mardi 1 avril 2008

Témoignages de Français vivant en Israël




Par Raphaël Perrodin
raphaelperrodin@hotmail.com

J'envoie souvent des messages importants, provenant de sources diverses, concernant la situation ici en Israël, pour cette fois j'ai fait l'effort d'écrire moi même ce que j'avais sur le cœur. Vous pouvez transférer ce message à d'autres personnes qui ne sont pas encore très informées sur ce qui se passe ici.

Vivant moi même en Israël depuis 20 ans et ayant deux garçons dans des unités combattantes de Tsahal, (un encore actif et l’autre réserviste), je voudrais donner [ou redonner] quelques précisions très importantes concernant la situation ici, que la plupart des médias dans les nations ne donnent pas.

Israël est sorti de la bande de Gaza il y a deux ans et demi, tous les villages Israéliens qui pour beaucoup donnaient du travail aux palestiniens dans l’agriculture ou autre ont été démantelés laissant cette bande de terre à l’Autorité Palestinienne, reconnue par Israël et par les nations, pour diriger le peuple palestinien et y établir l’ordre et la justice.

Malgré les aides financières très importantes reçues des nations, cette Autorité n’a pas été capable de maintenir un bon niveau social pour ses habitants, mais également et surtout, d’imposer le calme et la soumission aux bandes armées islamistes extrémistes, dont la plus importante est le Hamas, soutenu par le Hezbollah du Liban, la Syrie et l’Iran.

Après la sortie d’Israël de la bande de Gaza, le Hamas et autres organisations qui ne reconnaissent pas l’existence de l’Etat d’Israël, ont commencé à lancer des roquettes et missiles sur le sud d’Israël.
Par la suite, faisant rentrer de plus en plus d’armes par l’Egypte, pays frontalier avec la bande de Gaza, le Hamas est devenu de plus en plus puissant et a chassé d’une manière violente, meurtrière et barbare l’Autorité Palestinienne et sa police. Depuis lors, le Hamas a pris le contrôle de Gaza et y impose une dictature islamiste.

Les tirs de roquettes et missiles sur Israël se sont alors intensifiés visant la population. L’armée d’Israël a dû intervenir pour protéger sa population et a fait des incursions par air et par terre pour neutraliser ces lanceurs de missiles et leurs commandants.

Dans ses actions, l’armée fait attention à ne pas toucher la population civile palestinienne, mais c’est difficile car le Hamas utilise la population comme bouclier humain et a même un grand intérêt à ce que cette population soit touchée pour utiliser cela comme propagande anti-israélienne auprès des arabes et des nations ! Et ça réussi bien car les médias étrangers sont de bons véhicules pour cela !
Lorsque des civils palestiniens sont touchés, Israël s’excuse officiellement et précise que son but n’est pas de faire du mal à la population, mais de stopper les lanceurs meurtriers de missiles.

Des dizaines de missiles sont envoyés presque chaque jour sur les villages et villes du sud d’Israël. Grâce a Dieu il y a beaucoup de miracles de protection, mais malheureusement il arrive que des Israéliens soient blessés gravement ou tués, et dans ce cas, le Hamas exulte de joie et même la population civile de Gaza fait la fête.

Les terroristes islamistes palestiniens voudraient s’attaquer aux dirigeants Israéliens mais comme ils n’y arrivent pas, ils se tournent vers des proies plus faciles et sans défense, comme par exemple jeudi dernier ce terroriste qui est rentré dans une école religieuse à Jérusalem et a mitraillé des jeunes étudiants, tuant et blessant plusieurs d’entre eux. Heureusement, un réserviste était dans les environs avec son arme et a tué le terroriste avant que le carnage ne devienne plus important.

Nous voyons bien la différence : d’un côté Israël veut supprimer les terroristes pour que la paix vienne sur les deux peuples, envisageant même de donner un Etat indépendant aux Palestiniens, et de l’autre côté, les islamistes palestiniens veulent anéantir la population Israélienne. Alors dans cette situation, qui sont les criminels de guerre ?

Je trouve étrange que le monde accuse si facilement Israël, et de ce fait donne une justification aux islamistes.

Concernant l’attentat terroriste de jeudi dernier dans l’école, je voudrais préciser que le terroriste était arabe Israélien, c’est à dire résident en Israël et recevant les droits d’un citoyen.
Il y a beaucoup d’arabes qui bénéficient de la citoyenneté israélienne.

Récemment j’étais dans un petit bureau de poste à côté de mon travail en vieille ville de Jérusalem et il y avait une file composée d’hommes et de femmes arabes, pour la plupart d’un certain âge, qui attendaient de recevoir leur pension ou l’aide sociale. Un vieux musulman a commencé à me parler dans un très bon hébreu pour me montrer que tout ces gens bénéficiaient des aides de l’Etat d’Israël et qu’en remerciement leurs enfants ou petits enfants allaient jeter des pierres sur les véhicules Israéliens qui passaient dans leurs quartiers, ou même pour certains s’engageaient dans des organisations terroristes pour « tuer du juif » !
Cet homme m’a encore dit que dans tous les autres pays arabes, il n’y avait pas d’aide ou d’avantages sociaux comme en Israël et que leur vie était bien meilleure ici que dans les territoires autonomes palestiniens.

Merci de prendre en considération tout ce que je viens d’écrire la prochaine fois que vous écouterez vos medias.


UNE FIN DE SEMAINE PRESQUE NORMALE A ASHKELON

Par Rachel Haddad - rach.hadd@gmail.com
www.desinfos.com - 2 mars 2008 -

A en croire les journaux télévisés francophones et notamment français ce soir, j’ai bien l’impression de ne pas vivre la même réalité. S’il est effectif que les représailles de l’armée israélienne aient été plus massives ces dernières 24h ayant causé selon la formule consacrée des "dommages collatéraux", je suis outrée de la manière dont les journalistes couvrent ces évènements.

Depuis plusieurs années, j’ai remarqué que le manque d’objectivité et d’impartialité étaient de mise, mais là je crains que le lynchage médiatique contre Israël n’atteigne des sommets...

Quel pays au monde pourrait accepter d’être la cible journellement de roquettes et ce depuis plusieurs années sans réagir ?

Quel pays au monde serait pressé de donner une partie de son territoire pour une hypothétique paix à ceux qui la refuse obstinément et qui n’ont que pour seul objectif de détruire le pays d’Israël ?

Quel pays au monde pourrait se faire traiter de microbe et être menacé d’éradication sans broncher, et ne susciter aucune émotion, sauf celles de se faire traiter de barbares ou génocidaires ?

Pourquoi ne pas dire que depuis 60 ans, Israël est le seul pays au monde a s’être autant fait agressé ! Pourquoi ne pas dire que la "population palestinienne" souffre de la lâcheté des pays arabes qui n’en ont cure et qui ne voient en eux qu’un outil de pression ?

Pourquoi ne pas dire que tout l’argent versé en 60 ans à ces dits palestiniens aurait pu sauver tous les réfugiés du Darfour plus d’une fois au lieu de remplir les comptes en banque de leurs dirigeants corrompus ?

Pourquoi nous force-ce t’on a établir une paix avec un Monsieur Abbas qui n’a aucune gène à reconsidérer la lutte armée contre nous comme une éventuelle possibilité ?

Pourquoi, Mme Rice, en future visite chez nous, ne vient-elle pas nous forcer la main à l’Université de Sapir à Sdérot ou à la Marina d’Ashkelon ?

La Marina d’Ashkelon, justement dans l’après midi.
Vers 16H nous avons entendu un boum énorme à 400 mètres de chez nous, un boum d’un missile Grad causant des dégâts et des blessés, des rondes d’ambulances, des gens affolés, et les questions de mon fils :

Maman, moi aussi je serai comme Ocher, je ne pourrai plus jouer au football ?
(Ocher de Sdérot a été amputé d’une jambe la semaine dernière) Papa va t-il aussi mourir comme le Monsieur de Sdérot ?
Que répondre à mon fils ?

Que je souhaite faire la paix avec quelqu’un qui veut nous assassiner ?

Que je suis forcée d’approuver un accord de paix qui me mènera tôt ou tard à voir mon pays se faire détruire ?

Que je suis obligée de me soumettre au diktat hypocrite, voire mensonger des médias internationaux ?

Que je suis contrainte d’occulter la menace nazi-islamiste contre mon peuple qui je ne sais par quel miracle a réussi à survivre ?

Que répondre, que faire ? En attendant le prochain Grad....

dimanche 23 mars 2008

Point de vue d'un arabe, professeur de sociologie, sur le conflit Israëlo-Palestinien

NOTRE ENNEMI PRINCIPAL

Par Sami Alrabaa, professeur de sociologie, vivant en Allemagne et commentateur des affaires arabes.

Jerusalem Report daté du 18 mars 2008

Traduit par Albert Soued, www.chez.com/soued/conf.htm pour www.nuitdorient.com

Nous autres Arabes, du moins nos régimes et nos médias, saisissons toute occasion pour dépeindre Israël comme le pire Mal au Moyen Orient. Un exemple récent, en janvier dernier, nous avons condamné Israël lorsque les Gazaouis ont fui en Egypte le blocus qui leur était infligé. Personne n'a mentionné les raisons du blocus.

Pendant plus d'1/2 siècle, les Arabes ont décrit Israël comme leur ennemi principal, une "force impérialiste", soutenue par les Américains, qui, en permanence, inflige aux Palestiniens "un génocide, la famine et les violations des droits de l'homme". Mais soyons sérieux, alors que nous déplorons l'existence de cet Etat, nous, les régimes arabes, nous sommes au fond très content qu'Israël existe. Nous avons un coupable à blâmer de la misère et de la confusion de nos peuples. Si Israël n'existait pas, nous serions dans l'obligation d'inventer un autre ennemi à accabler, par exemple, en demandant la restitution de terres arabes à la Turquie (Province d'Iskanderoun) ou à l'Iran (province de l'Arabstan).

Israël a cessé d'occuper Gaza et le Liban-Sud. Et pourtant, pour le Hamas et le Hezbollah, ce n'est pas assez! L'Egypte a récupéré jusqu'au dernier m2 toute sa terre, mais elle continue, à travers ses médias et ses porte-parole à tenir un discours hostile et provocateur à l'égard d'Israël. L'animosité des Arabes est devenue un article de foi, une forme de "religion": Israël est un mal inacceptable et les Arabes en sont les victimes. Cela dépasse la logique, la nécessité d'une realpolitik et toute preuve tangible. Des cinglés comme moi qui croient dans la coexistence font l'objet de la fureur des médias arabes et sont menacés de "la colère divine".

Les médias arabes ont concocté toutes sortes de théories de conspiration. Israël n'occupe pas seulement une terre arabe et n'affame pas seulement les Palestiniens, il provoque toute sorte d'animosité entre les Arabes. Dans l'hebdomadaire du Caire Al Ahram (les Pyramides), Hassan Nafaa écrit le 26/01/08: "En persistant dans sa détermination à créer la zizanie entre les Arabes, Israël a été à l'origine des dissensions entre le Fatah et le Hamas. Il n'a pas ménagé ses efforts pour inciter l'Autorité Palestinienne à reprendre Gaza et éliminer le Hamas et le Jihad Islamique de la Cisjordanie… Tel Aviv n'a jamais été sérieux à propos d'une solution pacifique du conflit et reste ferme dans son double objectif de garder la terre et de diviser les Arabes"

Combien de fois Tel Aviv n'a-t-il pas demandé au régime Baa'thiste de Syrie de revenir à la table des négociations? Les Syriens ont à chaque fois refusé l'offre et ont insisté pour la récupération du plateau du Golan – "après on verra" disent-ils. Même si la Syrie récupère le Golan, le régime Baa'thiste de Damas restera provocant, soutenant les milices telles que le Hezbollah ou le Hamas.

Dans le même numéro d'Al Ahram, on trouve les résultats d'un sondage mené par "le Centre de recherche al Moustaqbal" de Gaza d'après lesquels le Hamas reste toujours populaire parmi les Palestiniens, alors que son rival le Fatah est en déclin, notamment en Cisjordanie. Essam Adwan, professeur de science politique à l'Université d'al Aqsa à Gaza n'est pas surpris disant "Bien que le niveau de vie des Gazaouis ait sérieusement chuté sous le gouvernement du Hamas, de larges secteurs de l'opinion palestinienne continuent de soutenir le Hamas, simplement parce qu'il est en guerre contre Israël!"

Cela n'est pas surprenant. Qui ose dire ouvertement qu'il s'oppose au Hamas ? Il serait abattu sur le champ.

En fait le Hamas et tous les régimes arabes ont pris en otage leur population. Personne n'ose plus s'opposer à ces régimes autoritaires, risquant d'être traité de traître, emprisonné ou tué. Les régimes autoritaires ont besoin d'un ennemi extérieur. Les périls extérieurs, réels ou fictifs, garantissent le soutien de la population. Hitler et d'autres dictateurs ont procédé de la même manière et les despotes arabes continuent le processus. Jusqu'à leur chute. En attendant que la démocratie et la liberté de parole soient introduites dans les pays arabes, que des partis d'opposition soient autorisés à s'exprimer, que le discours agressif et venimeux soit éliminé des écoles et des médias, la flamme de la haine continuera à flamber et les forces radicales continueront à l'animer.

Lorsque vous parlez aux gens en privé, ils vous disent qu'ils sont fatigués et malades de leurs régimes. Ils veulent la paix avec Israël. Si des consultations libres et transparentes étaient tenues, la majorité voterait pour une complète coexistence avec Israël. Et parmi eux à Gaza, on pourrait trouver peut-être Ali, Nidal, Tawfiq et Moufid (qui ont refusé de donner leur nom de peur de représailles), qui ont dit à un journaliste allemand que ceux qui ont défoncé la frontière avec l'Egypte essayaient de fuir le Hamas, la vie sous sa férule étant devenue insupportable.

samedi 15 mars 2008

Pour essayer d'être objectif sur le conflit Israélo-Palestinien, il faut aussi s'intéresser à la version israélienne... En voici une...

RAPPEL AUX NON-JUIFS
SOUTENIR ISRAËL, C’EST AUSSI DEFENDRE CERTAINES VALEURS FONDAMENTALES

Par Francine Girond pour Guysen International News

Jeudi 13 mars 2008

Lorsque des victimes civiles sont massacrées par des terroristes, c’est toute l’humanité qui est mise en péril.
Quand ces victimes sont des enfants, délibérément désignés avec préméditation, c’est le sens même de la vie qui échappe à cette humanité.
Il serait simplement humain d’attendre une seule et unique réaction spontanée: la condamnation sans aucune condition, sans aucune nuance.

Or, s’il s’agit d’Israël, et d’enfants israéliens, une sorte de tabou refait toujours surface. Rares, dans les milieux non-Juifs, sont ceux qui condamnent cet acte barbare sans, au mieux, « comprendre » ce qui a poussé l’assassin ; au pire, le justifier.

Le soutien à Israël revêt quelque chose de suspect et sa critique systématique va forcément de soi, y compris dans les milieux intellectuels, enseignants, littéraires et bien formés. Et s’il arrive de vouloir entamer une discussion, deux attitudes, somme toute assez violentes, s’imposent : le déni de la réalité historique et l’accusation de partialité.
Alors qu’il ne serait pas interdit d’échanger sereinement des points de vues divergents sur la politique étrangère de n’importe quel pays, avec les mêmes principes de départ.

