l’horreur. »
Absent Julien Dray député PS avait néanmoins tenu à faire passer ce message : « En tant qu’homme de gauche je défends une certaine idée de l’humanisme qui reconnaît comme valeurs cardinales le respect d’autrui et le refus de toute barbarie. Je ne peux donc souscrire au principe de la corrida et je soutiens résolument votre engagement et la noble cause que vous défendez »
Dès le lendemain fidèle à sa promesse le président de la République recevait Surya Bonaly accompagnée de Caroline Lanty pour un entretien au cours duquel il a fait savoir se référant à une mesure similaire prise en Catalogne (Espagne) qu’il n’était pas opposé à une interdiction des arènes aux mineurs de moins de 16 ans.

Dans un courrier daté du 11 mars 2007 adressé à l’Alliance Anticorrida Nicolas Sarkozy alors candidat à la présidence avait évoqué l’idée d’une « possible évolution de ferias sans corrida » exprimant par-là même le souhait de toutes celles et ceux qui combattent ce spectacle d’un autre âge tout en aimant les traditions pacifiques.Une idée qui semble faire son chemin...

ALLIANCE ANTICORRIDA
http://www.anticorrida.org



Métamorphose collective

C’est ce jour-là, le 2 janvier 2058 exactement, que la chose, cette sorte de métamorphose, s’accomplit…
Dans la petite ville de Circé-sur-Loire, plusieurs évènements bizarres, troublants, se succédèrent en effet ce jour-là.
Ce fut le début de toute une série de faits qui continuèrent par la suite et devaient changer pour toujours le mode de vie des habitants. Mais pas seulement ceux de Circé, ceux de la planète entière…
Car, curieusement, la métamorphose se perpétra un peu partout dans le monde, et pratiquement au même moment ; elle devait également se perpétuer…

