jeudi 13 septembre 2007

Journal d'un ancien globe-trotter - Suite 5

En rentrant chez moi, je me suis donc couché directement, et pour une fois je n’ai plus pensé à rien d’autre qu’à dormir. Le lendemain matin, soit ce matin, j’avais une drôle de gueule de bois, qui a eu du mal à s’estomper au travail… Et ce soir, me revoici devant mon cahier en train de ressasser ma peine, continuant à me demander pourquoi Clémence observe à mon égard un tel silence… Y aurait-il eu des choses qui m’auraient échappé avant son départ ? Des attitudes différentes que je n’aurais su voir ? C’est vrai que depuis quelque temps elle me paraissait plus lointaine, moins amoureuse… Mais elle m’avait confié avoir quelques problèmes au boulot, et j’avais mis ça sur le compte du travail. Maintenant, je n’en suis plus certain du tout… C’est évident que je me dis de plus en plus maintenant qu’il se passe vraiment quelque chose, qu’une femme amoureuse ne se comporte pas de la sorte, en laissant son mec sans nouvelles aussi longtemps. Alors, en arrivant tout à l’heure à la maison, la première chose que j’ai faite, c’est de lui téléphoner… Mais comme toujours, personne au bout du fil ! Une fois encore, je lui ai laissé un nouveau message, mais là, pour lui dire ce que je pense et pour lui demander de m’appeler sans faute tout de suite… Seulement, il y a maintenant quatre heures de ça, et toujours rien ! Je ne suis pas idiot, ça sent mauvais pour moi, je le sens… Très mauvais, même ! En attendant, il faut que je continue d’écrire mes mémoires, sinon je pète un plomb !
Donc, j’en étais à Moscou… En quittant Moscou, mon charter s’envolait vers Colombo, mais avec une halte obligatoire en Inde auparavant. L’aéroport de Bombay croulait sous une chaleur d’enfer… Cela vous sautait à la figure dès le pied posé sur le tarmac. A l’intérieur de l’aéroport, en plus des odeurs d’urine et de transpiration, fouille obligatoire, y compris sous les vêtements… Pour cause de terrorisme et de bombes pouvant exploser n’importe où, n’importe quand… Pas très rassurant ni très agréable. D’autant que je fus fouillé par une grosse Hindoue très moche ! En plus, on me confisqua d’office mon fusil harpon, qu’on prit pour une arme dangereuse par méconnaissance de l’outil… Dans ma hâte à remonter dans l’avion trois quarts d’heures plus tard, j’oubliai de le récupérer… Ce qui devait m’empêcher par la suite de me livrer à l’un de mes sports favoris, celui de la pêche sous-marine…
Je me souviendrai toujours de mon arrivée à Colombo… En sortant de l’aéroport, un aéroport vétuste et insalubre, on tombait directement devant un grillage de plusieurs mètres de haut qui l’enserrait entièrement. Après un effet de surprise, les touristes comprenaient vite pourquoi : des grappes d’Indiens plus ou moins en haillons y étaient agrippées, criant sur les voyageurs pour leur réclamer toutes sortes de choses… Certains proposaient leur taxi, d’autres d’être des guides provisoires ou de vous mener dans quelque hôtel, d’autres encore, les plus nombreux, réclamaient argent, vêtements, cigarettes, etc.
Le spectacle était affligeant, et nul besoin de réfléchir plus longuement : on réalisait tout de suite qu’on se trouvait d’un coup aux antipodes de ce qu’on connaissait, qu’on venait de quitter un monde bien policé, pour entrer dans celui d’un paupérisme qui existait hélas toujours en certains endroits du globe. En montant dans un taxi pris au hasard tant il y avait de chauffeurs qui voulaient absolument que je monte dans le leur, je n’étais pas vraiment à l’aise… Dans un anglais à l’accent effroyable, comme s’il roulait des pierres dans sa bouche, le taximan indien me demanda quel genre d’hôtel me conviendrait. Je lui répondis que je souhaitais un hôtel bon marché, et il me gratifia aussitôt d’un sourire jusqu’aux gencives accompagné d’un OK enthousiaste. Je compris qu’il m’emmenait chez quelqu’un de sa famille… Nous avions quitté depuis longtemps l’aéroport et suivions la route du littoral. J’admirais à loisir le paysage côtier, très luxuriant, avec sa profusion de cocoteraies bordant l’océan indien. Une multitude de petites cases en torchis, tôles, et toits de paille coco (fibres de cocotiers tressées) apparaissaient en nombre au milieu de toute cette luxuriance. On voyait de suite qu’il s’agissait pour la plupart d’habitations de pêcheurs, plusieurs barques se trouvaient amarrées sur la plage, face à leurs maisons… Je pouvais même en apercevoir certaines sur l’eau et constatais avec surprise qu’elles étaient très particulières, sans doute typiques au pays : à l’avant, leur coque de bois s’élançait gracieusement en une proue très effilée, et toutes s’ornaient de balanciers, l’un à gauche, l’autre à droite ; ce qui me fit évidemment penser à nos catamarans, mais en version rustique et plutôt rudimentaire… Malgré tout, c’était mieux que de simples barcasses, d’autant qu’elles aussi arboraient de jolies voiles de couleur, même si ces dernières étaient petites.


A suivre...

1 commentaire:

Anonyme a dit…

On peut rêver ! On peut rêver d'un monde sans violence. Mais l'homme est déjà un loup pour l'homme, la vie ne peut se passer de la mort... On peut rêver d'un monde sans agressions verbales et physiques, sans spectacles sanguinaires, sans tueurs ni voyeurs, on peut rêver, on peut...

JUSTINE MERIEAU - ECRIVAIN

Blog destiné à faire connaître mes livres, romans et nouvelles. J'y présente des extraits de ceux-ci, avec également quelques inédits. Mais on y trouvera aussi mes humeurs littéraires du moment...
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Ecrivain nantais, je suis romancière et nouvelliste. Je demeure à La Réunion depuis 1987.