Par exemple, que ne faut-il pas aller rechercher sur internet le texte de l’ONU de novembre 1947 pour prouver qu’à l’origine, c’est bien la création d’un état « juif » qui a été votée à la majorité… et ce n’est pas suffisant parce qu’il est alors rétorqué qu’il faudrait s’insurger contre ce qui ressemble alors à une théocratie, puisque certains peuples comme les Druzes ne peuvent pas en substance se reconnaître dans cette définition. Alors, il faut expliquer qu’il existe un parti arabe, des Arabes élus démocratiquement à la Knesset, selon la spécificité de cet Etat.

Que cela plaise ou non, la création de l’Etat juif d’Israël a légalement été votée, et soutenir l’existence de cet état, c’est défendre les valeurs de la démocratie et de la liberté d’opinion.

Mais la critique persiste : un intellectuel européen, universitaire de premier plan, m’objectait récemment qu’il fallait être plus exigent avec Israël parce que, justement, ce pays était supposé se conformer aux règles de la démocratie alors que les dictatures islamistes voisines étaient dirigées selon des principes contraires à la civilisation.
Si cette remarque est très juste, et elle le serait aussi pour nombre de pays européens, il n’en reste pas moins qu’elle n’est pas alléguée au bon moment. Ne serait-il pas tout aussi juste de hiérarchiser les priorités ? de commencer par lutter contre les violations des droits humains les plus meurtriers ?
Soutenir Israël, c’est défendre aussi les valeurs des droits de l’homme, et des droits de la femme. Et l’argument suprême s’exprime : les Palestiniens de Gaza souffrent et crèvent… comment faire comprendre que, pour améliorer le sort des Palestinien, pour les sauver, on a vraiment intérêt à soutenir Israël ?

Peut-être en posant quelques questions : selon le rapport publié le 6 mars dernier par différentes organisation humanitaires, le peuple palestinien de Gaza, dont la majorité des familles gagne moins de 1,2 dollars par jour, connaît la pire des situations depuis 1967.

Par ailleurs, Indy Khoury, la représentante en France de l’Autorité palestinienne ne cesse de conclure tragiquement qu’un blocus israélien empêche, entre autres, l’arrivage de nourriture dans cette zone. Alors, s’il est impossible de faire parvenir des vivres à Gaza et si les Gazaouis sont trop pauvres, comment se fait-il que, dans Gaza, les membres du Hamas, eux, soient bien portants et bien nourris, qu’ils puissent trouver de l’argent pour acheter des armes, ou du matériel explosif, et les introduire dans ce territoire ?
Il est peut-être trop difficile de répondre objectivement à ces questions, parce que, au fond, elles révèlent une violence intellectuelle trop pénible à intégrer lorsque l’on est sincèrement persuadé du bien-fondé de la forme de son empathie avec « les Palestiniens », dans une globalité extrêmement artificielle. Parce qu’elles remettent en cause toute une formation culturelle sur ce que devraient être les principes du bien – illustré par ceux qui ont l’apparence de la faiblesse et le monopole de la victimisation-, et du mal – incarné par ceux dont un postulat de départ leur a attribué la force par excellence, la force militaire visible ou encore éventuellement le soutien des Etats Unis.

Il faudra bien cependant qu’il ne soit plus insupportable de les entendre.

Et puis il faudra bien admettre, enfin, que, pour les Israéliens, précieuse est la vie d’un seul enfant, qu’il soit d’Israël ou de Palestine

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mardi 4 mars 2008

Présentation du roman "Docteur Malard ou la fuite mystérieuse", publié fin 2006 aux éditions Bénévent (d'après l'énigmatique affaire Godard...)



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TEXTE DE QUATRIEME DE COUVERTURE
On se souvient du fait divers relatant la disparition d’un certain médecin acupuncteur de la région de Caen, disparu soudainement sur un voilier loué à Saint-Malo en août 1999… Le praticien était accompagné de ses deux jeunes enfants.
L’affaire fit alors grand bruit et prit des allures de feuilleton durant des semaines, à la radio et la télévision. À ce jour, cette disparition compte parmi les énigmes du vingtième siècle. Malgré de nombreuses recherches, on ne sait toujours pas ce qui s’est réellement passé dans cette famille…
Le roman, même s’il n’est que fiction, retrace cette sombre histoire en s’appuyant sur les faits réels. Il en donne une certaine version, notamment sur ce qui aurait pu arriver à la femme du médecin, dont on retrouva des traces de sang au domicile des époux, ainsi qu’aux deux enfants. Puisque le crâne de la fillette fut un jour remonté dans les filets d’un chalutier…
Une histoire mystérieuse et troublante, pleine d’émotion. Un drame passionnel… Pour lecteurs sensibles et curieux.