Toute la journée, à l’hôtel de ville du centre, le maire s’était vu rapporter tous ces évènements, qui l’avaient stupéfait.
Tout d’abord, ce fut un appel téléphonique du directeur de l’abattoir municipal. Il venait dire au maire que ses employés avaient décrété qu’ils ne voulaient plus abattre un seul animal… Mais qu’ils continueraient à venir travailler chaque jour afin de s’occuper d’eux, jusqu’à ce qu’une solution soit trouvée sur leur sort. Ils disaient tous qu’ils ne supportaient plus le regard des animaux sur eux juste avant d’être abattus. Et leurs cris surtout, pour les fois où ça se passait mal… Que depuis des années, ils en faisaient des cauchemars. Et que leurs déprimes, souvent incompréhensibles, venaient sûrement de là. Ils n’en pouvaient plus… La plupart d’entre eux voulaient fonder ensemble une association et créer plusieurs refuges pour animaux ; ils avaient l’intention de se brancher avec la très ancienne fondation Bardot qui existait depuis de nombreuses décennies, et d’œuvrer dans le même sens. Leurs premiers pensionnaires seraient les animaux ayant échappé aux abattages. Et en attendant, ceux qui habitaient à la campagne ou qui avaient un grand jardin avaient même proposé de prendre en pension, qui un mouton ou un porc, qui un agneau ou un veau, qui un cheval ou un bœuf…
Et curieusement, lui le directeur, en avait été comme apaisé. Il faut dire que depuis plus de dix ans, il n’en pouvait plus également de cette odeur de mort, de ces effluves de sang qu’il respirait chaque jour… Il l’avait supporté jusque-là parce qu’il ne pouvait faire autrement. Il fallait bien gagner sa vie… Mais à présent que ses employés avaient pris cette décision, il suivait avec joie le mouvement. Il était loin de la retraite, mais depuis longtemps avait envie de faire autre chose ; il n’avait rien tenté par négligence, par paresse. Il en trouvait là l’occasion… Et comme eux, décrétait qu’il ne mangerait plus jamais de viande.
Après, ce fut le tour du garde-champêtre accompagné du garde forestier, qui vint le prévenir qu’en cette période de chasse, l’un des chasseurs était venu lui annoncer, au nom de tous les autres, que plus aucun d’entre eux ne voulait chasser à partir de maintenant ; qu’il y avait donc lieu de clôturer la chasse pour toujours… Et le garde-champêtre avait ajouté qu’il s’en trouvait fort bien, car il n’avait jamais apprécié toutes ces cruautés. Propos repris et corroborés par le garde forestier…
Ensuite, on lui avait appris que toutes les boucheries et charcuteries avaient apposé un panneau en devanture indiquant aux gens qu’il n’y aurait bientôt plus jamais aucune viande de vendue dans le magasin ; et que ce qui s’y trouvait était donc la toute dernière… Il y avait aussi le seul magasin de fourrures et peaux de la ville qui en avait fait tout autant. Il liquidait son stock…
« Mais… que vont donc faire ensuite tous ces commerçants ?… s’était étonné le maire.
– Oh, ça ne semble pas être un problème pour eux, avait répondu l’employé municipal qui était venu le trouver pour le lui dire. Certains, près de la retraite vont s’y mettre maintenant, d’autres retournent à la ferme familiale, d’autres encore ont déjà trouvé une place en tant que salarié. Tous ont dit qu’ils ne supportaient plus la vue des têtes de veaux et cochons, pas plus que les carcasses des animaux habituels sur leurs étals. Ils en ont assez jusqu’à l’écœurement… Et le fourreur, quant à lui, va se reconvertir dans le simili… Il est plutôt content : il ne supportait pas lui non plus l’odeur fétide des peaux ».
Le plus étonnant fut lorsque le maire indiqua à l’employé que, de toute façon, les bouchers et les charcutiers ne risquaient plus de vendre de viande, puisque à partir d’aujourd’hui, l’abattoir municipal venait de fermer ses portes définitivement ; et que les chasseurs avaient arrêté de chasser une fois pour toute… L’employé lui répondit alors que les commerçants n’en étaient pas au courant et que lui-même venait de l’apprendre. Et il ajouta que ça le rendait très heureux. Ce qui rendit le maire encore plus perplexe. D’autant que lui aussi se surprenait à jubiler au fur et à mesure qu’il prenait connaissance de tous ces faits. Une jubilation à laquelle il pouvait donner libre cours à présent, puisqu’il était écolo jusqu’au bout des ongles, mangeait végétarien et prônait depuis toujours l’abolition de pratiques qu’il jugeait barbares. Dont celle de la chasse et des abattoirs. Sans parler des corridas, qui le révulsaient ; mais, heureusement, cette pratique n’était pas de mise dans sa région… Il avait, du reste, réussi à faire voter plusieurs fois certains arrêtés municipaux. Contre certaines pratiques de chasse, notamment ; et certaines interdictions en avaient découlé, qui avaient alors provoqué un tollé général parmi les chasseurs.
Et voilà qu’à présent ils ne voulaient plus chasser !… C’était merveilleux ! Seulement, à présent, au vu de tous ces évènements extraordinaires, c’était à lui, en tant que maire de la ville, de prendre certaines dispositions… Parce que tout ce qui venait de se produire représentait un véritable chamboulement de l’ordre social. Il devait réunir rapidement son conseil d’administration. La ville devrait se réorganiser…

