mardi 21 août 2007

Vous ne connaissez pas l'île de La Réunion ? Lisez ma dernière nouvelle inédite ! Amour, intrigue et mystère sont au rendez-vous !

JOURNAL D'UN ANCIEN GLOBE-TROTTER

Il vient de m’arriver une chose assez insolite…
En poste sur l’île de La Réunion depuis quelques mois, comme c’était le week-end, j’avais décidé ce jour-là d’aller à Saint-Denis, la capitale. Visiter le Muséum d’Histoire Naturelle, qui se trouve en centre ville, dans un vaste et beau parc dénommé Jardin de l’État…
De prime abord, ce musée n’a pas l’air d’en être un, installé comme il l’est à l’intérieur d’une superbe case créole du plus pur style colonial : immense corps de bâtiment rectangulaire, flanqué en façade de quatre très hautes colonnes soutenant un chapiteau triangulaire. Le tout d’une blancheur éblouissante, au milieu de cet écrin de verdure baigné presque en permanence d’une intense luminosité.
Après m’être parfois étonnée, parfois émerveillée devant le patrimoine biologique de la faune et de la flore réunionnaises, dont certaines espèces endémiques disparues depuis, mais regroupées ici sous différents aspects tels que croquis, aquarelles, herbiers, oiseaux empaillés, sculptures diverses et squelettes d’animaux, je sortis du musée un peu plus instruite qu’auparavant sur mon nouveau pays. Notamment sur les dodos, dont j’avais souvent entendu parler sans savoir qu’il s’agissait de sortes d’énormes dindes sauvages, tellement chassées autrefois pour leur chair malgré l’odeur épouvantable que, paraît-il, elles dégageaient, (peut-être aussi pour cela ?) qu’elles avaient très vite disparu ; de même que toute espèce de singes et de perroquets, d’ailleurs… Et redoutant davantage à présent, je dois dire, de trouver dans mon habitation quelque scolopendre ou scorpion, eux, toujours bien présents… Même si leur piqûre n’est, semble-t-il, pas aussi dangereuse ni douloureuse que dans d’autres pays tropicaux ou équatoriaux. Mais plutôt heureuse maintenant, de pouvoir enfin donner un nom à ces fines silhouettes, si particulièrement blanches et gracieuses, que j’avais déjà souvent remarquées planant dans l’azur du ciel… ou encore, tournoyant au-dessus de l’océan pour y plonger soudain parfois, à l’affût de quelque pitance. Ce sont les fameux Paille-en-queue, ces oiseaux mythiques de l’île par excellence… J’étais quand même un peu triste d’avoir appris qu’en quatre siècles, l’homme avait fini par éliminer vingt-cinq espèces d’oiseaux, une vingtaine de plantes, et quatre-vingt pour cent de forêt… Dieu merci, je fus rassurée de savoir que, malgré tout, les botanistes du monde entier s’accordaient à reconnaître La Réunion comme unique en son genre, parce qu’étant la seule à posséder autant de plantes endémiques et exotiques, et autant d’espèces de bois de couleurs (cent cinquante-trois exactement) sur une surface aussi restreinte. N’empêche que je regrettais beaucoup qu’il n’y ait plus d’oiseaux-mouches, de calaos, de perroquets et de singes ! L’homme, toujours lui, (surtout les premiers débarqués sur l’île) avait encore perpétré ses dégâts…
Je m’étais ensuite assise sur l’un des nombreux bancs du parc, sous les frais ombrages d’un Flamboyant apparemment centenaire ; subjuguée, j’admirais son opulente chevelure qui retombait en une profusion de grappes d’un rouge incandescent, pensant immédiatement que ce bel arbre ne pouvait pas mieux mériter son nom. Je me trouvais face au très imposant bassin qui occupe, sur presque toute sa longueur, la partie centrale de cette sorte de square géant que représente le Jardin de l’État. Occupée à contempler sa multitude de jets d’eau s’élevant à bonne hauteur, délassée et rafraîchie par le gracieux spectacle de la pluie irisée retombant avec légèreté dans l’éclatant soleil, je n’avais pas vu la jeune cafrine qui s’était avancée jusqu’à mon banc. Lorsqu’elle s’adressa à moi, je remarquai aussitôt la beauté un rien sauvage de la fillette, avec son métissage lui donnant un teint satiné couleur café au lait, ses yeux de lynx mi-bleus, mi-verts, sa chevelure brune aux reflets fauves, épaisse, abondante, qui lui descendait aux épaules en une cascade brillante de boucles détendues comme une myriade de petits ressorts ; sa silhouette féline, élancée et souple, se découpait, lumineuse, dans les rayons solaires. Elle me dit, avec ce parler créole si particulier, vif et chantant, si charmant parce que toujours chaleureux : « Mi lé v’nue dire à ou, qu’ou l’a fait tomber quéque chose sous vot’banc… Mi l’a vu… ». Puis, gracieuse et souriante, elle s’enfuit aussitôt en tournant les talons, virevoltant et sautillant comme une gazelle dans le soleil couchant.
Surprise, je me penchai et aperçus en effet quelque chose sous mon banc. J’attrapai l’objet et constatai, très étonnée, qu’il s’agissait d’une espèce de volumineux cahier noir, ou encore, d’une sorte d’énorme carnet. Qui ne m’appartenait bien sûr pas… Je l’ouvris, et pus y lire sur la première page, tout en haut : « Journal d’un ancien globe-trotter ». Avec un étonnement croissant, je feuilletai quelques pages au hasard, et ce que j’y lus attisa encore ma curiosité. Comment, et pourquoi, ce cahier avait-il atterri là ?... L’avait-on jeté exprès, ou l’avait-on perdu ? Il appartenait forcément à quelqu’un… Mais le jour commençait à décliner sérieusement, et je devais parcourir plusieurs kilomètres pour regagner mon domicile, situé à Saint-Paul. Intriguée, je rangeai donc le cahier dans mon sac, remettant à plus tard chez moi l’envie d’en connaître davantage sur les mémoires intimes de mon inconnu. Je montai dans ma voiture et traversai, pour une fois sans trop de difficultés, les rues menant au Barachois, quartier du front de mer où se trouve entre autre la Préfecture, passant devant les célèbres canons dirigés vers l’océan indien et qui gardaient, dans le temps lontan, l’entrée de l’ancien port dionysien. Puis, je m’engouffrai sous le tunnel de la non moins célèbre falaise de la capitale, creusé tout d’abord, en des siècles anciens, par les esclaves d’alors, dont beaucoup ont hélas laissé leur vie sous d’innombrables éboulements ; éboulements malheureusement toujours d’actualité et qui le resteront malgré les énormes travaux entrepris pour y remédier, tels que les filets d’acier tendus sur la roche, ou encore les effondrements volontaires provoqués par des tirs de mine… Passage à risques, sorte de roulette russe pour tout automobiliste, mais passage cependant obligé pour permettre aux autochtones de circuler librement sur leur île, sans être contraints de prendre la route de montagne ; celle des « hauts », comme on dit ici, accidentée, parsemée de virages souvent dangereux, et surtout beaucoup trop longue…

A suivre...

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JUSTINE MERIEAU - ECRIVAIN

Blog destiné à faire connaître mes livres, romans et nouvelles. J'y présente des extraits de ceux-ci, avec également quelques inédits. Mais on y trouvera aussi mes humeurs littéraires du moment...
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Saint-Joseph, 97480, Réunion
Ecrivain nantais, je suis romancière et nouvelliste. Je demeure à La Réunion depuis 1987.