CHAPITRE I

Ce samedi-là, soit le vingt-huitième jour d’un mois d’août ensoleillé de l’année 1999, à Tilly-sur-Seulles où il demeurait, le docteur Yvan Malard ne changea rien à ses habitudes. Il fit comme de coutume…
En fin de matinée, il partit donc au café-tabac du village avec ses deux enfants, Camilla, six ans, et Marcus, cinq ans, qu’il venait de prendre au sortir de l’école ; il s’y rendait de temps à autre pour se détendre, seul ou non. Consommateur invétéré de cigarettes et lecteur assidu de certains magazines, ce bistrot plutôt tranquille et discret lui avait tout de suite convenu. Dans cet endroit un peu retiré de campagne, il se sentait à l’aise, et c’était devenu l’un de ses lieux favoris. Resté un peu sauvage, il fuyait toujours le monde lorsque son emploi du temps le lui permettait.
Arrivé dans le bistrot, le docteur s’installa comme toujours à la même table, tout au fond de la salle… Et acheta comme à chaque fois, cigarettes, journaux et magazines, qu’il feuilleta en buvant des cafés crème. Pendant ce temps-là, ravis et pleins d’enthousiasme, ses enfants jouaient à d’interminables parties de baby-foot ou de flippers.
Seulement, ce samedi-là, le docteur Malard avait bien du mal à rester calme, à se concentrer sur ce qu’il était en train de lire. Parce qu’aujourd’hui, il savait parfaitement qu’il ne parviendrait jamais à se détendre, bien au contraire… Et les mégots s’entassaient dans son cendrier sans qu’il s’en rendît compte. À peine une cigarette terminée, qu’il en reprenait une autre…
C’est qu’il était très préoccupé, extrêmement soucieux ; plus que cela, même : il était carrément paniqué. Finalement, les jours avaient passé à une vitesse folle… Et le jour « J », ce jour tant espéré, tant attendu, arrivait à grands pas ! On y était presque… Le jour où tout allait se jouer, où tout devait se jouer. Alors, bien qu’il en fût extrêmement satisfait et soulagé, plus le moment se rapprochait, et plus il avait peur…
Aussi le docteur Malard ne tenait-il plus en place, tenaillé par une nervosité grandissante dont il n’était plus maître ; mais en même temps, une grande joie l’empêchant de craquer le submergeait, à l’idée que sa vie allait enfin changer, et cette fois, dans le bon sens. Son cerveau en ébullition ne cessait de travailler, tandis qu’il semblait impassible, assis sur la banquette un peu inconfortable du café. Il regardait tout sans rien voir, ses mains soignées d’orfèvre de la chair pétrissant nerveusement les pages des magazines, et qui seules le trahissaient.
Si le docteur était aussi paniqué, c’est qu’il songeait à ces derniers jours. Il se remémorait avec inquiétude, tristesse et lassitude les tout derniers évènements. Des évènements qui entravaient quelque peu la bonne marche de ce qu’il avait entrepris… Début août, il s’était enfin décidé à prendre la grande décision, celle qui l’engagerait pour le restant de sa vie. Mais seulement après l’avoir longuement mûrie, durant des jours et des jours. C’était donc pour lui une décision d’une importance capitale, d’une extrême gravité. Une décision devenue d’ailleurs absolument irrévocable, et à laquelle, hélas, Marion, sa femme, refusait toujours d’adhérer. Bien qu’il ait pourtant tout essayé depuis des mois pour la persuader, pour la convaincre, mais en vain… Elle continuait à ne vouloir rien entendre. Bien sûr, il le comprenait, elle avait deux enfants d’un premier mariage qui vivaient chez leur père, et qu’elle ne voulait pas laisser derrière elle… Mais lui aussi, était le père de deux grands fils issus d’une précédente union et auxquels il tenait également beaucoup ! Seulement, il estimait qu’ils étaient suffisamment grands et bien entourés, pour ne plus avoir besoin de lui trop fréquemment. Il trouvait donc qu’il devrait en être de même concernant les enfants de sa femme.
Et puis, par la suite, rien n’empêcherait qu’il fasse venir toute la tribu au complet pendant les grandes vacances ! Comme à l’accoutumée… Là où il partait, il était certain d’en avoir les moyens. Il faudrait, certes, prendre quelques précautions… Il ne tenait pas à ce qu’on sache où il se trouve.
Et maintenant, voici qu’on y arrivait… cela y était vraiment… Le moment fatidique se précisait. Dans quatre jours, mercredi premier septembre exactement, ce serait le grand départ ! Il poserait enfin le pied sur le voilier qu’il avait retenu à Saint-Malo depuis le 15 août, et en avant ! Finies toutes les turpitudes… Adieu la France et tout le reste ! Tout serait joué, et définitivement ! Enfin, presque…
Mais pourquoi Marion s’obstinait-elle donc à ne pas vouloir le suivre ?… Peut-être pensait-elle qu’ainsi, il renoncerait à son projet ?… Elle savait pourtant bien que ce n’était plus un projet ! Que tout était maintenant en place, bien ordonné, bien établi… Qu’il était trop tard pour qu’il revienne en arrière. Mais elle faisait la sourde oreille, continuant à ne pas vouloir y croire, ou à faire semblant ! Elle s’y refusait totalement, obstinément… La politique de l’autruche, lorsque ça l’arrangeait ! Cela lui ressemblait bien…
Bien sûr, il n’ignorait pas qu’elle détestait être en mer. Qu’elle n’avait pas le pied marin et avait une trouille bleue dès que ça gîtait un peu… Depuis leur mariage, durant ces cinq dernières années, elle ne s’était forcée à l’accompagner qu’une fois ou deux, tout au début. Ensuite, elle ne voulut jamais plus. Elle l’avait toujours laissé y aller seul, ou encore, avec les enfants, lorsqu’ils furent en âge et le souhaitaient. Mais il avait toujours su que cette situation la stressait… Et qu’elle tremblait à chaque fois pour Camilla et Marcus, encore si petits et vulnérables. Bref, qu’elle n’était jamais tranquille…
Une des nombreuses raisons, sans doute, de sa nervosité croissante… Puisqu’elle était devenue, surtout ces derniers mois, de plus en plus nerveuse sans qu’il en comprenne d’ailleurs la raison véritable. Seulement voilà, il se trouvait que les enfants voulaient souvent l’accompagner. Et lui, justement, désirait leur faire aimer la mer… Comme son père la lui avait fait aimer autrefois.
Alors, à présent que l’heure de ce départ tant voulu se précisait, était si proche, comment allait-il bien pouvoir s’y prendre, pour obliger Marion à venir ? C’est qu’il lui restait si peu de temps, pour parvenir à la décider… Et « L’obliger », oui, tel était bien le mot, malheureusement ! Il faudrait certainement la forcer pour qu’elle réagisse, pour qu’elle obtempère…
Il n’avait jamais prévu de partir seul, ça n’aurait aucun sens ! Ce serait comme un abandon, et tel n’avait jamais été son dessein. Il tenait bien trop à sa femme ! Et à ses enfants, si adorables, encore si fragiles vu leur tout jeune âge, et qu’il fallait protéger. Ils avaient besoin de leur père comme de leur mère, qu’ils affectionnaient autant l’un que l’autre.
Ses enfants, ses deux trésors… Et sa femme... Sa femme… Ah, Marion ! Son seul amour ! Il l’adorait. Il l’aimait tellement… Plus qu’elle ne le pensait. Mais il ne savait pas le lui dire ni le lui montrer. Dans sa famille, on n’était guère démonstratif côté affection… Il n’y avait pas été habitué. Marion devait en souffrir, c’était certain, et il en avait souvent conscience ; elle devait prendre cela pour de l’indifférence…
Mais là-bas où ils iraient, rien ne serait plus pareil ! Il se laisserait aller… Il ne serait plus aussi coincé, il respirerait enfin. Il n’aurait plus les soucis d’avant, il lui montrerait tout son amour ; tout cet amour si fort, si profond, qu’il détenait toujours au fond de lui, prêt à ressurgir avec fièvre, mais qu’il avait enfoui par obligation, sous le poids des trop nombreux avatars qui l’avaient terrassé tout au long de sa vie professionnelle. L’empêchant du même coup de pouvoir donner libre cours à ses sentiments réels…
Bientôt… Oui, bientôt, il pourrait l’aimer comme autrefois… Comme au tout début, au commencement de cette rencontre magique, où une fascination réciproque s’opérait instantanément entre eux à chaque fois. Et tous deux pourraient à nouveau revivre pleinement leur passion, peut-être même avec plus d’intensité, leur nouveau contexte s’y prêtant encore davantage…
Mais, si… si malgré tous ses efforts pour la décider, Marion demeurait intransigeante et butée et ne le suivait pas ?… Eh bien, il aurait beau en être désespéré, mais ne pouvant la traîner de force, il était déterminé : il partirait de toute façon. Puisque son choix était définitif et qu’il ne voulait ni ne pouvait plus reculer ; puisqu’il avait tout prévu dans les moindres détails… Et il emmènerait ses enfants ; il était hors de question qu’il s’en séparât ; il avait assez souffert comme ça lors de son divorce, lorsqu’il avait fallu qu’il se résigne aux seuls droits de visite… Il ne voulait pas revivre le même calvaire une seconde fois. Peut-être que cela, et cela seulement, déciderait Marion, la ferait changer d’avis, l’obligerait à venir… Elle ne supporterait sans doute pas d’être privée de ses enfants. D’autant qu’elle aussi était marquée par son divorce pour les mêmes raisons… Elle préfèrerait encore partir, très certainement. De toute manière, en admettant même qu’elle restât dans un premier temps, – sans doute par fierté, pour ne pas céder, ne pas avoir l’air d’abdiquer trop rapidement – il était presque sûr qu’elle craquerait tôt ou tard, et sûrement très vite, et qu’elle les rejoindrait par la suite… Du reste, il s’y emploierait sans répit.
C’est pourquoi plus le docteur Malard voyait avec bonheur les jours s’enfuir, et plus il appréhendait en même temps la chose. Réalisant plus que jamais le mal qu’il aurait à ce que Marion changeât d’avis, combien elle n’avait vraiment pas du tout envie d’entreprendre un tel voyage… Un voyage qui semblait lui paraître avec certitude comme étant une aventure par trop hasardeuse, malgré qu’il usât de tous les arguments possibles pour enfin chasser tous ses doutes.
D’ailleurs, n’avait-elle pas déjà acheté les cartables des enfants pour la rentrée des classes prochaine ?… Elle les avait déposés bien en évidence sur une étagère, comme pour le narguer, comme pour lui signifier qu’il perdait son temps à vouloir la convaincre ; que leur vie était ici, ne pouvait être que là, et qu’on ne pouvait déroger à certaines habitudes essentielles… Ne lui avait-elle pas également pris des rendez-vous pour tout le mois de septembre sur son carnet, à son cabinet médical de Caen ?… Comme pour le dissuader de s’en aller ? Comme pour lui dire qu’il fallait qu’il reste, puisque de nombreux patients avaient besoin de lui ?…
Pourtant, elle savait bien que tout cela n’était qu’illusoire, elle savait bien, que…
Le docteur Malard venait de croiser sans le vouloir le regard du buraliste, lequel était justement en train de l’observer du coin de l’œil ; ce dernier détourna aussitôt les yeux discrètement, feignant de s’intéresser à de nouveaux clients ; mais à part lui, aujourd’hui, il trouvait l’acupuncteur un peu tendu, un peu nerveux ; lui, d’habitude toujours si calme, tournait machinalement les pages des magazines d’un geste un peu brusque, l’air ailleurs, comme s’il pensait à autre chose et ne lisait pas. Il n’en fit pas l’observation, il ne se le serait pas permis, même en plaisantant, bien que le praticien fût admis au village comme quelqu’un de pas fier et de plutôt sympathique. Il était habitué au docteur, à ce client pas comme les autres, qui n’était jamais loquace avec qui que ce soit, mais dont les gens de Tilly-sur-Seulles, y compris lui-même, s’étaient plutôt bien accommodés, respectant son espèce de mutisme bienveillant et ne s’étonnant plus de ses silences ; parce que le toubib était gentil juste ce qu’il fallait, n’hésitait pas à venir lorsqu’on avait besoin de ses services, avait souvent fait régresser certaines maladies avec ses petites aiguilles, (alors qu’on avait essayé sans succès bien d’autres traitements auparavant) et n’insistait jamais si l’on avait du mal à le payer ; et c’était là le principal, c’était même plus que ce que les gens attendaient. En outre, tous les villageois avaient pu constater que sa femme et lui étaient la discrétion même, ce qui plaisait plutôt dans ce petit coin de France où une certaine pudeur était de mise ; quant à leurs enfants, tout le monde les aimait : ils étaient aussi mignons que bien élevés. À cause de tout ceci, le docteur avait de quoi être bien accepté par tout un village, et même respecté…
Yvan Malard, qui avait aussitôt repris le fil de ses pensées, à cet instant précis était en train de se dire : « Mais enfin… Je ne comprends pas ! Pourquoi Marion ne veut-elle pas tirer un trait sur une vie qui l’ennuie, puisque je lui en donne justement l’occasion ?… Je me rends bien compte, contrairement à ce qu’elle pense, qu’elle ne s’épanouit plus… Que depuis environ deux ans, elle ne trouve plus de goût à cette « routine » qui est devenue la sienne, comme elle dit. Emmener chaque jour les enfants à l’école, aller les chercher, s’occuper des courses et du ménage, et venir trois fois par semaine tenir le secrétariat de mon cabinet de Caen, ne la satisfont plus. Je l’ai vue petit à petit déprimer…
Et voici que maintenant, elle qui n’aspirait pourtant qu’au calme et aux plaisirs champêtres, elle qui détestait la vie citadine, ne trouve plus plaisir non plus à habiter dans un petit village… Même si elle avait tout d’abord adoré notre maison du hameau de Juvigny, dans ce charmant village qu’est Tilly-sur-Seulles…
À l’époque, pourtant, les rénovations apportées à cette ancienne bergerie pour la transformer en habitation fonctionnelle semblaient la combler de joie… Elle avait même accepté avec enthousiasme, alors que les travaux n’étaient pas terminés, qu’on y fasse notre repas de mariage avec la famille et les amis…
Notre mariage… Le 16 juillet 1994… Cinq ans déjà ! C’est si loin…
Ah, cette belle journée, tous réunis à table à l’ombre du pommier !…
Et lorsqu’elle avait emménagé définitivement dans notre maison enfin prête, elle était toujours aussi enchantée… Je la revois encore, toute excitée, riant de plaisir. Découvrant tout avec une ineffable joie. Visitant chaque pièce avec grand enthousiasme… Même par la suite, durant les premières années, je ne l’avais jamais vue une seule fois s’ennuyer. Elle trouvait alors toujours tout et n’importe quoi le plus charmant du monde… Les balades à vélo le dimanche dans la campagne environnante, le long de la Seulles où l’on se baigne l’été… Juste à côté de la maison ! Les pique-niques, les grillades en plein air… Et les bains de soleil en juillet et août sur les plages de Saint-Malo… Seulement, voilà, c’était au début… ».
Et c’était bien après que tout avait changé, ainsi qu’avait pu le constater Yvan Malard, continuant d’y penser.
Petit à petit, insidieusement, un certain ennui s’était emparé de Marion, semblant la ronger de l’intérieur. Et plus grand-chose ne semblait l’intéresser ; hormis peut-être, malgré tout, les trois jours par semaine où elle venait rejoindre son mari au cabinet médical. Il est vrai que là, elle n’était plus tout à fait la même : elle redevenait affable, souriante, semblant revivre ; d’ailleurs, tous les patients l’appréciaient.
Le docteur s’était alors dit que la ville semblait maintenant mieux lui convenir que la campagne. Sans doute aussi, parce que l’aménagement de leur maison n’avait pu être continué, faute d’argent… Leur intérieur, pourtant meublé et décoré à l’ancienne comme ils l’avaient tous deux souhaité, était néanmoins rudimentaire, manquant de réel confort. D’autant que la Seulles, cette rivière toute proche, trop proche, y était également pour quelque chose ; aussi charmante et agréable qu’elle fût, elle apportait aux riverains pas mal d’inconvénients. Notamment, une humidité permanente dans la maison, qui obligeait à protéger les appareils ménagers en les isolant ; comme le réfrigérateur, par exemple, installé sur cales… Avec, en prime, une moisissure obligatoire sur tous meubles et tissus, ainsi que sur certains murs recouverts de salpêtre par endroits. D’où, une odeur persistante de moisi dans toute l’habitation… Et puis, il y avait de surcroît les inévitables rats venus de la rivière, et qui s’aventuraient parfois dans la maison, en quête de nourriture… Mais il ne fallait surtout pas mettre de « mort-aux-rats », par peur d’empoisonner leurs deux chats, qui, eux, réussissaient parfois à attraper les rongeurs, qu’on retrouvait alors occis dans l’une des pièces. Ce qui provoquait à chaque fois une certaine panique chez la mère et les enfants…
Tout ceci avait évidemment de quoi faire déprimer n’importe quelle ménagère. Marion n’y échappait pas. Elle n’avait sans doute pas évalué à juste titre tous ces inconvénients, en acceptant de venir habiter là. À présent, elle devait sûrement déchanter… Certainement une autre des raisons de sa nervosité.
Et le docteur Malard s’en voulait amèrement de faire vivre ainsi sa femme et ses enfants, dans l’ébauche de ce qu’il avait souhaité être un paradis. Malheureusement, ses revenus n’étaient pas suffisants ; ils ne lui permettaient pas de pouvoir apporter d’autres rénovations, qui seraient beaucoup trop coûteuses ; les précédentes, déjà énormes, n’étaient même pas fini de payer et tiraient très dur sur ses finances… Ni de les emmener ailleurs… Pas plus que d’offrir à sa femme les services d’une employée de maison, comme elle le souhaitait et l’aurait mérité…
Mais Marion le savait bien. Et pour cause : lorsqu’elle travaillait au cabinet médical, c’était à elle que les patients réglaient le montant de leur consultation. Elle tenait à jour la comptabilité du cabinet sur son ordinateur ; elle connaissait parfaitement les recettes et les dépenses, ainsi que le maigre bénéfice qui en résultait… Elle n’ignorait donc pas non plus que depuis plusieurs années il était harcelé par les caisses sociales… La CARMF et l’URSSAF le poursuivaient parce qu’il refusait de payer ses cotisations. S’il refusait, c’est qu’il ne le pouvait pas, elle n’avait pu que le constater. Alors, depuis le temps qu’il ne les payait plus, évidemment, leur montant avait atteint une somme exorbitante… Si exorbitante, qu’il lui était devenu tout à fait impossible de les honorer. Elle le savait aussi, et ils en avaient d’ailleurs parlé plusieurs fois sans trouver de solution. Et, le pire, c’est qu’à présent, on le menaçait de saisie. Ça, elle le savait également… L’étau se resserrait, il était pris à la gorge.
Marion, très certainement, devait énormément s’angoisser en y pensant ; et il était plus que certain qu’elle devait en avoir assez d’une telle situation…
Yvan Malard se sentait donc acculé, pressé comme un citron. Il ne savait pas du tout comment s’en sortir et vivait perpétuellement avec cette épée de Damoclès au-dessus de la tête. Son caractère, déjà plutôt renfermé, en avait encore pris un coup supplémentaire et ne s’en était que plus accentué.
Mais comment aurait-il pu satisfaire ce paiement ? Il avait beau avoir une assez bonne clientèle, avec les impôts, les charges de toute sorte l’assaillaient de toute part… Et cela ne lui laissait à la fin du mois que tout juste de quoi pouvoir subvenir à peu près décemment aux besoins des siens. Il était évident qu’il se fût trouvé un peu plus à l’aise s’il n’avait eu à verser une pension alimentaire pour ses fils. Mais à peine plus…
Tout cela, Marion le savait bien, se répétait le docteur. Alors, pourquoi s’accrochait-elle à de l’éphémère ? À du dérisoire ?… Alors qu’il avait trouvé une solution, « la » solution, et qu’il lui proposait du solide, du vraiment fiable ?… De quoi se refaire, de quoi tout recommencer ? À quarante-cinq et quarante-trois ans, ce n’était pas trop tard, mais il était grand temps… De quoi réaliser tout ce à quoi il tendait depuis toujours, et en rendant tout le monde heureux ?
Ils vivraient tous dans un pays magnifique, merveilleux, où il fait toujours beau et chaud. Où la végétation est exubérante et ses parfums subtils et voluptueux… Où les plages étincelantes de blancheur sous un soleil toujours présent, offrent leur sable velouté et l’ombre de leurs cocotiers se reflétant sur une mer tiède et transparente… Où l’on peut nager, se bronzer, et faire du bateau toute l’année. Où les gens vivaient simplement et avaient l’air plus gai… Avec qui il devait donc être plus facile de nouer d’agréables relations amicales et bon enfant, sans arrière pensée aucune… De vraies relations, d’où toute hypocrisie serait bannie et avec qui la vie deviendrait un bonheur permanent et durable. Et surtout, où on le laisserait pratiquer la médecine selon ses aspirations… Une médecine qui donnerait de bien meilleurs résultats qu’ici, il en était certain ; puisqu’il pourrait se servir, comme il l’avait toujours désiré, de médicaments non autorisés en France.
Et quand bien même, si, sur place, il se trouvait une autre opportunité intéressante à saisir… Il pourrait néanmoins pratiquer occasionnellement ses séances d’acupuncture, renforcées d’un traitement à sa façon. Parce qu’en tant que médecin généraliste et acupuncteur, il avait mis au point une thérapie qu’il jugeait sans faille : mais c’était avec ces médicaments interdits, qu’il avait fait venir de Suisse et de Belgique… Et on avait tôt fait, alors, de le remettre en place, pour « Exercice illégal de la pharmacie ».
« De toute façon, tout a mal commencé pour moi dès le début », se souvint le docteur Malard avec amertume.
« Déjà, ma thèse n’avait pas eu très bon accueil, et je voyais bien que mes pairs la dédaignaient poliment… D’ailleurs, c’est bien pourquoi j’avais préféré quitter le milieu hospitalier et m’installer avec un autre médecin. Là, je pensais être enfin tranquille pour exercer selon mes souhaits… Mais non ! Il a fallu que, là encore, on ne me foute pas la paix ! Et ma réputation de toubib en a pris forcément un sale coup : le Conseil de l’Ordre des médecins m’est tombé dessus et m’a suspendu trois mois, pour des pratiques soi-disant peu orthodoxes ! C’était un comble ! Alors que mes patients, eux, étaient satisfaits…
« N’est-ce pas surtout ça qui compte ? Parvenir à soigner ses malades avec un résultat positif ? Les soulager, et même, souvent, les guérir ?...
« Des reproches, toujours des reproches… et injustifiés ! On vous juge, sans même vouloir approfondir ! Sur la forme, et non sur le fond !
« Franchement, il n’y a vraiment qu’en France qu’on est aussi sectaire, aussi conservateur, aussi retardataire ! Eh bien, moi, je dis : vive une médecine libre, lorsqu’elle s’avère bonne, non dangereuse et qu’on en a toutes les preuves ! Après tests et résultats concluants, naturellement …
« En tout cas, ce n’est pas étonnant, finalement, que beaucoup partent ailleurs ! Là où on nous laisse notre libre arbitre, dans la mesure où il est reconnu que ce qu’on fait est un bien pour la société. Et surtout, là où les charges de toutes sortes ne viennent pas nous enfoncer un peu plus, mais où, au contraire, on reçoit bien souvent de précieuses aides financières…
« Voilà pourquoi je veux partir à tout prix ! J’en ai plus qu’assez de tous ces tracas, c’est devenu intolérable ! Invivable…
« Bon sang ! Marion devrait pourtant comprendre que ce ne pourrait être que bénéfique pour nous tous… Envolée, alors, sa nervosité, j’en suis certain ! Elle n’aurait plus d’idées noires et plus besoin de recourir à certains dérivatifs…
« Comme ces séances de relaxation par hypnose, où elle se rend maintenant de plus en plus fréquemment… Quelle bêtise ! Quelle dépendance ! Je ne le supporte pas, ça m’exaspère ! C’est vrai, ça ! A-t-on idée de se laisser manipuler de la sorte ! D’accepter de n’être qu’un pantin entre les mains, de…. de…. qui sait ? Peut-être un charlatan ! C’est carrément contraire à mes principes. J’ai beau être un peu marginal dans ma profession, j’ai malgré tout certains principes, et il y a tout de même des limites !
« Évidemment, ça l’irrite que je le lui fasse observer… Elle le sent comme une intrusion, comme un acte de phallocrate autoritaire dans ses choix personnels ; alors que c’est le médecin qui parle et qui essaie de la préserver… Mais elle ne le voit pas ainsi, et plus je critique, et plus elle est nerveuse. Et plus elle court chez son hypnotiseur !
« Le cercle vicieux…
« J’ai sans doute tort. Mais quand même, c’est bien la preuve que ça ne va plus. Même entre nous…
« Parce que notre couple, il faut bien le reconnaître, n’est pas au mieux de sa forme depuis déjà un certain temps...
« Quand je pense à nos premiers ébats amoureux… Si intenses, si passionnés ! Alors qu’à présent, ils sont de plus en plus espacés, de plus en plus plats, de plus en plus fades… Les plaisirs du lit sont devenus rares. D’ailleurs, depuis plus d’un mois maintenant, ils n’existent même plus… Plus de ces câlins affectueux, qui nous rapprochaient tant… De la faute à qui ?…
« Ça me rend malade, ça me rend fou. Fou de douleur ! Et Marion est loin de s’en douter, j’en suis pratiquement sûr…
« Mais comment avons-nous pu en arriver là ?
« Pourtant, ça ne vient pas de moi, j’en suis certain… ça ne se peut pas. Non, vraiment, je ne le pense pas. Pour Marion, je n’en sais rien, mais quant à moi, je suis toujours amoureux comme au premier jour… Ce jour merveilleux de notre coup de foudre…
« Oui, ce fut bien un coup de foudre, comme il en arrive peu souvent… Nous éprouvions alors une telle attirance physique !
« Pourquoi, maintenant, est-elle ainsi avec moi ? Aussi indifférente, aussi froide ?… Est-ce vraiment ma faute ? Pourquoi ne me comprend-elle plus ? Pourtant, elle devrait bien voir que je l’aime, qu’elle m’attire toujours autant… Elle est si belle ! J’aime tout, en elle. Son visage si romantique… le bleu de ses yeux, ses épais cheveux noirs… Son corps mince et souple aux formes épanouies, à la silhouette harmonieuse… Ses sourires et ses rires… sa douceur et sa patience, sa sensibilité et sa gentillesse… En fait, elle a bien des qualités et je lui trouve peu de défauts…
« Après mon premier échec sentimental, c’était un vrai miracle. Une rédemption !
« Mais je n’arrive pas à lui parler, à le lui dire… J’en ai pourtant souvent envie… Je ne suis qu’un idiot ! C’est pourtant sans doute ce qu’elle attend. Toutes les femmes attendent qu’on leur parle, qu’on le leur dise… Elles n’attendent que ça. Je sais… Je le sais bien !
« Je sais, mais je ne peux pas. Le parfait crétin…
« C’est vrai, que je suis trop renfermé… L’introverti, c’est moi ! « L’ours Malard, la gueule en pétard ! », comme me charriaient mes anciens copains carabins…
« Mais, ailleurs… Ailleurs. Oui, ailleurs, je le pourrai ! Tout sera différent.
« À moins que ça ne serve plus à rien et que je ne lui plaise plus… Puisque ça n’a plus l’air réciproque. Mais pourquoi en serait-il donc ainsi ?... Qu’ai-je bien pu faire… ou ne pas faire ? Qu’aurais-je pu provoquer d’irrémédiable sans m’en douter ?... Ce ne serait pas ce départ, tout de même… Non… cela remonte bien avant…
« Parce qu’il est certain que cela fait longtemps maintenant que nos relations se détériorent. Je vois bien que Marion invoque de plus en plus fréquemment tous les prétextes possibles : tantôt un mal de tête, tantôt une grosse fatigue ; il y a toujours quelque chose… Je ne suis pas dupe, je vois bien qu’elle est lasse de tout, y compris de moi…
« Il n’y a que les enfants qui aient droit à toutes ses faveurs… Mais ça, c’est tant mieux ! Je ne suis que trop content que ma deuxième femme soit aussi maternelle… ».
Yvan Malard s’arrêta un instant dans sa diatribe, dans son monologue intérieur, afin de donner quelques pièces à Camilla venue lui en réclamer pour continuer ses parties avec son frère. Puis il reprit le cours normal de ses pensées.
« Ce ne serait tout de même pas cet hypnotiseur ?… ».
Pourquoi allait-elle de plus en plus souvent à ses séances ?… Cet homme, lui, en faisait ce qu’il voulait, lorsqu’elle était endormie. Pourquoi acceptait-elle cette dépendance-là et pas la sienne ?…
Des séances de relaxation ! Des séances de relaxation… Mon Dieu, mais de quelle sorte ?… Qu’est-ce qu’il en savait, après tout ? Et puis, pourquoi Marion était-elle aussi pressée d’y aller à chaque fois, hein ?… Et pourquoi, surtout, n’était-elle pas ensuite complètement sereine en revenant ? Bien relaxée, elle aurait pourtant dû être suffisamment détendue pour accepter ses avances ? Voire même, pour les provoquer, pourquoi pas ? Autrefois, elle n’était pas si farouche… Elle n’était pas la dernière à… Il trouvait cela bizarre…
Et voilà que depuis, il était devenu jaloux de tous ceux qui croisaient le regard de sa femme ! Et cela aussi, ça énervait Marion. Jaloux et ombrageux, lorsqu’il la voyait sourire à d’autres hommes… N’importe lesquels : ses clients, les jeunes gens du village, et même leurs amis communs !…
« Mais je ne veux pas la perdre, je ne le supporterai pas ! Je l’aime trop ! Il faut qu’elle vienne ! », s’écria intérieurement le docteur avec fièvre.
« Il faut que nous partions définitivement, une fois pour toutes… Qu’elle me suive et qu’on n’en parle plus… Qu’on tire un trait sur tous ces gâchis, sur tous ces ratages !… Qu’on laisse derrière nous toutes ces merdes qui nous pourrissent la vie, qui nous détruisent à petit feu, qui nous étouffent…
« De l’air pur ! Ailleurs, j’en suis sûr, on se retrouvera comme au début… De l’air ! J’ai besoin d’air. J’ai besoin de respirer, et Marion aussi…
« Il faut absolument que je parvienne à lui faire comprendre que c’est la seule solution pour nous tous… ».
Le docteur Malard levant la tête, sentit sur lui l’œil légèrement étonné du buraliste ; il réalisa qu’il manipulait depuis assez longtemps les magazines de façon machinale, en regardant ailleurs, et qu’il devait avoir un air inhabituel le rendant étrange aux yeux du commerçant. Il consulta sa montre. Il était temps de rentrer.
Il appela ses enfants et après qu’il eût réglé sa consommation sans un mot à l’homme derrière son comptoir, tous trois sortirent sans prononcer une parole.
Habitués au silence de leur père qu’ils adoraient, Camilla et Marcus ne disaient jamais grand-chose en sa compagnie. Le dialogue avec lui n’était pas nécessaire ; à ses comportements et ses regards, ils ressentaient son affection. Ils étaient surtout heureux qu’il soit avec eux et que dans la rue il les tienne affectueusement par la main.