Vers les treize heures, le maire partit déjeuner comme de coutume dans son bistrot favori, un restaurant végétarien. Il était vieux garçon et retrouvait souvent là de vieilles connaissances, plus ou moins célibataires comme lui et ayant des goûts similaires.
Ce jour-là, dans le café-restaurant, tous les gens avaient un air inhabituel… C’est ce que constata avec surprise le maire, qui ne se rendait pas compte que lui-même avait un air différent. En fait, ils avaient tous, pour une fois, le même air d’heureuse insouciance, de sympathie spontanée… Tout le monde discutait sec et joyeux. Et tous sur le même sujet… Le maire fut très étonné en entendant les conversations. Il n’y était question que de ce que lui-même venait d’apprendre... Ils étaient tous déjà au courant ! Il s’installa à sa table habituelle et surprit des choses encore plus invraisemblables… Une dame disait à sa voisine :
« Si, si, je t’assure !… C’est ma sœur qui me l’a dit ce matin… Le laboratoire de recherches pharmaceutiques vient de cesser toute vivisection. Les biologistes ne veulent plus entendre parler d’expérience sur des animaux… D’ailleurs, presque tous les ont emmenés à leur domicile ou donnés à leurs enfants, famille ou amis… Ma sœur, qui est copine avec une biologiste, a ainsi récupéré un magnifique chat noir et un petit chien blanc et roux. Et moi, je vais sans doute prendre aussi un chat, depuis le temps que mes enfants m’en réclament un. Si tu veux un animal, fais-moi signe… Mais presse-toi, il n’en reste plus beaucoup ! À moins que tu ne veuilles une souris blanche ?… Il en reste pas mal. Ah, oui, et aussi des lapins… ».
La voisine répondit que ce ne serait pas de refus. Depuis longtemps elle voulait un deuxième chien, pour tenir compagnie au sien qui avait l’air de s’ennuyer.
Plus loin, un monsieur disait à un autre homme :
« Puisque je vous le dis ! Avec ma parabole, je capte des chaînes partout dans le monde… Eh bien, malgré que je ne comprenne ni l’allemand, ni l’anglais, ni l’italien ni les autres langues, j’ai fort bien compris d’après les images, qu’il se passait la même chose qu’ici !… Apparemment, plus personne, nulle part, ne veut plus tuer la moindre bête… Et ne veut plus en manger, du reste ! Moi, je trouve tout ça fantastique ! Depuis plusieurs années déjà, j’avais banni toute viande de mon menu. D’abord, ce n’est pas si bon que ça pour la santé. Ça été reconnu… Et puis, a-t-on idée d’être carnivore, lorsqu’on est civilisé ? Tous ces gens hypocrites – dont j’ai fait partie – qui clamaient souvent : « Moi, je ne pourrais pour rien au monde faire de mal aux bêtes… Je les aime tant ! ». Et qui se précipitaient au restaurant manger des entrecôtes, du couscous mouton, du gigot d’agneau, des escalopes de veau !… Des prédateurs, oui !… Des prédateurs, nous étions ! Et les pires ! Parce que, si les animaux, eux, se mangent entre eux, c’est normal, c’est par nécessité… C’est la nature qui le veut, ils ne peuvent faire autrement. Mais nous, non ! De foutus prédateurs nous étions, et c’est tout !
– Certes ! » avait juste répondu l’autre homme, qui semblait aux anges en entendant ces paroles. Et il avait ensuite lui-même continué la conversation en soutenant cette thèse ; il expliquait qu’il mangeait de temps à autre de la viande pour faire plaisir à sa femme, mais qu’à partir d’aujourd’hui, il en ressentait un dégoût si profond, qu’il ne pourrait plus jamais en manger de sa vie. Et il ajouta :
« D’ailleurs, vous vous souvenez de ce qui s’est passé au début des années 2000 ? Oui, évidemment… vous n’étiez pas encore né… Mais vous en avez entendu parler ? La « vache folle » et la « tremblante » du mouton ? C’est par troupeaux entiers, qu’il avait fallu exterminer les pauvres bêtes, pour endiguer la maladie transmissible à l’homme… Ensuite, il y a eu également – c’était en 2003, si mes souvenirs sont exacts – une autre terrible maladie venant d’Asie ; il s’agissait de la « pneumopathie atypique », qui a fait des centaines de morts, principalement en Chine et à Hong-Kong, où les gens ne sortaient plus alors de chez eux sans un masque médical de protection, car c’était extrêmement contagieux… Malgré tous leurs efforts, les médecins chinois ne parvenaient pas à trouver d’antidote. Et comme les gens voyageaient déjà beaucoup, il y a eu contamination… Cette saloperie s’est alors propagée dans certains pays d’Europe et au Canada ; fort peu, heureusement, et sans trop de cas mortels ; ce qui fait qu’à part en Asie, elle a vite été enrayée… Mais, malgré tout, une véritable psychose régnait à ce moment-là en Europe, où l’on croyait voir cette maladie partout. Eh bien, savez-vous quoi ? Il a été dit à l’époque que l’origine de cette horreur provenait, à ce qu’il semblait, des marchés de Canton, où étaient également vendus comme vous le savez sans doute chats et chiens, tel du bétail à consommer… Jusqu’à hier, ces pauvres animaux l’étaient d’ailleurs toujours… Vous n’ignorez pas que là-bas ils les mangent ? Mon Dieu… j’en ai des frissons rien que d’y penser ! Moi qui ai tant d’affection pour ces petites bêtes… Heureusement qu’à partir de maintenant, ce sera enfin terminé ! Alors, paraît-il qu’en l’occurrence ce serait venu de la civette, qu’ils consommaient aussi autrefois… Vous vous rendez compte ! Ah, mais j’y pense également… C’est vrai qu’il y a eu encore autre chose ensuite… Toujours début 2000, et en Asie. La grippe aviaire… Le saviez-vous ? Là, c’étaient les poulets qui transmettaient la maladie… Comme pour nos moutons, ils ont dû tous les exterminer ! Je ne sais même pas si on en trouve encore chez eux, d’ailleurs… Alors ? Vous vous en souvenez, à présent ?… Oui ? Ah, bon ! Eh bien, tout de même, vous en conviendrez avec moi, c’était déjà un signe, tout ça ! Un bien mauvais signe… Comme un avertissement ! ».
Partout où le maire tendait l’oreille, c’était le même genre de conversation… Ce qui l’avait le plus étonné et réjoui, c’était d’apprendre que dans le monde entier les gens avaient réagi comme ici. Une véritable révolution, semblait-il ! Mais pacifique, celle-là… Une vraie métamorphose ! Presque comme un miracle… La face du monde allait en être changée ! Du moins, économiquement parlant… songeait le maire, tout de même un rien soucieux. Mais, puisque depuis des décennies, toutes les nations européennes du globe s’étaient réunifiées et que les autres continents suivaient, il n’y avait pas de soucis à se faire…