lundi 28 janvier 2008

A TOUS CEUX QUI S'INTERESSENT AU SORT DES ANIMAUX, PARCE QU'ILS ONT CONSCIENCE QUE CE NE SONT PAS DES OBJETS MAIS DES ETRES VIVANTS POUVANT SOUFFRIR



http://www.reseaulibre.net/rage

Au fond de ma révolte contre les forts, je trouve du plus loin qu'il me souvienne l'horreur des tortures infligées aux bêtes. Depuis la grenouille que les paysans coupent en deux, laissant se traîner au soleil la partie supérieures, les yeux horriblement sortis, les bras tremblants cherchant à s'enfouir sous la terre, jusqu'à l'oie dont on cloue les pattes, jusqu'au cheval qu'on fait épuiser par les sangsues ou fouiller par les cornes des taureaux, la bête subit, lamentable, le supplice infligé par l'homme. Et plus l'homme est féroce envers la bête, plus il est rampant devant les hommes qui le dominent.

Louise Michel, Mémoires


La théorie des droits de l’animal selon Gary L.Francione

Pour l’abolition de l’animal-esclave

Nous adorons nos chiens et nos chats domestiques, raffolons des dessins animés ou des films animaliers, et cependant notre comportement à l’égard des animaux en général prouve notre insensibilité et notre complicité passive devant leur immense souffrance. Tant que l’animal continuera d’être une propriété et qu’il sera considéré comme un bien marchand, ses supplices se poursuivront. Le texte qui suit est une synthèse, effectuée par la rédaction du Monde diplomatique, des théories de Gary L. Francione pour l’abolition de l’exploitation animale telles qu’il les a exposées au colloque « Théories sur les droits des animaux et le bien-être animal », à l’université de Valence (Espagne), en mai 2006.
Selon le ministère américain de l’agriculture, les Etats-Unis, à eux seuls, abattent plus de huit milliards d’animaux par an destinés à l’alimentation ; chaque jour, plus de vingt-deux millions d’entre eux sont sacrifiés dans les abattoirs américains, c’est-à-dire plus de neuf cent cinquante mille par heure, seize mille par minute ! Malgré les progrès effectués ces dernières années, ils continuent d’être maintenus dans des conditions d’élevage intensif effrayantes, mutilés de diverses manières, sans produit antidouleur, transportés sur de longues distances tassés dans des conteneurs exigus et insalubres, pour être finalement exécutés dans les cris, la puanteur et la saleté d’un abattoir.

Les animaux sauvages ne sont guère logés à meilleure enseigne. Aux Etats-Unis, environ deux cents millions sont, chaque année, victimes de la chasse. Des millions sont également utilisés pour la recherche biomédicale et l’essai de nouveaux produits. On mesure sur eux l’effet des toxines, des maladies rares, des molécules expérimentales, des radiations, des tirs d’armes à feu, et ils sont soumis à de multiples formes physiques ou psychologiques de privation. S’ils survivent aux expérimentations, ils sont presque toujours tués juste après, ou recyclés pour d’autres expériences qui, cette fois, auront raison de leur résistance.

Cirques, zoos, carnavals, parcs d’attractions, spectacles de dauphins et autres utilisent les animaux à la seule fin de divertir. Près de quarante millions de bêtes à fourrure sont abattues chaque année pour la mode...

Avant le XIXe siècle, les animaux étaient considérés comme des objets. Même pour Descartes, un chien qui gémissait était semblable au crissement d’un mécanisme ayant besoin d’huile (1). Parler de nos obligations morales envers les animaux, « machines créées par Dieu », n’avait, pour l’auteur du Discours de la méthode, pas plus de sens que de parler de nos obligations morales envers les horloges, machines créées par l’homme.

Le principe humaniste du traitement médical des bêtes souffrantes et l’application des lois sur le bien-être animal qui en résulte supposent que nous acceptions de nous demander si la souffrance animale est inévitable. Si le fait de ne pas utiliser des animaux pour notre confort nous cause plus de préjudice que la souffrance n’en cause aux animaux. En général, l’intérêt de l’homme l’emporte, et la souffrance animale est considérée comme un « mal nécessaire ». Par exemple, la loi britannique régulant l’utilisation des animaux de laboratoire exige, avant qu’une expérience soit engagée, une évaluation des « possibles effets nocifs sur les animaux concernés par rapport au bénéfice pouvant en découler (2) ». Pour qu’une interdiction de la souffrance animale ait une portée minimale, il faut qu’elle condamne toute douleur infligée uniquement par plaisir, amusement ou convenance (3).

Porter un manteau de fourrure, imposer aux cobayes de multiples tests pour les produits ménagers ou pour de nouvelles marques de rouges à lèvres ne relève pas d’intérêts vitaux pour l’être humain. De même, manger de la viande est considéré par la plupart des nutritionnistes comme nuisible pour la santé. Par ailleurs, des experts écologistes ont souligné les dégâts de l’élevage intensif sur notre environnement. Pour chaque kilogramme de protéines animales fourni, la bête d’élevage doit consommer environ six kilogrammes de protéines végétales et de fourrage. De surcroît, produire un kilogramme de viande requiert plus de cent mille litres d’eau. Alors que la production d’un kilogramme de blé en exige à peine neuf cents…

L’incohérence entre nos actes et nos pensées au sujet des animaux vient de leur statut de propriété (4). Selon la loi, « les animaux sont des propriétés, au même titre que des objets inanimés comme les voitures ou les meubles (5) ». Les animaux sauvages sont considérés comme appartenant au patrimoine de l’Etat, qui les met à la disposition du peuple ; mais ils peuvent devenir la propriété d’individus, en particulier par le biais de la chasse, du dressage ou du confinement. La « souffrance » des propriétaires de ne pouvoir jouir de leur « propriété » à leur gré compte plus que la douleur de l’animal. Dès lors qu’il s’agit d’intérêts économiques, il n’existe plus de limite à l’utilisation ou au traitement abusifs des bêtes.

L’élevage intensif, par exemple, est autorisé parce qu’il s’agit d’une exploitation institutionnalisée et acceptée. Les industriels de la viande estiment que les pratiques consistant à mutiler les animaux, quelles que soient les souffrances endurées par ceux-ci, sont normales et nécessaires. Les tribunaux présument que les propriétaires n’infligeront pas intentionnellement à leurs bêtes des sévices inutiles qui diminuerait leur valeur monétaire (6). Les lois sur le bien-être animal visent à protéger les animaux dans la mesure où ceux-ci demeurent des biens monnayables. Les évolutions de l’industrie agroalimentaire en leur faveur répondent généralement à des critères de rendement économique, les animaux ayant une valeur marchande (7).

Pour faire évoluer le statut de l’animal dans nos sociétés, nous devons appliquer le principe d’« égalité de considération » (selon lequel il faut traiter de façon égale des cas semblables), une notion essentielle à toute théorie morale. Même s’il existe un grand nombre de différences entre les humains et les animaux, une chose fondamentale au moins nous rapproche : notre capacité à souffrir.

Si notre désir de ne pas faire souffrir inutilement les animaux revêt quelque signification, nous devrions alors leur accorder une égalité de considération. Le problème est que l’application de ce principe a déjà échoué du temps de l’esclavage, qui autorisait des hommes à exercer un droit de propriété sur leurs semblables. L’esclave étant considéré comme un bien, son propriétaire pouvait ne pas tenir compte de ses intérêts si cela ne lui était pas économiquement profitable.

On admettait, certes, que l’esclave pouvait ressentir de la souffrance. Toutefois, les lois pour le respect de son bien-être n’ont pas abouti, pour les mêmes raisons qu’échouent de nos jours celles pour le respect du bien-être animal : aucune véritable limite n’est fixée à notre droit de propriété. Les intérêts des esclaves n’étaient préservés que lorsqu’ils généraient du profit pour les propriétaires ou servaient leurs caprices.

A l’heure actuelle, l’intérêt d’un être humain à ne pas être considéré comme propriété est protégé par un droit. Avoir le droit fondamental de ne pas être traité comme une propriété est une condition minimale pour exister en tant que personne. Nous devons étendre aux animaux ce droit que nous avons décidé d’appliquer à tous les hommes. Cela n’éradiquerait pas toute forme de souffrance, mais cela signifierait que les animaux ne pourraient plus être utilisés comme source de profit. Pourquoi jugeons-nous acceptable de chasser des animaux, de les emprisonner, de les exhiber dans des cirques et des zoos, de les utiliser dans des expérimentations et de les manger, autrement dit de leur faire subir ce que nous n’oserions jamais infliger à aucun être humain ?

La thèse selon laquelle les hommes sont pourvus de caractéristiques mentales complètement absentes chez les animaux est contradictoire avec la théorie de l’évolution. Darwin affirmait qu’il n’existait pas de caractéristiques exclusivement humaines : « La différence d’intelligence entre l’homme et l’animal le plus évolué est une question de degré et non d’espèce. » Les animaux sont capables de penser, de sentir et de produire des réponses émotionnelles semblables à celles des humains. Darwin notait qu’« un animal vivant en collectivité éprouve des sentiments d’amour envers les autres » et que les animaux sont réceptifs à la détresse de leurs congénères.

Même si nous ne sommes pas en mesure d’évaluer la nature précise de la conscience animale, il semble évident que tout être doué de perception est conscient et possède une existence mentale continue. Le professeur Antonio Damasio, un neurologue travaillant avec des personnes victimes d’infarctus cérébraux et de graves dommages au cerveau, atteste que ces malades possèdent ce qu’il nomme une « conscience noyau ». Les sujets souffrant d’amnésie transitoire n’ont aucune notion du passé ou du futur mais conservent une conscience de leur corps par rapport aux objets et aux événements présents.

Damasio affirme que de nombreuses espèces animales détiennent cette même conscience noyau (8). Le fait qu’ils n’aient pas de notion autobiographique de leur vie (du moins, à notre connaissance) ne signifie pas qu’ils n’aient pas une existence mentale continue, ou qu’ils n’éprouvent nul intérêt à vivre, ou que les tuer leur soit indifférent. Les animaux possèdent une intelligence considérable et sont capables de traiter une information de façon sophistiquée. Comme les humains, ils communiquent avec les membres de leur propre espèce. Il est prouvé, par exemple, que les grands singes utilisent un langage symbolique.

Aucune créature, à part l’homme, n’est peut-être capable de se reconnaître dans un miroir, mais aucun humain n’a non plus l’aptitude de voler, ou de respirer sous l’eau sans assistance. Pourquoi la capacité de se reconnaître dans un miroir ou d’utiliser le langage articulé serait-elle supérieure, au sens moral du terme, au pouvoir de voler ou de respirer sous l’eau ? La réponse, bien entendu, est que nous le proclamons. Mais il n’existe aucune raison de conclure que les caractéristiques prétendument exclusives à l’être humain justifient le fait que nous traitions l’animal comme une propriété marchande. Certains hommes sont privés de ces caractéristiques, et pourtant nous ne les considérons pas comme des objets. Par conséquent, la question centrale n’est pas : les animaux peuvent-ils raisonner ? Ou peuvent-ils parler ? Mais bien : peuvent-ils souffrir ?

Si nous voulons que leurs intérêts soient respectés, nous n’avons qu’un droit à leur accorder : celui de ne plus être assimilés à de simples marchandises.

     

mercredi 28 novembre 2007

Présentation du roman "L'étrange don d'Anaïs C.", paru aux éditions Osmondes en 2006. Un surprenant récit où se mêlent fantastique, amour et guerre...



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Résumé : Architecte divorcée, Anaïs C., après une tentative de suicide, rencontre Vladimir Kovacic, séduisant médecin anesthésiste au CHU de sa ville ; ce dernier arrive des Balkans en tant que réfugié politique, ayant fui la guerre du Kosovo après y avoir perdu femme et enfant. Ils vont vivre tous deux un véritable coup de foudre. Ce, malgré le drame récent de Vladimir et malgré le don bizarre qui vient d'échoir à Anaïs après son suicide...

Extrait du chapitre II

Plus l’heure passait et plus Anaïs C. était troublée… Elle se rendait compte combien elle était tombée totalement sous le charme de cet inconnu, ce qui augmentait un peu plus son émoi… Envolées pour la soirée, ses étranges visions ! Elle ne voyait plus rien, sinon Vladimir… Vladimir, qui la dévorait souvent des yeux, justement parce que ses yeux, à elle, étaient encore plus beaux, plus clairs et lumineux, dans la lumière toute en douceur des bougies. Et, parfois, dans l’émotion vertigineuse qui la saisissait, elle ne savait plus où les poser…
De temps à autre, Alexandra Kovacic, mi-amusée, mi-attendrie, les observait discrètement, leur lançant de furtifs regards. Anaïs s’en aperçut, malgré ce trouble délicieux qui continuait à l’envahir chaque minute un peu plus. C’est que Vladimir, qui avait comme tout le monde un peu bu, s’enhardissait… À sa plus grande joie, il lui faisait carrément un brin de cour…
À la fin du repas, Christian se leva de table pour mettre quelques CD dans la minichaîne Sony, pendant qu’Anne, aidée d’Alexandra et d’Anaïs, finissait de débarrasser. On repoussa table et chaises, et les deux couples commencèrent à danser. Alexandra Kovacic y trouva prétexte pour prendre congé ; elle souhaita le bonsoir à tout le monde et embrassa chaleureusement Anaïs, lui confiant qu’elle souhaiterait vivement la revoir.
Madame Kovacic à peine partie, les quatre amis reprirent leurs danses. Pleins d’entrain et d’enthousiasme, Anaïs et Vladimir se dépensèrent avec leurs hôtes sur quelques rocks and roll bien rythmés ; histoire de se mettre dans l’ambiance, de perdre un peu de leur trouble et d’être plus détendus… Ils profitèrent ensuite de ce qu’Anne et Christian se soient rendus dans la cuisine chercher quelques rafraîchissements pour s’asseoir et pouvoir enfin bavarder un peu. Pendant l’apéritif et le dîner, ils n’avaient pas vraiment pu faire connaissance. Ils avaient hâte de se découvrir…
« – Ainsi, vous êtes une amie de notre chère voisine Anne ? Anne et Christian sont les seuls que nous connaissions dans cet immeuble. Les seuls à nous avoir aussi bien acceptés et accueillis… Je ne savais pas qu’Anne avait une amie aussi charmante et sympathique. Et surtout, aussi ravissante ! déclara Vladimir, très enthousiaste.
– Merci ! répondit Anaïs, ravie et troublée. Oui, nous nous connaissons en effet depuis longtemps, Anne et moi… À vrai dire, depuis l’adolescence. Nous nous sommes connues aux Beaux-Arts et nous étions perdues de vue depuis des années. Anne avait choisi de partir vivre à Paris… Nous venons juste de nous retrouver.
– Eh bien, la chance est avec moi, puisque vous vous êtes retrouvées,ce qui me permet d’avoir le plaisir de faire votre connaissance…
– Mais, c’est réciproque… J’en suis très heureuse également ! Et c’est vrai que le hasard parfois fait bien les choses… Je suis vraiment contente de vous connaître…, affirma avec conviction Anaïs, de plus en plus émue, qui enchaîna : alors… d’après ce qu’Anne m’a confié, vous arrivez du Kosovo… Vous êtes donc à la fois Kosovar et Yougoslave, je suppose. Mais, êtes-vous originaire de Serbie ou bien d’Albanie ? Ou encore, êtes-vous Tzigane ?… D’après votre physique, je vous verrais plutôt Serbe ou Tzigane… Je me trompe ?…
– Oui, un tout petit peu… Parce que si je suis bien Yougoslave, – enfin, d’ex Yougoslavie – je ne suis cependant ni Kosovar, ni Serbe, ni Albanais, ni Tzigane… Car je viens de Bosnie. Je suis donc aussi Bosniaque… Mais comme la Bosnie est constituée de gens venant de Serbie, de Croatie et même de Turquie, et que toute ma famille et moi-même sommes originaires de Croatie, je suis également Croate… Pour résumer, je suis avant tout un Croate de Bosnie, puisque avant de partir pour le Kosovo, – où m’attendait un poste d’anesthésiste à l’hôpital de Pristina – j’habitais à Sarajevo, donc en Bosnie… Et si mon physique vous intrigue, c’est qu’il est métissé. Parce que, comme dans tout pays aux nombreux brassages, il y a eu pas mal de mélanges… Ce qui a été aussi le cas il y a bien longtemps de cela en Dalmatie, province croate de mes ancêtres. Parmi ceux-ci on trouve, paraît-il, une Italienne et une Autrichienne… Qui seraient apparues du temps où la Croatie avait d’abord été occupée par les Vénitiens, et ensuite été attribuée à l’Autriche…
La Dalmatie !… Ah, si vous saviez… la Dalmatie aux douces collines rocheuses… Le charme tranquille de ses villages, où le temps s’est arrêté… Ses magnifiques maisons de pierres blanches… L’adriatique aux eaux si limpides… C’est si beau ! Un jour, j’aimerais vous y emmener pour vous la faire connaître… Enfin, si vous acceptez mon amitié. Mais, je m’égare… Pour en revenir à ce que je disais précédemment, toutes ces précisions ont leur importance…, ajouta Vladimir, revenu à des réalités moins poétiques. Parce qu’il vous faut savoir également, si vous ne le savez déjà, que les Serbes sont pour la plupart de religion orthodoxe, et les Croates plutôt catholiques… Tout comme les Tziganes, d’ailleurs, qui viennent de Hongrie (dont une minorité est protestante). Tandis que les Turcs sont complètement musulmans, tout comme les Albanais, islamisés par ceux-ci… C’est bien compliqué, n’est-ce pas ? Mais c’est ça, les Balkans : une vraie mosaïque ! D’où leurs difficultés…
– Certes, pour nous, c’est très compliqué ! », répondit Anaïs. Elle connaissait un peu par Anne le passé douloureux de Vladimir, et, par délicatesse, hésitait à poursuivre. Ce fut Vladimir qui continua :
« – Je dois vous avouer que ma vie passée est plutôt tragique… Et ce soir, je ne désire pas en parler… Ce soir, c’est fête, je ne veux pas le gâcher en remuant d’affreux souvenirs. L’heure est à la détente, aux choses gaies, aux amitiés qui se nouent… J’espère bien qu’on se reverra par la suite, j’aurai ainsi l’occasion de vous expliquer en détail tous les évènements graves et dramatiques qui m’ont conduit à quitter mon pays. Mais vous savez sans doute déjà que je suis anesthésiste au C.H.U. de la ville ? Que je suis veuf et vis depuis quelques mois chez ma tante, qui a eu la bonté de m’accueillir chez elle ? Parce que, si j’ai préféré partir définitivement de l’ex Yougoslavie, quitter le Kosovo et ne pas retourner en Bosnie, c’est que plus rien ni personne ne m’y retenait. Je n’avais plus que ma tante… Et puis, je pense que c’est ce que j’avais de mieux à faire, vu le désordre, la pagaille, les règlements de compte et la panique qui y règnent depuis la fin de la guerre et encore maintenant… Vous ne l’ignorez sans doute pas, vous avez dû le voir aux informations télévisées. Ce ne sont que représailles incessantes, malgré l’US KFOR, ces militaires de l’OTAN toujours en faction au Kosovo avec les casques bleus… Et malgré la présence de Bernard Kouchner… Durant toutes ces épreuves, ma tante Alexandra, – c’est la sœur de mon père – n’arrêtait pas de m’écrire et de me téléphoner, me suppliant de venir en France… J’aurais bien dû l’écouter tout de suite… Si j’étais parti dès le début des émeutes avec ma femme et mon fils, tous les deux seraient peut-être encore vivants… Mais je ne pouvais quitter l’hôpital de Pristina, c’était impossible, on y avait trop besoin de moi… En dernier lieu, Alexandra a réussi à me convaincre et je suis parti… Elle avait peur pour ma vie, puisque je suis à peu près le seul survivant de la famille. Voici qui est fait, et j’ai obtenu très rapidement l’asile politique dans votre beau pays… Que je connaissais déjà et que j’adore… J’y ai fait mes études et y venais souvent en vacances, chez ma tante Alexandra. Elle vit en France depuis l’adolescence, elle est naturalisée française… C’est ce que je souhaite également obtenir bientôt. Puisqu’à présent, ma vie est ici… D’autant plus que j’ai eu la chance de trouver tout de suite ce poste d’anesthésiste aux urgences du C.H.U. Il faut dire qu’en France, on manque d’anesthésistes… C’est d’ailleurs pourquoi, dans vos hôpitaux, on trouve des infirmières pratiquant également cet exercice, sous contrôle de médecins. Voilà… À présent, je vous ai à peu près résumé l’essentiel de ma vie passée et actuelle… Et en conclusion, il ne me manquait plus que de rencontrer une femme comme vous… Ou plutôt, que de vous rencontrer, vous, pour être tout à fait comblé… précisa-t-il élégamment avec grand enthousiasme, ajoutant : mais… je suis inquiet… Vais-je vous plaire autant que vous me plaisez ?… ».
Anne et Christian étaient revenus depuis longtemps ; ils avaient disposés les différentes boissons sur la table. Parfaitement discrets, ils avaient respecté l’aparté de leurs invités… Anne, satisfaite d’être à l’origine de cette sorte de coup de foudre, aussi flagrant que réciproque entre son amie et le beau médecin slave, était allée discrètement mettre un CD de slows. Depuis, elle dansait avec Christian, et tous deux, également très amoureux, tournaient langoureusement, collés l’un à l’autre.
En pleine allégresse, un moment attristée et angoissée lorsque Vladimir avait abordé la perte de sa famille, Anaïs lui avait répondu qu’il lui plaisait aussi, sans lui avouer combien… Songeant malgré tout, avec gêne et répugnance, qu’il n’aurait pu être avec elle ce soir sans cette tragédie. Et elle lui avait alors révélé, ce qui semblait avoir transporté celui-ci d’étonnement et de joie, qu’elle l’avait remarqué plusieurs fois dans son quartier, tout en désespérant un jour de pouvoir le connaître… Vladimir lui avait alors pris la main et l’avait entraînée sur la piste de danse. Et il y eut bientôt deux couples d’amoureux tendrement enlacés, s’embrassant avec de plus en plus de passion...
Anaïs en oubliait son âge… Elle avait l’impression d’être à nouveau adolescente, d’avoir vingt ans, comme au temps où avec Anne, elles flirtaient toutes deux dans les discothèques et les soirées d’étudiants… La communion de leurs corps devenait si forte, si intense, qu’un vertige commun les envahissait progressivement avec plus de violence, rendant leur désir réciproque de plus en plus impérieux… Et dans ce tumulte des sens, prélude au tout premier acte sexuel de deux êtres qui se cherchent et n’en peuvent plus, Anaïs, à bout de nerfs et de résistance, murmura doucement à l’oreille de Vladimir :
« Il va être deux heures… Si nous partions ? Allons chez moi, voulez-vous ? ». Vladimir l’étreignant avec plus de force, répondit dans un souffle :
« Partons ! ».
Il n’était pas question pour eux de perdre de temps en fausses pudibonderies… Ils en avaient déjà assez perdu avec leur drame réciproque. Ils avaient passé l’âge…
Et c’est cette nuit-là, qu’Anaïs et Vladimir devinrent amants et décidèrent de ne plus se quitter ; puisque environ trois semaines plus tard, Anaïs proposa tout naturellement à Vladimir d’emménager chez elle. Ce qu’il fit sans se faire prier et avec beaucoup d’empressement, tellement il était fou amoureux.

mardi 30 octobre 2007

En écho à mon article "Humeurs littéraires", voici une nouvelle extraite de mon recueil déjà présenté, "Comme un noir soleil", paru en 2006.



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EDITEURS,JE VOUS HAIS ! PORTES REFERMEES ; VOUS AVEZ TUE MA MERE !