Le lendemain, le maire tint son conseil avec ses administrés. Plusieurs fonctions de la ville furent revues de fond en comble et réorganisées.
Il fut décidé, entre autres, que les domaines forestiers ne seraient plus que des aires de promenades et pique- nique, qui se verraient prochainement dotées de kiosques avec tables et bancs. Et que l’abattoir municipal serait attribué aux vétérinaires de la ville, qui en feraient leur clinique.
Quant aux restaurants, le maire n’eut même pas à s’en inquiéter. D’office, tous les restaurateurs affichaient de nouveaux menus ne proposant plus que des recettes à base de légumes, œufs et poissons. On trouvait encore un peu de poulet, de dinde ou de canard, mais c’étaient les derniers volatiles. Quant à la viande rouge, tant que le stock ne serait pas terminé, il serait écoulé et non renouvelé ensuite, et pour cause… Mais présentement, les restaurateurs avaient plutôt peur que personne ne veuille plus en manger et qu’elle leur restât sur les bras.
Même les entreprises de volailles en gros étaient en train de se recycler… Sauf, celles s’occupant de la ponte des œufs des poules, qui allaient à présent s’intensifier, mais en prenant soin cette fois de veiller à ce que les volatiles soient bien traités. Les élevages de bétail divers avaient également suivi... Tous s’étaient regroupés en sociétés et projetaient de faire de la culture maraîchère intensive à la place.
Les canards resteraient dans les mares, les poulets, les dindes et les porcs dans les cours, les vaches, les bœufs, les moutons, les oies et les lapins dans les champs… Les prairies désertées depuis longtemps, redeviendraient enfin pleines de vie! On ne prendrait de tous ces animaux que ce qui était comestible, comme leurs œufs ou leur lait, sans pour autant les sacrifier comme auparavant.
Tout ceci prendrait certes un certain temps à réorganiser, car il faudrait aussi s’occuper de la prolifération de certaines espèces, mais peu importait… On trouverait bien un moyen pour savoir quoi en faire et pour limiter les naissances.
Parce que plus personne, on ne savait pourquoi, ne voulait maintenant s’en prendre aux bêtes, quelles qu’elles soient… D’un coup, tout le monde réalisait que les animaux n’étaient pas des objets, mais des êtres vivants capables de souffrances et qu’il fallait donc respecter comme tels et protéger… Dorénavant, sur la planète, plus de cruels combats de coqs ou de chiens, plus de corridas avec leur cortège de taureaux mutilés, sanguinolents et massacrés au final, et plus de montreurs d’ours – de ces pauvres ours aux dents limées, aux ongles arrachés, aux naseaux perforés pour les maintenir en laisse, et qu’on fait danser de façon grotesquement dramatique.
Même les ethnies restées les plus fidèles à leurs rituels religieux en matière de sacrifices d’animaux, comme, par exemple, les communautés musulmanes ou tamoules, cessèrent immédiatement de telles pratiques, les remplaçant aussitôt par d’autres, pacifiques et plus subtiles, comme celles de leurs frères chrétiens qui les avaient délaissées depuis des temps immémoriaux. Ne comprenant d’ailleurs plus comment ils avaient pu perpétrer aussi longtemps ce qui leur apparaissait à présent comme de la barbarie… C’est à partir de là, également, que personne sur cette terre, curieusement, n’abandonna jamais plus son animal domestique, qu’il traita avec le meilleur soin. Et qu’il n’y eût, comme par enchantement, plus une seule bête de tuée par un humain. Et puis, l’on avait enfin réalisé en même temps que certaines espèces endémiques avaient disparu, et qu’il fallait que cela cesse… Le monde entier ne pourrait certes jamais ressembler à ces îles Galápagos chères à Darwin et faire partie du patrimoine mondial de l’Unesco, mais ce serait tout de même un merveilleux exemple à suivre.
Depuis ce jour magnifique et béni où eut lieu cette métamorphose mondiale, seuls les détraqués, les dégénérés, continuèrent à maltraiter les animaux. Mais ce n’étaient jamais que des dégénérés…
Et la police avait l’œil, elle restait à l’affût, les traquant et sévissant durement lorsqu’elle leur mettait la main dessus. D’autant qu’une nouvelle loi concernant les droits des animaux avait définitivement été votée leur donnant encore plus de poids qu’auparavant ; une véritable authenticité… La police veillait donc fermement à ce qu’elle fût respectée.