Je m’appelle Eléonore et je viens d’avoir dix-huit ans. Pas de fête pour mon anniversaire, aucune joie. Seulement un trop plein de haine… Une haine tenace. Je hais les éditeurs ! Il n’y a personne que je ne déteste plus ! Ma mère est morte à cause d’eux… Elle s’est tiré une balle dans la tête, un jour de grosse déprime. Mon père l’avait quittée il y a environ un an, elle avait eu du mal à s’en remettre ; naïvement, elle pensait qu’il lui était tellement attaché qu’il ne partirait jamais. Depuis, elle supportait encore moins qu’on lui refuse à chaque fois son manuscrit. Toute réponse négative la plongeait aussitôt dans un désespoir profond qui durait des mois.
Déjà, je l’avais vue petit à petit s’user moralement d’années en années, quand elle envoyait par la poste des ouvrages dont personne ne voulait. Et pour lesquels elle guettait ensuite avec anxiété la moindre lettre. Une attente qui durait une éternité, souvent plusieurs mois. Ce qui ajoutait encore à son supplice.

Oh, oui ! Je les hais profondément, ces affreux éditeurs ! Comment ne le pourrais-je ? Après ce drame, je ne peux bien sûr que les haïr !
Et en premier, tous ceux qui ne pensent qu’à faire du chiffre, au détriment des vrais talents littéraires. Ceux-là ne sont plus que des marchands de soupe pour la plupart, que d’ignobles mercantiles ! Ils prétendent qu’ils ne peuvent agir autrement… que le monde de l’édition est en crise… Qu’ils ont trop de charges. Mon œil ! C’est surtout qu’ils ne veulent plus se battre pour faire connaître de talentueux inconnus, oui ! Ils préfèrent l’argent facile, ce qui va leur rapporter gros sans trop se bouger le cul… Des histoires sans intérêt, mais bien croustillantes ! Du genre petits potins des gens du show-biz ou assimilés… C’est trop injuste, à la fin ! Et s’il y a des lecteurs pour acheter ce genre de bouquins, c’est qu’ils n’en sont pas vraiment… Pour moi, ce ne sont que des voyeuristes déguisés ! Les lecteurs d’aujourd’hui ne sauraient-ils plus lire ?... Ne rechercheraient-ils plus avant tout que la facilité, eux aussi ? S’il en est ainsi, c’est désastreux et écœurant ! Là encore, je suis tout à fait d’accord avec ma chère maman… Parce que c’est ce qu’elle m’affirmait souvent.

Depuis toute petite, j’ai le souvenir de ma mère travaillant le soir dans son bureau, aussitôt le repas terminé. Elle s’y enfermait après un rapide bonsoir à mon père, mon frère et moi-même. Sous aucun prétexte, nous ne devions la déranger. Elle écrivait toute la nuit, et ne se couchait que vers les deux ou trois heures du matin. Elle disait que sa meilleure inspiration lui venait le soir, qu’elle était plus tranquille… Je me souviens qu’au début, – je devais avoir dans les dix ans – j’entendais mon père sortir de sa chambre et redescendre pour la supplier de monter se coucher. Je le sais, parce que c’est vers cet âge-là que j’avais pris l’habitude de lire au lit avant de dormir ; et, bien sûr, je ne savais pas m’arrêter… Mais mon père, par la suite, ne redescendait jamais plus. Il a dû se lasser et y renoncer, à force de toujours remonter seul…
Alors, à la longue, – je l’ai compris depuis – c’est sans doute ainsi que mes parents ont perdu toute intimité. La passion que ma mère, du moins je le suppose, devait avoir éprouvée pour mon père, s’était transformée en une autre beaucoup plus abstraite, celle de l’écriture… Une passion dévorante, si envahissante, que plus rien d’autre ne semblait vraiment compter pour elle ; nous tous, passions bien après… Mais je pense quand même que si maman n’avait pas dû tant galérer pour tenter de se faire publier, elle aurait été plus cool avec tout le monde. Et avec mon père en particulier, ce qui aurait empêché leur couple de se détruire.

Mon frère et moi n’en souffrions pas trop ; elle nous donnait malgré tout l’affection dont nous avions besoin. Disons, pour être tout à fait honnête, que nous en recevions la qualité, plus que la quantité, mais que nous n’en ressentions pas de réelle frustration. C’est plutôt notre père, qui en souffrait terriblement. Même s’il n’en disait rien, ça se voyait à son air, à ses attitudes… Lui qui était d’un naturel plutôt enjoué, est devenu triste et taciturne. On voyait bien qu’il n’était pas heureux. Il a quand même supporté comme il a pu très longtemps. Il devait toujours espérer… Et puis, il y a environ un an, peu avant mes dix-sept ans, il a fini par claquer la porte. Façon de parler, d’ailleurs, parce qu’il s’est plutôt retiré sur la pointe des pieds… Depuis des années, il avait dû par force s’y habituer, pendant que maman frappait avec frénésie sur son clavier… Toute la maisonnée avait pour consigne le silence, lorsqu’elle se trouvait dans son bureau… Et cette fois-là, il s’est retiré pour de bon, définitivement.
Même si à présent je comprends encore mieux ma mère, j’estime que mon père a eu malgré tout beaucoup de patience. Je reconnais que cette situation n’était vraiment pas évidente à supporter pour un mari. D’ailleurs, si mon petit ami se comportait comme maman, c’est une chose que je ne pourrais absolument pas accepter. Mais comme je vois que tout change avec les années qui passent, moi-même je ne suis peut-être pas au bout de mes peines de ce côté-là…

Toujours est-il que dans le cas présent, c’est bien à cause de tout ça, de cet abominable gâchis dans nos vies, si je hais autant les éditeurs ! Et doublement ! Parce que maintenant, voilà qu’ils se réveillent enfin ! Quand c’est trop tard ! Je les tiens pour responsables… C’est quand même de leur faute, si je viens de perdre ma mère. C’était déjà quasiment à cause d’eux, si mon père était parti… Par leur faute, la vie de ma famille a été fichue en l’air ! J’ai dix-huit ans, et voici que je me retrouve seule avec mon frère âgé de treize ans… Quel beau départ dans la vie, pour lui et moi ! Nous partirons bientôt vivre chez notre père. Mais rien ne sera plus pareil, notre mère est irremplaçable…
Nous sommes brisés tous les deux, mon frère pleure sans arrêt, et moi presque autant. On a déjà l’impression que notre vie est foutue, avant même qu’elle ne commence… Et pourquoi ? Parce qu’aucun de ces messieurs-dames des maisons où maman s’était adressée, n’avait alors daigné prendre le temps de s’intéresser à ses textes… Et pourtant, ils auraient pu le faire avant, puisqu’ils l’ont bien fait depuis ! Il suffisait qu’ils le fassent, et nous n’en serions pas là aujourd’hui… C’est horrible ! Je leur en veux à mort !

Parfois, dans les réponses négatives que ma mère recevait, on lui mettait des annotations qui lui faisaient mal : « Narration trop classique », « Style trop traditionnel », formulaient certains, tandis que d’autres lui assuraient que ses histoires étaient intéressantes, originales et bien écrites, mais qu’ils étaient plutôt à la recherche d’une forme d’écriture particulière. Elle ne comprenait pas. Elle me disait : « Mais qu’est-ce qu’ils veulent donc ?... Peut-être que si j’écrivais mes phrases à l’envers, en commençant par la fin, ça leur conviendrait ? Là, ce serait vraiment particulier ! Et si j’écrivais des mots à la suite, sans point, sans virgule, d’une seule traite ? Et pourquoi pas des textes du genre rébus ?... Ce qu’ils veulent, c’est peut-être un style qui innove, même s’il est incohérent ou hermétique ? N’importe quoi, en fait, même si c’est merdique ? Eh bien, non ! Je refuse toute innovation de ce genre ! Faire original à tout prix, dans le but de ne pas écrire comme tout le monde… et surtout, pour qu’il en soit parlé le plus possible, est uniquement une technique de vente, un coup de marketing ! C’est malhonnête pour le lecteur, à qui l’on se doit de remettre un ouvrage qui lui apportera quelque chose, dont il restera quelque chose en refermant le livre… A moi, ce qui me paraît le plus judicieux, le plus motivant pour le lecteur, c’est déjà de trouver un sujet intéressant ; et d’écrire dessus, de la façon la plus passionnante, la plus agréable possible… Concocter une histoire qui en soit vraiment une, et non un assemblage de mots, de lignes, qui forment des paragraphes énoncés tout exprès de façon inhabituelle afin de surprendre et de choquer.
Vian, Queneau ou Céline ont innové en leur temps… Ils ont même choqué parfois. Mais dans le bon sens : ils furent les premiers à introduire le langage écrit sous une forme parlée, ce qui renforçait leurs textes en les rendant plus vivants. Et ce qui n’exclut pas pour autant que ce qu’ils racontaient se tenait, était de vraies histoires. On pourrait se poser la question suivante : quel est le plus important, l’écriture elle-même, ou le thème choisi ? Pour moi, l’un ne va pas sans l’autre. Un beau sujet qui est mal traité, ou une superbe écriture sur une histoire sans intérêt, ne valent rien dans un cas comme dans l’autre… Est-ce que, Effroyables jardins, pour ne citer que celui-là, n’est pas un texte superbe et magnifiquement écrit, par hasard ? Heureusement qu’on en trouve parfois… Voilà le genre de récit qui me va droit au cœur ! Une écriture d’une grande pureté… Directe, concise, sans fioriture, sans maniérisme… Michel Quint à eu la chance de trouver une éditrice aimant un certain classicisme. Et quand je repense aux livres de Bazin, Mauriac ou Camus, par exemple… C’est bien de la narration classique, là encore. Mais quel plaisir de les lire ! « C’est daté », disent certains… Ils ont tout faux ! Des sujets tels que, par exemple, Vipère au point, Thérèse Desqueyroux, L’étranger et La peste, seront toujours d’actualité ; ils sont indémodables ! Pour ma part, c’est vrai, je revendique nos racines latines… Le bon français se perd, celui des origines. Du reste, on le voit tous les jours… Tu l’as bien vu au lycée, Eléonore… En sixième, tu étais parmi les meilleures en français et il y en avait peu. Il faut voir le nombre d’élèves qui ne maîtrisent pas leur propre langue, arrivés à ce stade… Vois-tu, j’aimerais me situer comme l’une des gardiennes de l’héritage littéraire de nos ancêtres les plus célèbres. J’ai une telle admiration pour eux… Personne n’a jamais fait mieux jusqu’à présent. Je suis une fervente adepte de Jean d’Ormesson et de ces quelques autres, qui tirent la sonnette d’alarme pour dénoncer que notre belle langue tend à perdre ses lettres de noblesse. Déjà, je suis atterrée à chaque fois, lorsque je lis les courriers que nous envoie Lucia, ta cousine. Cousus de fautes… Elle vient pourtant d’entrer à hypokhâgne… ».

Mon Dieu ! Quand je me souviens de tout ce qu’elle me disait, ma mère, j’en ai immédiatement les larmes aux yeux… Et je jure bien que si ce n’était pour elle, par respect pour sa mémoire, j’irais les trouver, moi, ces crétins d’odieux éditeurs ! Pour leur dire ce que je pense ! Je prendrais avec moi leur maudite réponse, et je la déchirerais devant eux, cette lettre qui a tant fait souffrir maman ! Même celle que je viens de recevoir du dernier éditeur, à qui elle avait sans y croire et dans un ultime sursaut adressé ses manuscrits… Et sur laquelle brillent enfin ces mots qui auraient été magiques pour elle, et qu’elle ne pourra jamais lire, malheureusement : « Nous avons le plaisir de vous informer que vos manuscrits ont été retenus pour publication… ». Et je leur en jetterais avec force tous les morceaux au visage, en crachant dessus !

Parce que moi, je me suis toujours intéressée à ce qu’elle écrivait, ma mère. Et pas seulement parce que je suis sa fille. Forcément, quand on aime lire autant que moi…
D’ailleurs, j’ai toujours été sa première lectrice. Elle me faisait lire tous ses chapitres, dès qu’ils étaient achevés… Et elle attendait ensuite mon verdict. Bien sûr, pas tout de suite, seulement quand j’ai eu douze ans. Et dès quinze ou seize ans, mon jugement se faisait de plus en plus objectif… Je n’hésitais pas à donner mon point de vue sur ce que je jugeais être les points forts et les points faibles de ses textes. C’est d’ailleurs ce qu’elle voulait, maman. Elle m’affirmait que je lui étais d’autant plus précieuse, et que c’était lui rendre service. J’étais devenue très critique… Je pense même que c’est ce qui m’a donné l’idée de mon futur métier. Critique littéraire… Comme ça, je pourrais écrire de nombreux articles sur les livres de maman, et aider des auteurs dans son cas. En quelque sorte, la venger plus tard…

Donc, ma mère m’écoutait souvent et réécrivait certains passages. C’est fou, ce qu’elle a pu peaufiner ses textes ! Elle les reprenait sans cesse. Elle n’était jamais satisfaite. Une de ses formules préférées, pendant qu’elle travaillait : « La perfection n’est pas de ce monde, et c’est parfois aussi bien. Mais quand on pratique un art, on doit être perfectionniste, ou alors s’abstenir. L’art est égoïste, il demande beaucoup… Il faut tout lui donner. C’est la seule façon d’en obtenir satisfaction en retour. C’est d’ailleurs à ça, qu’on reconnaît le véritable artiste… ».
Une chose qui lui plaisait aussi énormément, c’est que je donne ses récits terminés à lire à mes amis du lycée. J’emmenais ensuite ceux-ci à la maison, pour qu’ils lui fassent leurs commentaires. Nous passions ainsi tous ensemble des après-midis entiers à commenter ses romans, à les analyser. C’était passionnant, nous étions tous épris de littérature. Durant ces moments-là, maman revivait, exultait, oubliant pour un temps ses tracas d’auteur non reconnu. D’autant que mes amis appréciaient totalement ce qu’elle écrivait et lui assuraient qu’elle serait un jour connue. Certains d’entre eux étaient également ses élèves, puisqu’elle était prof de dessin dans mon lycée. C’est, du reste, grâce à sa profession, si elle avait beaucoup de temps libre pour écrire.
Maman me disait souvent : « Tu vois, Eléonore, les jeunes aiment ce que je ponds… La plupart des moins jeunes aussi, d’ailleurs. Tu sais que je donne mes textes à lire à certains de mes collègues… Je suis donc certaine que mes romans plairaient aux ados et aux adultes. Mes livres se vendraient forcément bien… Et dire qu’aucun éditeur ne veut me publier ! ». En général, ça, c’était les jours de désespoir, quand elle venait encore de recevoir une réponse négative…

Et pourtant, oui, c’est vraiment bien, ce qu’elle a écrit, ma mère ! J’ai été sa première admiratrice. Son imagination féconde et étrange, sa façon de raconter, me surprenaient toujours. J’aimerais pouvoir écrire comme elle… Evidemment, j’ai mes préférences. Certains de ses textes me parlent plus que d’autres, certains me laissent perplexe, ou encore me touchent beaucoup moins. Mais ça, c’est normal, c’est toujours ce que je ressens dans n’importe laquelle de mes lectures, auteur connu ou non… N’empêche que j’estime que ma mère a beaucoup de talent ! Un réel talent d’écrivain… Pas comme certains, qui se prennent pour tels, simplement parce qu’ils jouent du stylo ou du clavier, et qu’ils sortent un nombre impressionnant de feuilles de leur imprimante. Aligner des mots, ça, tout le monde peut le faire ! C’est la première chose qu’on nous apprend à l’école… Je n’ai peut-être pas vraiment la qualité pour en juger, et sans doute pas assez de pratique, mais vu que la matière où je suis la plus forte, c’est justement la littérature, et que je lis énormément, il m’est donc possible de comparer, d’analyser, tout en demeurant objective…
D’autant plus qu’il y a une chose qui s’avère absolument certaine : maintenant, je peux être sûre de ne pas m’être trompée, puisque ceux qui ont pendant si longtemps ignoré maman veulent à présent lui publier tous ses textes ! Ça, c’est bien une preuve irréfutable !

Elle qui était constamment en quête de reconnaissance, me confiait souvent avec un extrême désarroi : « Malheureusement, ma petite fille, un auteur n’existe, ne prend sa vraie dimension, que lorsqu’un éditeur lui donne droit de parole… C’est la seule façon qu’il a de devenir crédible. Sans l’éditeur, l’auteur n’est rien. Et puis, à quoi sert-il d’écrire, si personne ne vous lit ? Alors, tu comprends, Eléonore, pour l’instant, c’est comme si mes textes n’existaient pas. Je suis un fantôme qui tente vainement de se matérialiser… ».
Ô, tous ces souvenirs qui font mal… toutes ces paroles de ma mère, qui résonnent à présent dans ma tête… Bande de salauds d’éditeurs ! Vous ne pouviez pas vous décider avant ? Honte sur vous, qui l’avez fait mourir à petit feu, qui l’avez amenée à se suicider par désespoir !…
Oui, je vous hais de toutes mes forces ! Je vous haïrai jusqu’à la fin de ma vie ! Et encore davantage, ceux qui lui avaient fait miroiter une publication… Ceux qui devaient lui adresser un contrat qui n’est jamais arrivé… Ceux qui lui en ont pourtant signé un, mais qui n’ont finalement jamais sorti son ouvrage… C’est ceux-là, les pires ! Parce qu’à chaque fois, maman reprenait espoir, elle pensait voir la fin du calvaire, la reconnaissance de son travail. Et tout s’écroulait, tout était à recommencer !

Par exemple, il y en avait eu un qui lui avait envoyé un e-mail lui annonçant qu’il voulait publier son avant-dernier roman… Qu’il allait lui adresser le contrat s’y rapportant. Mais le contrat ne lui a finalement jamais été envoyé, tout simplement parce que ma mère, qui a bien eu raison, ne voulait pas que ce soit la femme de l’éditeur qui réécrive tout un chapitre à sa place…
Et quand je pense à cette garce d’éditrice, surtout… La présidente des éditions du Manoir.… Celle avec qui maman travaillait en dernier. La pire, celle-là… Espagnole d’origine… Ferra, qu’elle s’appelait. Une vraie folle ! Une fieffée menteuse, et malhonnête, en plus… Faut voir comme elle a fait marcher maman. Un an et demi, qu’elle l’a menée en bateau… Et que je t’appelle, en flattant ma mère… En lui disant qu’elle aimait tout ce qu’elle avait écrit. Ses trois derniers romans, qu’elle lui avait retenus… Maman était enfin tranquille, à ce moment-là. Elle avait reçu les trois contrats, elle voyait enfin le bout du tunnel… Et pourtant, parallèlement, déjà, elle commençait à douter de la Ferra… Parce qu’il avait fallu les lui réclamer plusieurs fois, les contrats promis !
Ensuite, ça avait continué à être désastreux… Les corrections expédiées par la poste, ou par e-mails et télécopies, posaient toujours problème. Où elles n’arrivaient pas, et il fallait faire des relances incessantes, où lorsqu’elles finissaient par arriver, ce n’étaient pas les bons textes et ils étaient incomplets… Plusieurs fois, la Ferra fit le coup d’affirmer avoir fait l’envoi, mais c’était du pipeau. Elle prétendait ensuite que ce devait être de la faute de la poste… Ma mère s’arrachait les cheveux, elle en était malade ! En fin de compte, elle n’a jamais reçu le dernier bon à tirer, le BAT, comme on dit, celui qu’elle venait de finir de corriger et qui aurait dû être donné à imprimer. Mais c’était fait exprès… L’éditrice faisait tout trainer sciemment. Elle n’était plus en mesure de sortir le moindre ouvrage, elle devait de l’argent à tous les imprimeurs… Aucun ne voulait plus travailler pour elle. Maman l’a su après. Des auteurs déçus lui avaient écrit pour la mettre en garde… Certains se trouvaient dans le même cas qu’elle, d’autres, qui avaient pourtant été publiés, n’avaient jamais reçu aucun droit d’auteur, tandis que d’autres encore se plaignaient d’avoir participé financièrement pour rien. Aux abois, l’éditrice allait jusqu’à recruter des auteurs payants… En dernier lieu, une plainte avait même été déposée contre elle et la police venait de lui saisir son matériel. A ce stade, les éditions du Manoir n’existaient quasiment plus… Nul doute que cette dernière expérience encore plus malheureuse, n’ait achevé ma pauvre maman, la poussant au suicide !

Ainsi donc, un mauvais sort en a décidé, ma mère sera publiée à titre posthume… De toute manière, en France il faut souvent être mort pour être reconnu. À se demander si on ne la publie pas maintenant que parce qu’elle s’est… Alors, ma vie durant, je m’emploierais à faire honorer sa mémoire. J’essaierai d’être pour elle, ce que Max Brode a été pour Kafka…
Et quand je pense que c’est ce qu’elle me confiait souvent, en riant d’un rire amer et désabusé, ma pauvre chère maman… Elle me disait : « Tu sais, Eléonore, j’aurais peut-être la chance, moi aussi, d’être publiée à titre posthume, après tout ! Ce sera toujours mieux que rien ! Remarque, ça me fera une belle jambe, une fois que je serai là-haut ! ».
Elle ne croyait, hélas, pas si bien dire, la malheureuse femme… Le destin est parfois si cruel, il est là où on ne l’attend pas. Maintenant, je le sais, et l’avenir me fait peur…

lundi 15 octobre 2007

Aujourd'hui, je bloggue pour l'environnement ! On se doit de respecter son environnement, surtout par ces temps incertains...


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Mon propos sera le respect de la vie animale, quelle que soit son espèce. Maltraiter, faire souffrir inutilement, ou tuer un être vivant, juste pour satisfaire les passions humaines, relève d'un égoïsme forcené et cruel qui n'a plus rien d'humain. C'est pure barbarie, chose inconcevable à notre époque !
En premier, j'ai donc choisi de parler de l'atrocité foncière que représente le spectacle des corridas. Pour cela, on peut se reporter à mon article du 18 août 2007, où je les dénonce au travers d'une nouvelle faisant partie de mon livre paru en 2006, "Comme un noir soleil"... Cela donnera une idée à ceux qui l'ignoreraient encore, de ce que représente réellement un tel genre de spectacle ! Et s'il reste malgré tout des personnes totalement insensibles à la souffrance animale, je doute fort qu'elles le soient pour autrui... Pour illustrer ce sujet, lire ci-dessous un texte transmis par l'Alliance anticorrida.
En second, je propose l'une de mes nouvelles inédites, écrite il y a plusieurs années, sorte de conte, d'utopie pour un monde meilleur : "Métamorphose collective"...

Associations artistes et politiques unis pour dénoncer la corrida !
La conférence de presse organisée par la SPA à Paris le 25 septembre 2007 fut l’un des événements visant à réitérer face aux médias l’une des demandes des associations au président de la République : l’interdiction de l’accès aux arènes pour les mineurs de moins de 16 ans.


Par Alliance Anticorrida
jeudi 27 septembre 2007
Modification : 27 septembre 2007
http://www.anticorrida.org

Avaient répondu présents : Surya Bonaly Raphaël Mezrahi Muriel Marland-Millitello députée des Alpes-Maritimes Yann Wehrling porte-parole national des Verts Jean-Marc Roubaud député du Gard Jean-Paul Richier psychiatre et Yves Cochet député Vert de Paris.

« Qu’ils soient UMP PS ou Verts les politiques sont à nos côtés pour mener ce combat important contre la corrida. Nous observons désormais une évolution de ce dossier : il n’y a plus de couleur politique mais une politique citoyenne. C’est un fait rare et nous nous en félicitons ! » déclare en préambule Caroline Lanty présidente de la SPA avant de donner la parole à Jean-Marc Roubaud particulièrement concerné par la question : « élu d’un département où la tauromachie est présente, je tiens à vous confirmer qu’elle ne concerne que peu d’habitants. Ces spectacles qui se veulent rattachés à une tradition séculaire ne constituent qu’une particularité régionale exogène contre lesquels de plus en plus de voix s’élèvent. »
De son côté Muriel Marland-Millitello a assuré déposer le jour même sa proposition de loi rectifiée visible sur http://petition-anticorrida.com/ ajoutant : « la volonté de combattre les violences et les souffrances qui découlent de la corrida reflète une des avancées de nos sociétés contemporaines »
Le point de vue de Jean-Paul Richier psychiatre vient ensuite justifier la pertinence de la demande de protection de la jeunesse avec la présentation d’une motion qui met en exergue les conséquences de la corrida sur un public jeune : « Le moment est venu de prendre en compte l’impact de ce spectacle sur les enfants et les adolescents. Il existe en effet dans la corrida une violence centrale et une souffrance imposées dans le cadre d’un rapport radicalement inégal ». À son tour Surya Bonaly très émue a assuré que la tauromachie n’est qu’« une banalisation de la violence une torture en musique qui va à l’encontre du respect du vivant et conditionne les enfants pour en faire de futurs aficionados ».

Claire Starozinski présidente de l’Alliance Anticorrida a pour sa part dressé un état des lieux de la problématique en mettant l’accent sur son vécu en tant que Nîmoise : « Maman d’une adolescente de 16 ans et professeur depuis trente-quatre ansje ne peux que m’élever contre le prosélytisme honteux réalisé dans les établissements scolaires dans lesquels les toreros sont invités à donner aux enfants des leçons de tauromachie ! » En concluant ainsi : « Au-delà de la mort d’un animal donnée en spectaclela corrida est hautement condamnable puisqu’elle encourage une pulsion morbide que nous avons en chacun de nous. »
A l’aide d’une vidéo insoutenable les représentants des autres associations ont insisté sur la nocivité des écoles taurines tandis que Yves Cochet et Yann Wehrling réaffirmaient la position très claire des Verts depuis 2006 déclarant de concert : « La mort de l’animal est au service du tiroir caisse la corrida n’étant que le marketing de la souffrance. L’esthétique et le beau ne doivent pas masquer l’horreur. »
Absent Julien Dray député PS avait néanmoins tenu à faire passer ce message : « En tant qu’homme de gauche je défends une certaine idée de l’humanisme qui reconnaît comme valeurs cardinales le respect d’autrui et le refus de toute barbarie. Je ne peux donc souscrire au principe de la corrida et je soutiens résolument votre engagement et la noble cause que vous défendez »
Dès le lendemain fidèle à sa promesse le président de la République recevait Surya Bonaly accompagnée de Caroline Lanty pour un entretien au cours duquel il a fait savoir se référant à une mesure similaire prise en Catalogne (Espagne) qu’il n’était pas opposé à une interdiction des arènes aux mineurs de moins de 16 ans.

Dans un courrier daté du 11 mars 2007 adressé à l’Alliance Anticorrida Nicolas Sarkozy alors candidat à la présidence avait évoqué l’idée d’une « possible évolution de ferias sans corrida » exprimant par-là même le souhait de toutes celles et ceux qui combattent ce spectacle d’un autre âge tout en aimant les traditions pacifiques.Une idée qui semble faire son chemin...

ALLIANCE ANTICORRIDA
http://www.anticorrida.org



Métamorphose collective

C’est ce jour-là, le 2 janvier 2058 exactement, que la chose, cette sorte de métamorphose, s’accomplit…
Dans la petite ville de Circé-sur-Loire, plusieurs évènements bizarres, troublants, se succédèrent en effet ce jour-là.
Ce fut le début de toute une série de faits qui continuèrent par la suite et devaient changer pour toujours le mode de vie des habitants. Mais pas seulement ceux de Circé, ceux de la planète entière…
Car, curieusement, la métamorphose se perpétra un peu partout dans le monde, et pratiquement au même moment ; elle devait également se perpétuer…

Toute la journée, à l’hôtel de ville du centre, le maire s’était vu rapporter tous ces évènements, qui l’avaient stupéfait.
Tout d’abord, ce fut un appel téléphonique du directeur de l’abattoir municipal. Il venait dire au maire que ses employés avaient décrété qu’ils ne voulaient plus abattre un seul animal… Mais qu’ils continueraient à venir travailler chaque jour afin de s’occuper d’eux, jusqu’à ce qu’une solution soit trouvée sur leur sort. Ils disaient tous qu’ils ne supportaient plus le regard des animaux sur eux juste avant d’être abattus. Et leurs cris surtout, pour les fois où ça se passait mal… Que depuis des années, ils en faisaient des cauchemars. Et que leurs déprimes, souvent incompréhensibles, venaient sûrement de là. Ils n’en pouvaient plus… La plupart d’entre eux voulaient fonder ensemble une association et créer plusieurs refuges pour animaux ; ils avaient l’intention de se brancher avec la très ancienne fondation Bardot qui existait depuis de nombreuses décennies, et d’œuvrer dans le même sens. Leurs premiers pensionnaires seraient les animaux ayant échappé aux abattages. Et en attendant, ceux qui habitaient à la campagne ou qui avaient un grand jardin avaient même proposé de prendre en pension, qui un mouton ou un porc, qui un agneau ou un veau, qui un cheval ou un bœuf…
Et curieusement, lui le directeur, en avait été comme apaisé. Il faut dire que depuis plus de dix ans, il n’en pouvait plus également de cette odeur de mort, de ces effluves de sang qu’il respirait chaque jour… Il l’avait supporté jusque-là parce qu’il ne pouvait faire autrement. Il fallait bien gagner sa vie… Mais à présent que ses employés avaient pris cette décision, il suivait avec joie le mouvement. Il était loin de la retraite, mais depuis longtemps avait envie de faire autre chose ; il n’avait rien tenté par négligence, par paresse. Il en trouvait là l’occasion… Et comme eux, décrétait qu’il ne mangerait plus jamais de viande.
Après, ce fut le tour du garde-champêtre accompagné du garde forestier, qui vint le prévenir qu’en cette période de chasse, l’un des chasseurs était venu lui annoncer, au nom de tous les autres, que plus aucun d’entre eux ne voulait chasser à partir de maintenant ; qu’il y avait donc lieu de clôturer la chasse pour toujours… Et le garde-champêtre avait ajouté qu’il s’en trouvait fort bien, car il n’avait jamais apprécié toutes ces cruautés. Propos repris et corroborés par le garde forestier…
Ensuite, on lui avait appris que toutes les boucheries et charcuteries avaient apposé un panneau en devanture indiquant aux gens qu’il n’y aurait bientôt plus jamais aucune viande de vendue dans le magasin ; et que ce qui s’y trouvait était donc la toute dernière… Il y avait aussi le seul magasin de fourrures et peaux de la ville qui en avait fait tout autant. Il liquidait son stock…
« Mais… que vont donc faire ensuite tous ces commerçants ?… s’était étonné le maire.
– Oh, ça ne semble pas être un problème pour eux, avait répondu l’employé municipal qui était venu le trouver pour le lui dire. Certains, près de la retraite vont s’y mettre maintenant, d’autres retournent à la ferme familiale, d’autres encore ont déjà trouvé une place en tant que salarié. Tous ont dit qu’ils ne supportaient plus la vue des têtes de veaux et cochons, pas plus que les carcasses des animaux habituels sur leurs étals. Ils en ont assez jusqu’à l’écœurement… Et le fourreur, quant à lui, va se reconvertir dans le simili… Il est plutôt content : il ne supportait pas lui non plus l’odeur fétide des peaux ».
Le plus étonnant fut lorsque le maire indiqua à l’employé que, de toute façon, les bouchers et les charcutiers ne risquaient plus de vendre de viande, puisque à partir d’aujourd’hui, l’abattoir municipal venait de fermer ses portes définitivement ; et que les chasseurs avaient arrêté de chasser une fois pour toute… L’employé lui répondit alors que les commerçants n’en étaient pas au courant et que lui-même venait de l’apprendre. Et il ajouta que ça le rendait très heureux. Ce qui rendit le maire encore plus perplexe. D’autant que lui aussi se surprenait à jubiler au fur et à mesure qu’il prenait connaissance de tous ces faits. Une jubilation à laquelle il pouvait donner libre cours à présent, puisqu’il était écolo jusqu’au bout des ongles, mangeait végétarien et prônait depuis toujours l’abolition de pratiques qu’il jugeait barbares. Dont celle de la chasse et des abattoirs. Sans parler des corridas, qui le révulsaient ; mais, heureusement, cette pratique n’était pas de mise dans sa région… Il avait, du reste, réussi à faire voter plusieurs fois certains arrêtés municipaux. Contre certaines pratiques de chasse, notamment ; et certaines interdictions en avaient découlé, qui avaient alors provoqué un tollé général parmi les chasseurs.
Et voilà qu’à présent ils ne voulaient plus chasser !… C’était merveilleux ! Seulement, à présent, au vu de tous ces évènements extraordinaires, c’était à lui, en tant que maire de la ville, de prendre certaines dispositions… Parce que tout ce qui venait de se produire représentait un véritable chamboulement de l’ordre social. Il devait réunir rapidement son conseil d’administration. La ville devrait se réorganiser…