Au cours des mois qui suivirent, à la radio, à la télévision, on ne parlait plus que de cela dans le monde entier… Ces évènements-là avaient supplanté tous les autres, qui avaient disparu. Plus d’infos annonçant terrorisme, meurtres et attentats…Toutes les villes de toute la planète s’étaient mises au même diapason : celui de la protection systématique de tout animal. Bien sûr, on prit grand soin également de lui respecter son environnement… On replanta, on reboisa, on arrêta de détruire la nature. La planète reprenait lentement l’équilibre biologique perdu au fil des ans… Même son réchauffement climatique, devenu beaucoup trop élevé, cessa brusquement, ce qui permit de retrouver des températures normales, bénéfiques à tout être vivant.

Et c’est depuis ce temps que le massacre des animaux ayant enfin cessé, il n’y eut plus une seule guerre dans le monde.
Les hommes, devenus impuissants à tuer la moindre bête, l’auraient encore été davantage envers un humain… En fait, ils ne supportaient plus la vue du moindre sang versé, en avaient le plus profond dégoût, la plus indicible allergie.
Une métamorphose mondiale tout à fait inexplicable avait eu lieu, scellant une paix durable, définitive, pour les siècles à venir et pour le bien de tous…

mercredi 10 octobre 2007

Journal d'un ancien globe-trotter - Suite et fin


Entrez dans le Promoblogs et votre blog au super top votez pour ce blog!!!