Vers les treize heures, le maire partit déjeuner comme de coutume dans son bistrot favori, un restaurant végétarien. Il était vieux garçon et retrouvait souvent là de vieilles connaissances, plus ou moins célibataires comme lui et ayant des goûts similaires.
Ce jour-là, dans le café-restaurant, tous les gens avaient un air inhabituel… C’est ce que constata avec surprise le maire, qui ne se rendait pas compte que lui-même avait un air différent. En fait, ils avaient tous, pour une fois, le même air d’heureuse insouciance, de sympathie spontanée… Tout le monde discutait sec et joyeux. Et tous sur le même sujet… Le maire fut très étonné en entendant les conversations. Il n’y était question que de ce que lui-même venait d’apprendre... Ils étaient tous déjà au courant ! Il s’installa à sa table habituelle et surprit des choses encore plus invraisemblables… Une dame disait à sa voisine :
« Si, si, je t’assure !… C’est ma sœur qui me l’a dit ce matin… Le laboratoire de recherches pharmaceutiques vient de cesser toute vivisection. Les biologistes ne veulent plus entendre parler d’expérience sur des animaux… D’ailleurs, presque tous les ont emmenés à leur domicile ou donnés à leurs enfants, famille ou amis… Ma sœur, qui est copine avec une biologiste, a ainsi récupéré un magnifique chat noir et un petit chien blanc et roux. Et moi, je vais sans doute prendre aussi un chat, depuis le temps que mes enfants m’en réclament un. Si tu veux un animal, fais-moi signe… Mais presse-toi, il n’en reste plus beaucoup ! À moins que tu ne veuilles une souris blanche ?… Il en reste pas mal. Ah, oui, et aussi des lapins… ».
La voisine répondit que ce ne serait pas de refus. Depuis longtemps elle voulait un deuxième chien, pour tenir compagnie au sien qui avait l’air de s’ennuyer.
Plus loin, un monsieur disait à un autre homme :
« Puisque je vous le dis ! Avec ma parabole, je capte des chaînes partout dans le monde… Eh bien, malgré que je ne comprenne ni l’allemand, ni l’anglais, ni l’italien ni les autres langues, j’ai fort bien compris d’après les images, qu’il se passait la même chose qu’ici !… Apparemment, plus personne, nulle part, ne veut plus tuer la moindre bête… Et ne veut plus en manger, du reste ! Moi, je trouve tout ça fantastique ! Depuis plusieurs années déjà, j’avais banni toute viande de mon menu. D’abord, ce n’est pas si bon que ça pour la santé. Ça été reconnu… Et puis, a-t-on idée d’être carnivore, lorsqu’on est civilisé ? Tous ces gens hypocrites – dont j’ai fait partie – qui clamaient souvent : « Moi, je ne pourrais pour rien au monde faire de mal aux bêtes… Je les aime tant ! ». Et qui se précipitaient au restaurant manger des entrecôtes, du couscous mouton, du gigot d’agneau, des escalopes de veau !… Des prédateurs, oui !… Des prédateurs, nous étions ! Et les pires ! Parce que, si les animaux, eux, se mangent entre eux, c’est normal, c’est par nécessité… C’est la nature qui le veut, ils ne peuvent faire autrement. Mais nous, non ! De foutus prédateurs nous étions, et c’est tout !
– Certes ! » avait juste répondu l’autre homme, qui semblait aux anges en entendant ces paroles. Et il avait ensuite lui-même continué la conversation en soutenant cette thèse ; il expliquait qu’il mangeait de temps à autre de la viande pour faire plaisir à sa femme, mais qu’à partir d’aujourd’hui, il en ressentait un dégoût si profond, qu’il ne pourrait plus jamais en manger de sa vie. Et il ajouta :
« D’ailleurs, vous vous souvenez de ce qui s’est passé au début des années 2000 ? Oui, évidemment… vous n’étiez pas encore né… Mais vous en avez entendu parler ? La « vache folle » et la « tremblante » du mouton ? C’est par troupeaux entiers, qu’il avait fallu exterminer les pauvres bêtes, pour endiguer la maladie transmissible à l’homme… Ensuite, il y a eu également – c’était en 2003, si mes souvenirs sont exacts – une autre terrible maladie venant d’Asie ; il s’agissait de la « pneumopathie atypique », qui a fait des centaines de morts, principalement en Chine et à Hong-Kong, où les gens ne sortaient plus alors de chez eux sans un masque médical de protection, car c’était extrêmement contagieux… Malgré tous leurs efforts, les médecins chinois ne parvenaient pas à trouver d’antidote. Et comme les gens voyageaient déjà beaucoup, il y a eu contamination… Cette saloperie s’est alors propagée dans certains pays d’Europe et au Canada ; fort peu, heureusement, et sans trop de cas mortels ; ce qui fait qu’à part en Asie, elle a vite été enrayée… Mais, malgré tout, une véritable psychose régnait à ce moment-là en Europe, où l’on croyait voir cette maladie partout. Eh bien, savez-vous quoi ? Il a été dit à l’époque que l’origine de cette horreur provenait, à ce qu’il semblait, des marchés de Canton, où étaient également vendus comme vous le savez sans doute chats et chiens, tel du bétail à consommer… Jusqu’à hier, ces pauvres animaux l’étaient d’ailleurs toujours… Vous n’ignorez pas que là-bas ils les mangent ? Mon Dieu… j’en ai des frissons rien que d’y penser ! Moi qui ai tant d’affection pour ces petites bêtes… Heureusement qu’à partir de maintenant, ce sera enfin terminé ! Alors, paraît-il qu’en l’occurrence ce serait venu de la civette, qu’ils consommaient aussi autrefois… Vous vous rendez compte ! Ah, mais j’y pense également… C’est vrai qu’il y a eu encore autre chose ensuite… Toujours début 2000, et en Asie. La grippe aviaire… Le saviez-vous ? Là, c’étaient les poulets qui transmettaient la maladie… Comme pour nos moutons, ils ont dû tous les exterminer ! Je ne sais même pas si on en trouve encore chez eux, d’ailleurs… Alors ? Vous vous en souvenez, à présent ?… Oui ? Ah, bon ! Eh bien, tout de même, vous en conviendrez avec moi, c’était déjà un signe, tout ça ! Un bien mauvais signe… Comme un avertissement ! ».
Partout où le maire tendait l’oreille, c’était le même genre de conversation… Ce qui l’avait le plus étonné et réjoui, c’était d’apprendre que dans le monde entier les gens avaient réagi comme ici. Une véritable révolution, semblait-il ! Mais pacifique, celle-là… Une vraie métamorphose ! Presque comme un miracle… La face du monde allait en être changée ! Du moins, économiquement parlant… songeait le maire, tout de même un rien soucieux. Mais, puisque depuis des décennies, toutes les nations européennes du globe s’étaient réunifiées et que les autres continents suivaient, il n’y avait pas de soucis à se faire…

Le lendemain, le maire tint son conseil avec ses administrés. Plusieurs fonctions de la ville furent revues de fond en comble et réorganisées.
Il fut décidé, entre autres, que les domaines forestiers ne seraient plus que des aires de promenades et pique- nique, qui se verraient prochainement dotées de kiosques avec tables et bancs. Et que l’abattoir municipal serait attribué aux vétérinaires de la ville, qui en feraient leur clinique.
Quant aux restaurants, le maire n’eut même pas à s’en inquiéter. D’office, tous les restaurateurs affichaient de nouveaux menus ne proposant plus que des recettes à base de légumes, œufs et poissons. On trouvait encore un peu de poulet, de dinde ou de canard, mais c’étaient les derniers volatiles. Quant à la viande rouge, tant que le stock ne serait pas terminé, il serait écoulé et non renouvelé ensuite, et pour cause… Mais présentement, les restaurateurs avaient plutôt peur que personne ne veuille plus en manger et qu’elle leur restât sur les bras.
Même les entreprises de volailles en gros étaient en train de se recycler… Sauf, celles s’occupant de la ponte des œufs des poules, qui allaient à présent s’intensifier, mais en prenant soin cette fois de veiller à ce que les volatiles soient bien traités. Les élevages de bétail divers avaient également suivi... Tous s’étaient regroupés en sociétés et projetaient de faire de la culture maraîchère intensive à la place.
Les canards resteraient dans les mares, les poulets, les dindes et les porcs dans les cours, les vaches, les bœufs, les moutons, les oies et les lapins dans les champs… Les prairies désertées depuis longtemps, redeviendraient enfin pleines de vie! On ne prendrait de tous ces animaux que ce qui était comestible, comme leurs œufs ou leur lait, sans pour autant les sacrifier comme auparavant.
Tout ceci prendrait certes un certain temps à réorganiser, car il faudrait aussi s’occuper de la prolifération de certaines espèces, mais peu importait… On trouverait bien un moyen pour savoir quoi en faire et pour limiter les naissances.
Parce que plus personne, on ne savait pourquoi, ne voulait maintenant s’en prendre aux bêtes, quelles qu’elles soient… D’un coup, tout le monde réalisait que les animaux n’étaient pas des objets, mais des êtres vivants capables de souffrances et qu’il fallait donc respecter comme tels et protéger… Dorénavant, sur la planète, plus de cruels combats de coqs ou de chiens, plus de corridas avec leur cortège de taureaux mutilés, sanguinolents et massacrés au final, et plus de montreurs d’ours – de ces pauvres ours aux dents limées, aux ongles arrachés, aux naseaux perforés pour les maintenir en laisse, et qu’on fait danser de façon grotesquement dramatique.
Même les ethnies restées les plus fidèles à leurs rituels religieux en matière de sacrifices d’animaux, comme, par exemple, les communautés musulmanes ou tamoules, cessèrent immédiatement de telles pratiques, les remplaçant aussitôt par d’autres, pacifiques et plus subtiles, comme celles de leurs frères chrétiens qui les avaient délaissées depuis des temps immémoriaux. Ne comprenant d’ailleurs plus comment ils avaient pu perpétrer aussi longtemps ce qui leur apparaissait à présent comme de la barbarie… C’est à partir de là, également, que personne sur cette terre, curieusement, n’abandonna jamais plus son animal domestique, qu’il traita avec le meilleur soin. Et qu’il n’y eût, comme par enchantement, plus une seule bête de tuée par un humain. Et puis, l’on avait enfin réalisé en même temps que certaines espèces endémiques avaient disparu, et qu’il fallait que cela cesse… Le monde entier ne pourrait certes jamais ressembler à ces îles Galápagos chères à Darwin et faire partie du patrimoine mondial de l’Unesco, mais ce serait tout de même un merveilleux exemple à suivre.
Depuis ce jour magnifique et béni où eut lieu cette métamorphose mondiale, seuls les détraqués, les dégénérés, continuèrent à maltraiter les animaux. Mais ce n’étaient jamais que des dégénérés…
Et la police avait l’œil, elle restait à l’affût, les traquant et sévissant durement lorsqu’elle leur mettait la main dessus. D’autant qu’une nouvelle loi concernant les droits des animaux avait définitivement été votée leur donnant encore plus de poids qu’auparavant ; une véritable authenticité… La police veillait donc fermement à ce qu’elle fût respectée.

Au cours des mois qui suivirent, à la radio, à la télévision, on ne parlait plus que de cela dans le monde entier… Ces évènements-là avaient supplanté tous les autres, qui avaient disparu. Plus d’infos annonçant terrorisme, meurtres et attentats…Toutes les villes de toute la planète s’étaient mises au même diapason : celui de la protection systématique de tout animal. Bien sûr, on prit grand soin également de lui respecter son environnement… On replanta, on reboisa, on arrêta de détruire la nature. La planète reprenait lentement l’équilibre biologique perdu au fil des ans… Même son réchauffement climatique, devenu beaucoup trop élevé, cessa brusquement, ce qui permit de retrouver des températures normales, bénéfiques à tout être vivant.

Et c’est depuis ce temps que le massacre des animaux ayant enfin cessé, il n’y eut plus une seule guerre dans le monde.
Les hommes, devenus impuissants à tuer la moindre bête, l’auraient encore été davantage envers un humain… En fait, ils ne supportaient plus la vue du moindre sang versé, en avaient le plus profond dégoût, la plus indicible allergie.
Une métamorphose mondiale tout à fait inexplicable avait eu lieu, scellant une paix durable, définitive, pour les siècles à venir et pour le bien de tous…

JUSTINE MERIEAU - ECRIVAIN

Blog destiné à faire connaître mes livres, romans et nouvelles. J'y présente des extraits de ceux-ci, avec également quelques inédits. Mais on y trouvera aussi mes humeurs littéraires du moment...
Bienvenue aux amoureux de la littérature !

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Saint-Joseph, 97480, Réunion
Ecrivain nantais, je suis romancière et nouvelliste. Je demeure à La Réunion depuis 1987.