J’y suis allée… Hier soir. J’avais d’abord dîné dans un petit resto où je me rends quelquefois. Et vers les vingt-et-une heures passées, je me suis retrouvée assise sur l’une des banquettes du Roland Garros… Une heure après, je commençais à trouver le temps long ; rien ne se passait d’intéressant concernant ce qui m’amenait là… Je baillais comme une carpe, l’envie de dormir me gagnait. J’étais prête à lever le camp, lorsqu’une idée me vint… Je fis signe au barman. Je le connaissais un peu, j’étais déjà venue dans le bistrot plusieurs fois avec des amis. Il s’avança à ma table avec un grand sourire. J’entrais dans le vif du sujet :
« – Bonsoir… Je suis venue là, pensant y trouver Arnaud ou Alexandre… Ce sont des habitués, je pense que vous les connaissez ?...
– Un peu seulement… Et comme je viens juste de rentrer de congés, je sais pas s’ils viennent toujours ici… Mais si vous voulez, vous pouvez aller demander à l’un de leurs amis… Celui qui se trouve là-bas, à la table près de la fenêtre… ».
Trop contente, après avoir remercié, je filai tout droit voir l’ami en question. Assez gênée quand même, ne sachant comment m’y prendre, ni par où commencer… Finalement, c’est le plus simplement du monde que j’ai menti avec aplomb. Affirmant qu’Arnaud et Alexandre faisaient partie de mes connaissances, et que je m’étonnais de ne plus avoir de leurs nouvelles… Prêcher le faux pour savoir le vrai, s’est toujours révélé être une bonne pratique !
« – Eh bien, chère demoiselle, sachez que nos deux oiseaux se sont envolés à jamais ! L’un a fini par aller rejoindre en métropole sa chère dulcinée qui ne voulait plus revenir à La Réunion, et l’autre, dont la sienne l’avait laissé tomber, comme vous le savez peut-être, a tout largué sur un coup de tête… Il a pris l’avion, direction la Nouvelle-Calédonie. A l’heure actuelle, il doit s’y être installé… Eh oui ! Nos deux amis nous ont quittés, nous ne les reverrons plus ! Pas ici en tout cas, c’est fort probable… ».
Eh voilà… La boucle était bouclée ! Etre venue ici n’avait servi à rien… Du moins, pas pour ce que j’aurais voulu. Cependant, j’en savais maintenant un peu plus et c’était le principal.
Après avoir remercié mon interlocuteur de ses informations, je déclinais son invitation à boire un pot en sa compagnie. Je n’avais nulle envie de m’attarder. S’il m’avait posé davantage de questions sur mes soi-disant relations, j’aurais été mal… Et puis, ce gars ne m’intéressait nullement, ce n’était pas mon genre. Je tournais les talons, m’apprêtant à sortir du café, lorsqu’il me rappela pour me dire :
« – Au fait, vous êtes au courant, pour Clémence ?
Interdite, je revins sur mes pas et lui demandai :
– Non… Il lui est arrivé quelque chose ?
– Si on peut dire !... Elle est revenue… Vous saviez, je suppose, qu’elle avait quitté Alexandre et qu’elle était repartie en France ?… Eh bien, ça n’a pas gazé avec son nouveau copain… Alors, sa mère et elle ont débarqué à La Réunion il y a deux jours, pensant retrouver Alexandre chez qui elles se sont tout de suite rendues. Malheureusement pour elles, il n’était plus là, il avait déjà pris l’avion pour la Nouvelle-Calédonie… Elles ont dû se trouver bêtes, évidemment ! C’est certain qu’elles ne devaient pas s’y attendre… Mais après tout, à chacun son tour de se faire avoir ! Ce n’est que justice. Enfin, c’est ce que je pense personnellement… Alors, elles sont allées à l’hôtel… Elles y sont d’ailleurs toujours. Elles se sont octroyées deux semaines de vacances. Et d’après ce que j’ai cru comprendre, c’est la mère de Clémence qui offre le voyage. Elles repartent en fin de semaine prochaine… Sûr que Clémence doit l’avoir mauvaise ! Elle doit amèrement regretter son coup de tête. Ou plutôt, son coup de foudre ! Ah, ces coups de foudre… La plupart du temps, ce ne sont que des feux de paille !
Revenue de ma stupéfaction, je répondis :
– Eh bien dites donc, alors ! Quelle histoire… Je n’en reviens pas ! Elles sont à Saint-Denis ?
– Ah, non… Tant qu’à faire, elles ont préféré les plages… Elles ont choisi le Novotel de Saint-Gilles. D’ailleurs, j’y vais demain leur rendre une petite visite. Si vous voulez venir, je vous y emmène avec plaisir…
– Merci… C’est très gentil, mais demain c’est impossible. Je verrai ça un autre jour. Maintenant que je sais où elles se trouvent… ».
J’étais prête à m’en aller, cette fois pour de bon, lorsque l’idée, la bonne, la seule du reste à avoir dans mon cas, me fit lui lancer d’une traite :
– Sauf qu’en ce moment j’ai un boulot monstre, et que je ne crois pas que je pourrai me rendre à Saint-Gilles avant longtemps… Or, il se trouve que j’ai quelque chose à remettre à Clémence… Comme vous allez la voir demain, je souhaiterais que vous lui remettiez, si ça ne vous dérange pas… Je vous en remercie d’avance ! ». Et en même temps, je sortis rapidement le gros carnet de mon sac…
Pour éviter toute indiscrétion, j’avais pris soin de l’emballer et d’en faire un paquet. Je le déposai aussitôt sur la table de l’ami de ceux que je ne connaissais pas, sous son regard empli à la fois d’étonnement et de curiosité. Puis, comme j’avais peur qu’il n’ouvrit la bouche, je me suis sauvée vite fait ! Après tout de même, un au revoir enthousiaste, et de nouveaux remerciements… Suite à quoi je me suis sentie vraiment soulagée !
Et c’est donc de la sorte que je me suis débarrassée de souvenirs qui ne me concernaient pas… Tout était maintenant dans le bon ordre, ils allaient revenir à la vraie destinataire. A celle qui avait déclenché la rédaction de ce journal. J’imaginais sa tête en le recevant… Elle n’y comprendrait rien, et ne saurait sans doute jamais qui était la mystérieuse femme qui le lui avait fait parvenir… Et moi, je ne saurai sans doute jamais non plus ce qu’elle en ferait, ni ce qu’elle déciderait après l’avoir lu…
Souvent, lorsque je repense à cet épisode de mon existence, je ne peux m’empêcher de constater en grimaçant une sorte de sourire un peu amer, que c’est bien en effet une véritable « Comédie humaine » que l’on vit tous les jours ! Avec ses « Jeux de l’amour et du hasard »…
Mais que serait donc la vie sans cela ?

mardi 9 octobre 2007

Journal d'un ancien globe-trotter - Suite 9

Il doit d’ailleurs être impossible de passer une vie sans souffrir à un moment ou un autre. Souffrance morale, à défaut de l’autre qui en frappe hélas aussi certains… Je tâchais de me consoler comme je pouvais… La méthode Coué, qui en vaut bien une autre ! Je ne devais pas me laisser aller, je devais réagir…
Oui, je dois réagir ! Mais que faire à présent ? Ma vie à La Réunion tournait autour de Clémence… Rester ici sans elle ne m’intéresse plus. D’ailleurs, cinq ans sur l’île, c’est suffisant… J’en ai fait le tour, j’ai vu tout ce qu’il y avait à voir plusieurs fois. Tous les endroits présentant le plus d’intérêt, tous les sites les plus grandioses… J’ai un album photos rempli de clichés de Cilaos, du Piton des Neiges, du volcan de la Fournaise, du Grand Bénaré, de la Plaine des sables, de Salazie et Hell-Bourg, des Trois Bassins, de la Plaine des palmistes, de Mafate, de la Plaine des Cafres, de Bassin la Paix… Pour ne citer que les plus connus…. J’ai même pris la peine de noter, parce que je les trouve vraiment sublimes, ces quelques vers de Leconte de Lisle, que l’illustre poète réunionnais écrivit à la gloire du Piton des Neiges :
« Jamais le pic glacé n’entend l’oiseau siffleur,
Ni le vent du matin empli d’odeurs divines
Qui rit dans les palmiers et les fraîches ravines,
Ni parmi le corail des antiques récifs,
Le murmure rêveur et lent des flots pensifs
Ni les vagues échos de la rumeur des hommes,
Il ignore la vie et le peu que nous sommes.
Et calme spectateur de l’éternel réveil,
Drapé de neige rose, il attend le soleil. »
Oui, je vais partir… Donner, moi aussi, ma démission… Reprendre la route. J’ai un copain qui vit en Nouvelle-Calédonie, ça fait longtemps qu’il me propose de venir m’y installer. C’est le moment où jamais ! Puisque cette occasion malheureuse m’en est donnée…
Allez, profitons-en pour mieux faire passer l’amère pilule, ce sera toujours ça de gagné ! Il faut bien trouver des solutions pour ne pas se laisser abattre… Et faire apparaître le côté positif sur ce qui nous arrive de catastrophique…
Ce soir, pour la dernière fois ici, je vais refermer ce carnet… Qui, avec mes vieux souvenirs de voyage, contient maintenant mon énorme déconvenue. Je l’emporterai bien sûr avec moi… A cause des souvenirs qui y sont consignés, mais également parce qu’il restera à jamais l’unique témoin de mon amour pour Clémence. Un amour bafoué, certes, mais un amour qui a réellement existé entre nous les premières années. Finalement, ce sera comme si j’emportais un peu d’elle avec moi…
Seulement, ce carnet, il ne faudra surtout pas que je le relise trop vite… Cela attiserait forcément ma souffrance, et je risquerais de le détruire sur un coup de tête !
Allez, adieu cher cahier, adieu ma vie ici ! Et vive l’aventure nouvelle !
Mieux vaut crâner que pleurer…


Et ainsi s’achevait le mystérieux carnet… Il n’avait à présent plus de secret pour moi.
J’étais entrée par hasard, et bien involontairement, dans la vie privée d’autrui. Je me fis soudain l’effet d’une voyeuse, et me sentis d’un coup légèrement mal à l’aise. Pénétrer aussi brutalement dans l’intimité de gens inconnus, surtout lorsque celle-ci dévoile une sorte de drame intime, représente quand même quelque chose d’assez délicat…
Un peu étourdie et bouleversée par cette lecture, je restais quelques minutes au fond de mon fauteuil à méditer sur cette malheureuse histoire. Je demeurais partagée… A la fois je comprenais la jeune fille, tout en me mettant également à la place de ce pauvre Alexandre. Des histoires d’amour qui finissent mal, ce n’était pas nouveau, ça n’avait rien d’extraordinaire, rien de surprenant. J’en savais hélas quelque chose… Non, ce qui était surprenant, c’était que je me retrouve avec un carnet qui ne m’appartenait pas. Que j’avais ramassé sous un banc, sans savoir ni pourquoi ni comment il avait pu atterrir là… Et je me posais des questions.
Le dénommé Alexandre écrivait dans ses dernières lignes, qu’il lui viendrait peut-être l’envie de détruire sa prose s’il la relisait trop vite… S’était-il tout de même relu, et avait-il jeté volontairement le témoin de son infortune ? Dans ce cas, s’il tenait vraiment à s’en séparer… Et cela aurait eu lieu au Jardin de l’Etat ?... Mais quand ? On était le dix-huit janvier 2005, et son journal indiquait le six janvier comme dernière date… Questions auxquelles il me sera à jamais impossible de répondre, j’en ai bien l’impression…
En attendant, c’était moi qui détenais ce carnet… Quoi en faire ? Le restituer, mais à qui ? Son auteur l’avait peut-être tout bonnement égaré ?… Il semblait coutumier du fait. Seulement, j’ignorais tout de lui et ne pouvais donc le lui remettre… D’ailleurs, s’il s’était finalement décidé à quitter l’île, ce n’était plus la peine que je cherche à le retrouver… Et quand bien même ? Je me verrais mal lui rendre un carnet intime, qui en plus dénonçait ses malheurs… Je me trouverais plutôt dans une sale position… Il se douterait forcément que j’ai tout lu… A moins que… A moins que je me rende un soir sur le Barachois, au Roland Garros… Je risquerais sans doute d’y glaner quelques infos sur ledit Alexandre ou encore sur son ami Arnaud par des connaissances à eux… Peut-être même d’y rencontrer cet Arnaud, puisque c’était un habitué des lieux… Et ainsi me débarrasser du carnet encombrant, en le remettant à quelqu’un…
Je ne vais quand même pas garder un morceau d’une vie qui ne m’appartient pas !

A suivre...

JUSTINE MERIEAU - ECRIVAIN

Blog destiné à faire connaître mes livres, romans et nouvelles. J'y présente des extraits de ceux-ci, avec également quelques inédits. Mais on y trouvera aussi mes humeurs littéraires du moment...
Bienvenue aux amoureux de la littérature !

Qui êtes-vous ?

Ma photo
Saint-Joseph, 97480, Réunion
Ecrivain nantais, je suis romancière et nouvelliste. Je demeure à La Réunion depuis 1987.